Médecines alternatives : Les huiles essentielles à l'essai sur la santé des mamelles

Le projet Aromam, une solution de première intention

Dans le cadre de l'essai Aromam (1), conduit sur 41 élevages laitiers entre 2018 et 2020, 71 cas de mammites cliniques avaient été traités par aromathérapie (2) en première intention (lot HE). Un traitement antibiotique de seconde intention avait été administré à 25 % du groupe, pour cause de signes cliniques aggravants. Les 61 autres vaches suivies avaient quant à elles reçu un traitement antibiotique dès l'apparition des premiers symptômes (lot ATB). Parmi elles, 8 % avaient fait une récidive et reçu une deuxième médication.

"Bien qu'un quart du lot HE ait reçu un traitement antibiotique complémentaire, l'usage des huiles essentielles comme solution de première intention paraît intéressant à creuser", relate Loïc Jouet, de la Société nationale des groupements vétérinaires (SNGTV). L'analyse des résultats de l'ensemble des vaches traitées, ayant d'abord reçu des huiles essentielles, montre un score clinique (qui se rapporte à la manifestation des symptômes visibles) certes moins bon, mais supérieur sur le critère "cellules". "Les essais méritent d'être poursuivis, avec la prise en compte de plus d'effectifs, afin de vérifier leur efficacité avec un meilleur ciblage des germes pathogènes, indique l'expert. Il est également nécessaire d'approfondir les recherches pour sécuriser l'absence de résidus dans les produits animaux." 

Le projet MilkQua : pour un ciblage sur l'effet du thym à carvacrol

Un autre projet mené à plus petite échelle par l'Institut de l'élevage (Idele) a permis d'étudier l'effet du thym à carvacrol sur l'évolution des mammites subcliniques. Cette huile essentielle, aux propriétés anti-inflammatoires et antibactériennes, a été appliquée sur la mamelle de six vaches laitières atteintes. Les six autres cas, constituant le lot témoin, se sont vus uniquement apposer de la graisse à traire comme excipient. Après un suivi sur 28 jours, "aucune différence n'a été relevée au niveau des taux cellulaires. Par ailleurs, l'utilisation du thym n'a affecté ni les propriétés nutritionnelles, ni le goût du lait", renseigne Ralph Nehme, de l'Idele. En revanche, sur le volet bactériologique, elle n'a pas inhibé la croissance des pathogènes. Dans les perspectives, "l'encapsulation des huiles essentielles serait une technique à considérer pour réduire l'oxydation et ainsi accroître leurs effets bénéfiques", projette le spécialiste. 

Le projet Relacs : à l'échelle européenne

Enfin, des travaux d'envergure européenne ont été conduits à l'échelle de trois pays (Espagne, France, Royaume-Uni). Un des axes du projet intitulé Relacs a consisté à montrer la force des groupes d'échange santé pour prévenir la survenue des pathologies. Parmi les 68 fermes laitières en agriculture biologique suivies, 16 d'entre elles avaient recours aux huiles essentielles (3) comme traitement alternatif en cas de mammites. Sur les quatre années d'essai (2018 à 2022), seuls 34 cas cliniques ont été avérés. Malgré la faiblesse statistique, "nous pouvons dire qu'aucune différence n'a été relevée dans la guérison des mammites entre la thérapie ATB et celle HE", indique Soizick Rouger, de l'Institut de l'agriculture et de l'alimentation biologiques (Itab). S'agissant de la qualité du lait, "un léger retard a été noté dans le processus d'acidification mais l'échantillon reste limitant". D'après les résultats de cet essai, les propriétés sensorielles n'ont pas été altérées et la présence de marqueurs résiduels était faible à très faible. Enfin, aucune réaction n'a été relevée lors de la réalisation du test microbiologique Delvo. 

Sous l'angle socio-économique, le coût des huiles essentielles pour le soin des mammites cliniques s'est élevé à 8 € en moyenne, contre 18 € pour l'emploi d'antibiotiques dans les fermes bios suivies. En revanche, la durée d'intervention joue plutôt en défaveur des HE, puisque leur usage nécessite une application une à deux fois par jour pendant sept jours, alors que le recours aux antibiotiques se cantonne à deux jours de traitement.