La vente directe ? « Elle nous a sauvés ! », lancent Guillaume, 41 ans, et Romain Riera, 36 ans. Quand ces deux frères s’installent en Gaec, en 2008, avec leurs parents Pascale et Raymond, l’exploitation, située à Saint-Michel-l’Observatoire, dans les Alpes-de-Haute-Provence, tourne au ralenti. L’aîné de la fratrie prend en charge l’élevage de chèvres, ainsi que l’atelier de transformation de fromages. Le cadet gère le troupeau de brebis et les agneaux. « Nous vendions l’intégralité de notre production à des grossistes et à la grande distribution, indique leur père. La faillite d’un de nos clients nous a mis en difficulté. » Les deux fils choisissent alors de commercialiser leur production sans intermédiaire. « On s’est décidé au bon moment », soulignent-ils. À l’époque de leur installation, le tourisme dans les Alpes-de-Haute-Provence devient florissant. Les visiteurs qui découvrent ce département de cocagne sont friands de produits locaux.

Romain a pris en charge l’élevage des brebis et la vente des agneaux. © Chantal Sarrazin

Point de vente collectif

Guillaume et Romain profitent de ce contexte propice pour participer à la création d’un magasin de producteurs. Unis Verts Paysans voit le jour en 2011, dans le village très fréquenté de Forcalquier. Le point de vente de 40 producteurs s’intègre dans un projet plus large, le Village Vert, un pôle d’activités de 900 m2 subventionné par les pouvoirs publics. Ce lieu dédié aux circuits courts et à l’économie solidaire regroupe différents acteurs. Agribio 04 y installe son siège. Unis Verts Paysans bénéficie, quant à lui, d’un local de 150 m2. Il côtoie un magasin Biocoop. « Nous jouons les synergies, et ça marche ! », affirme Guillaume, qui assure une permanence dans le point de vente tous les jeudis. Depuis la création de ce dernier, le chiffre d’affaires n’a cessé de progresser, pour atteindre 1,3 million d’euros en 2020.

Guillaume s’occupe du troupeau de chèvres et de la transformation des fromages. © Chantal Sarrazin

« Nous nous efforçons d’apporter régulièrement des nouveautés, pour maintenir l’intérêt de la clientèle, renchérit Romain. Il y a trois ans, nous avons ouvert une boucherie. » Avec la création de ce rayon, l’éleveur a doublé ses ventes, qui sont passées de quatre à huit agneaux par semaine au cours de l’été 2020. Le boucher réalise des préparations, brochettes, boulettes… qui dynamisent l’étal. « Je n’ai plus de pertes, ni d’invendus », se félicite en outre l’agriculteur. Toutefois, il ne réserve que la moitié des 350 agneaux qu’il élève au magasin et, pour une petite partie, à la vente directe à la ferme. « Je produis deux lots, un au printemps et un à l’automne, je réserve le premier à la boutique, détaille Romain. Je vends mes agneaux deux fois plus cher à la boutique, mais je n’ai pas la capacité à tout vendre par ce biais. »

Guillaume, pour sa part, commercialise la quasi-totalité de ses fromages, 35 000 unités par an, auprès d’Uni Verts Paysans, qui prélève 12 % sur le montant des recettes. Comme son frère, il ne désaisonnalise pas sa production. Il approvisionne le magasin de mars à début novembre. « Les clients sont réceptifs, d’autant qu’ils recherchent avant tout des produits de saison », indique l’éleveur.

Différentes saveurs

Pour les séduire, Guillaume leur propose une large gamme de fromages lactiques, qu’il décline dans différentes saveurs : tapenade, tomates séchées, poivre, ail, fines herbes et même au confit de figue sèche. « Les ventes vont crescendo depuis l’ouverture du magasin », observe-t-il. Il fournit aussi des restaurateurs locaux et, depuis l’an passé, il est présent sur le marché de Saint-Michel-l’Observatoire les dimanches matin. Cette demande l’a conduit à augmenter la taille de son troupeau, de 36 chèvres à ses débuts à 70 aujourd’hui. Pascale, sa mère, qui a constitué le cheptel initial, a misé sur la commune provençale, une race peu productrice, 400 litres par an, mais qui donne un lait riche et, après transformation, des fromages crémeux. « Nous travaillons désormais en flux tendus », indique Guillaume, qui envisage de parvenir à 80 ou 90 bêtes d’ici deux à trois an. Il réfléchit également à convertir sa production au bio. « Il y a de la demande pour le label, observe-t-il. Aujourd’hui, 100 % de la nourriture de nos animaux provient de nos prairies, qui sont conduites en bio. » Chantal Sarrazin