« Ici, rien n’est plat. » À Mooslargue, dans le sud du Haut-Rhin, il suffit de jeter un regard autour de soi pour se convaincre que l’affirmation de Régine et Dominique Wolfer colle au terrain. Les champs accusent de 2 à 8-9 % de pente. « Même si en 2022 une coulée de boue n’a pas provoqué de gros dégâts, l’érosion liée à des événements climatiques de plus en plus aléatoires est un sujet concret », constate le couple.
Ce phénomène ainsi que la préservation de la qualité de l’eau sont les enjeux du programme PSE (paiement pour services environnementaux) proposé par la Communauté de communes Sud Alsace Largue.

Herbicide foliaire et non plus racinaire
En 2024, Régine et Dominique se sont engagés pour cinq ans sur les trois critères du PSE. Le premier demande que les cultures de printemps soient implantées en non-labour. « L’interculture qui mélange radis chinois, avoine et vesce, est éliminée par un double déchaumage avec un Lemken Smaragd. Il est réalisé en croisé, à quinze jours d’intervalle, ou selon les sorties. Le maïs est semé avec un Amazone à 4 rangs en direct ou après un passage de herse rotative », signalent Régine et Dominique.
Le PSE prévoit que 40 % de la surface soient couvertes par des résidus végétaux issus du précédent ou de l’interculture. Ce critère est à justifier par trois photos géolocalisées au milieu et à chaque extrémité de la parcelle. Les vues sont délimitées par un cadre en bois de 1 m². Elles sont prises par l’agriculteur avec un smartphone le jour du semis. Sauf qu’en 2024, des incompatibilités d’équipements ont conduit à des problèmes de transmission des données. « Cette année, la référente de la communauté de communes se déplacera avec un matériel adapté », précise Dominique.

Le second critère du PSE demande la réduction des doses d’herbicides de 50 % en prenant pour référence la moyenne des exploitants de la communauté de communes. Régine et Dominique ont commencé par enlever de leur assolement le soja, gros consommateur de ces molécules. Ils ont abandonné les produits racinaires au profit de spécialités foliaires. Sur colza, les 3 l/ha de Colzor trio (clomazone, diméthachlore et napropamide) au semis suivi d’un rattrapage ont été remplacés par 0,250 l/ha de Mozzar (halauxifen-méthyl et picloram) associés à 0,75 l/ha de Fusilade Max (fluazifop-P-butyl) à raison de 100 l/ha de bouillie.
Sur blé, 250 g/ha de Gyga (pyroxsulam, florasulame et cloquintocet-mexyl) additionnés d’huile, appliqués au printemps ont succédé aux 2,5 l/ha de Défi (prosulfocarbe) et aux 0,25 l de Compil (diflufénican) pulvérisés à l’automne.
En maïs, le protocole classique Camix (bénoxacore, mésotrione et S-métolachlore ; produit retiré depuis) 2,5 l/ha + Lagon (isoxaflutole et aclonifène) 0,5 l/ha, rattrapé au Banvel 4S (dicamba), a fait place au duo Adengo Xtera (cyprosulfamide, thiencarbazone-méthyl et isoxaflutole)/Pantani (nicosulfuron), tous deux à 0,3 l/ha.
« La dose a diminué de 70 %. Cela fonctionne mieux que prévu en blé et en colza. Les parcelles sont plus propres. En maïs, il peut y avoir quelques ratés », constate le couple. En outre, une parcelle proche des habitations passée en prairie temporaire en 2024 permet d’encore mieux respecter le critère. Elle le restera au moins le temps du contrat de cinq ans. La sixième année (et si la réglementation ne change pas), le couple devra décider s’il la remet en culture pour éviter qu’elle ne soit considérée comme prairie permanente non retournable.
« Il faut changer d’approche »

Le troisième et dernier critère du PSE concerne la mise en place d’une culture à bas niveau d’intrants sur au moins 5 % de la surface, 12 % au maximum. Régine et Dominique ont opté pour le triticale. Avec 4,2 ha, ils sont largement dans les clous. La céréale est désherbée comme le blé. Elle nécessite un seul fongicide, voire aucun, et 120 à 130 unités d’azote font l’affaire. Mais son rendement est inférieur au blé.
« Avec la stratégie précédente, il suffisait de semer et de désherber, et on était tranquille. Là, il a fallu changer d’approche. Remplir ces critères demande davantage d’observation. Désherber en foliaire exige d’y aller au bon stade, deux feuilles pour les graminées, trois pour les dicotylédones. C’est aussi pourquoi nous avons retenu une spécialité [Gyga] avec un large spectre. Au final, agronomiquement, c’est pareil », résument Régine et Dominique.