Des soulèvements éclatent, surtout dans les provinces périphériques, plus attachées à leurs particularismes fiscaux, leurs « libertés ».
Les rassemblements s’organisent
En juin 1661, le Pays basque se soulève contre les impositions destinées au rachat du domaine royal. Plusieurs villages des actuelles Pyrénées-Atlantiques s’insurgent : à la tête des 5 000 à 6 000 révoltés se trouve le curé de Moncayolle, Bernard de Goyhénèche, surnommé Matalas. Les séditieux sont écrasés par les troupes royales et leur chef exécuté. En décembre, une émeute paysanne éclate en Rouergue, autour du bourg de Flagnac (Aveyron). Elle rassemble 500 ou 600 hommes contre les préposés au recouvrement des impositions. La sédition n’est pas encore réprimée le 21 janvier 1662.
Plus au nord, dans l’Entre-deux-Mers, la révolte est brève mais encore plus violente. Le 5 décembre, au son du tocsin, les villages du comté de Benauge se soulèvent contre les collecteurs venus encaisser les impôts non payés depuis la Fronde. Dans la généralité de Bordeaux, les tailles sont adjugées à des fermiers - les « partisans » - qui font lever l’impôt par des cavaliers sans scrupules. Le président au Parlement de Bordeaux s’en émeut auprès de l’intendant du roi : « C’est un grand malheur pour les peuples que le Roi soit obligé de lever les tailles à main armée, ce qui les réduit dans une misère extrême ! » Près d’un millier de paysans assiègent la compagnie de cavalerie de Bussy préposée au recouvrement. Deux cents paysans occupent alors le château de Benauge et quelques centaines d’autres assiègent les troupes dans le moulin où elles se sont réfugiées : les soldats du roi capitulent le 9 décembre, laissant sept morts ! Sur place, il n’y a aucune autorité pour s’opposer à la rébellion. À la tête de la sédition, qui compte un certain capitaine « La Paille », des artisans, un « chirurgien », un arpenteur, un sergent et des cultivateurs. Point de nobles, ni d’ecclésiastiques.
Le 15 décembre, douze compagnies - neuf d’infanterie et trois de cavalerie - soit 700 à 800 soldats, sont prélevées dans deux régiments et envoyées sur place. Elles étouffent le mouvement. La soumission du pays intervient dès la fin décembre. Le procès des meneurs est instruit au présidial de Bazas par l’intendant : deux d’entre eux sont pendus et étranglés, quatre envoyés aux galères, les cloches de Cantois (aujourd’hui Porte-de-Benauge en Gironde), centre du soulèvement, sont déposées. Une pyramide expiatoire est édifiée devant l’église et les communautés de Benauge sont condamnées à 10 000 livres d’amende. Les villageois ont perdu leurs cloches.
C’est donc par la force militaire que l’État détruit les velléités d’indépendance des provinces. L’unification administrative de la France se réalise par la contrainte. À ce prix, comme l’entend le Grand roi, l’ordre peut régner « partout ».
Jean-Marc Moriceau, Pôle rural, MRSH-Caen