« Il va encore y avoir des évolutions, prévient Adrien Héraud, on aime le changement ! » Avancer, saisir les opportunités, voici le leitmotiv du Gaec Cél’a Nature. À quarante ans, Céline et Adrien Héraud ont changé complètement leur exploitation : nouvelles productions et nouvelle organisation.
Il y a cinq ans, Adrien était associé avec son oncle et ses parents sur la ferme, à Razines, au sud de l’Indre-et-Loire. Ils élevaient une centaine de vaches laitières sur 115 ha, en système classique. Céline était installée seule, en maraîchage, sur quelques ares, après un congé parental. Le départ à la retraite de trois associés entre 2017 et 2022 fut l’occasion d’opérer un tournant : l’arrêt progressif de la production de lait. Adrien, qui a une âme d’éleveur, aurait pu recruter des salariés ou s’associer avec Céline pour continuer, alors pourquoi ce choix ?
En 2013, Adrien suit une formation de Konrad Schreiber sur l’autonomie alimentaire du troupeau et la fertilité des sols. Peu à peu, il introduit des cultures fourragères et du pâturage, et baisse les charges alimentaires. Les résultats techniques et économiques sont au rendez-vous, la ferme laitière est classée parmi le top 5 d’Indre-et-Loire. Pourtant en 2016, lors de la crise du lait, Adrien est écœuré : « On travaille énormément sur les coûts de production, et les industriels gâchent notre produit avec un prix dérisoire. J’étais très frustré. J’ai pensé arrêter le métier. »

De son côté, Céline souhaite pouvoir profiter des trois enfants, « ce n’est pas compatible avec les vaches laitières ». Le couple décide de valoriser directement ses produits. Il introduit un troupeau de vaches allaitantes, diminue les vaches laitières, développe le maraîchage, et fait reconnaître la ferme en agriculture biologique. « On travaillait déjà comme des bio, ça n’a pas changé grand-chose », indique Céline.
Saisir les opportunités
En 2022, l’exploitation de 125 ha compte une cinquantaine de vaches laitières, et 36 mères allaitantes. « J’en ai acheté en race pure. D’autres sont issus du troupeau laitier. L’objectif est d’arriver rapidement à du 100 % limousin », ajoute l’éleveur, qui s’est spécialisé dans les « veaux élevés sous la mère ». Les vaches pâturent de mars à novembre, les plus fragiles sont rentrées l’hiver. Adrien cultive du trèfle, de la luzerne, du sorgho, des méteils, des prairies pour nourrir ses animaux.
Exceptionnellement cette année, il a vendu du tournesol et du maïs. « Je fais beaucoup de doubles cultures et des couverts avec ce que j’ai sous la main : de l’avoine brésilienne, des radis chinois, des trèfles… Et selon les conditions climatiques, les cultures sont soit récoltées soit pâturées. Avec le pâturage dynamique (2 à 3 jours), les sécheresses ne m’inquiètent pas pour l’instant. », lance Adrien.

Le lait est encore vendu à la laiterie et 60 % des bovins allaitants en filière longue. Le reste de la viande (14 animaux) est commercialisé en caissette à la ferme ou à l'occasion d'un marché hebdomadaire. L’objectif est d’arriver à 24 bêtes par an afin d'avoir du stock pour la vente directe. Le couple développe également les livraisons à la restauration collective (lire encadré) et les produits transformés comme les rillettes de bœuf.
En parallèle de l’élevage, Céline cultive une vingtaine de légumes et vient de planter 1 ha d’asperges. Comme son mari, elle aime expérimenter. « On tâtonne. J’ai essayé les légumes anciens, mais ça n’a pas marché. À l’inverse, le rendement des cucurbitacées est très bon et la clientèle en redemande. Pour la prochaine campagne, nous allons arrêter les légumes d’hiver, car les semis en été nécessitent trop d’eau et on aimerait avoir des semaines moins denses l’hiver. 45 heures de travail et non 60, ce serait bien ! », s’exclame Céline. Une partie des légumes et légumes secs sont transformés par deux conserveries : ratatouille, haricots blancs, tartinade, soupes… L’objectif est d’avoir du choix sur les étals. Dans un an, l’arrêt de la traite libérera du temps à Kelly, la salariée, et le troupeau de vaches allaitantes devrait atteindre 50 mères. D’ici là, le couple aura sûrement développé d’autres activités !
