Pour Julien Masson, 36 ans, la reprise de l'exploitation familiale était une évidence. Après un Bac STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant), il a suivi un BTS Agroalimentaire afin de compléter sa formation. « Cela servira toujours », se disait-il et l'avenir lui donne raison. Quant à Apolline Masson, rien ne la prédestinait à l'agriculture avant sa rencontre avec Julien.
Après un BTS et une licence Tourisme, elle travaille à Paris dans la restauration, l’hôtellerie et la vente. « Les allers-retours entre la ferme à la Ferté-Gaucher en Seine-et-Marne et Paris devenaient fatigants et nous avions le projet de fonder une famille, se souvient Apolline. Nous cherchions un atelier de diversification et de vente en lien avec ma formation et anti-gaspillage. »

La fabrication de pain ou de pâtes est envisagée, mais c'est en buvant une soupe pendant sa pause déjeuner à Paris qu'Apolline a l'idée d'en cuisiner et de les mettre en bocaux. En visitant des maraîchers voisins, le couple s'aperçoit qu'un besoin existe pour valoriser les légumes invendus et en surproduction. En 2015, ils partent au CFPPA de Florac en Lozère se former à la transformation de légumes et de petits fruits, et à la stérilisation avec un autoclave.
En 2016, la SARL Conserverie de Larnière est créée avec le couple en cogérance. Julien s'installe avec son père sur l'exploitation de 340 ha de grandes cultures. Le couple s'inspire du prénom de leur premier enfant, Bertille, née en 2016, pour lancer la marque « Bocatille ».
Cuisine existante
« L'achat de fruits et légumes invendus pour notre propre marque de soupes Bocatille représentait 50 % de notre activité, et l'autre moitié concernait la prestation de service pour les maraîchers », explique Apolline qui crée les recettes, cuisine et prépare les commandes. Soupes de fraises, de légumes (potimarron, butternut, courgettes, tomates...), compotes de pommes, caviars d'aubergines, confits d’échalotes, pickles de courgettes sont proposés à la vente.
« Mes parents avaient développé une activité de charcutier-traiteur, avec des prestations de repas sur la ferme, précise Julien. Des cuisines existaient donc déjà. » 50 000 € ont été investis pour agrandir la salle de stérilisation, acheter l'autoclave, les bocaux et du petit matériel. Pendant les six mois d'hiver, 2 000 l de soupe sont cuisinés par mois. L'autre moitié de l'année, ce sont des préparations plus gourmandes en temps qui prennent le pas : caviars, confits, pickles.

Magasins de producteurs, épiceries fines, fromageries, distributeurs automatiques... le couple compte plus d'une soixantaine de points de vente en Seine-et-Marne et à Paris. « De septembre à mars, je fais les livraisons une journée toutes les deux semaines, explique Julien. Comme la date de péremption est lointaine, les clients commandent des volumes importants, peu souvent. Cette organisation colle bien à mon activité dans les champs. » Le couple est également adhérent au réseau Bienvenue à la ferme et à l'association Brie des champs avec une vingtaine de producteurs locaux qui organise des marchés.
Revenu stable et pérenne
Afin d'être indépendant sur les soupes à plus forte valeur ajoutée, Apolline et Julien décident en 2020 de produire leurs propres butternuts, potimarrons et courgettes sur 0,5 ha en conversion bio (12 tonnes par an). Ils continuent à acheter des légumes et fruits à leurs voisins, mais ils ne proposent plus de prestations de service. « Nous trouvons intéressant d'être acteur sur toute la chaîne : de la préparation des recettes à la vente de nos conserves sous la marque Bocatille », expliquent-ils.
Fin 2021, une salariée à mi-temps rejoint Apolline qui attend des jumeaux, après avoir eu une deuxième petite fille en 2019. En 2022, six ans après sa création, la conserverie intègre l'EARL et représente entre 10 et 15 % du chiffre d'affaires. « Avec cet atelier, nous déterminons nos prix de vente. La conserverie nous assure un revenu stable et pérenne », soulignent les jeunes parents qui allient ainsi projets professionnels et vie familiale.
