À Bourdeaux, au pays du Picodon dans la Drôme, Benjamin fait figure d’exception. Il est l’un des seuls agriculteurs du coin à ne pas avoir de chèvres. Installé en élevage caprin en 1968, son père a arrêté la production dans les années 1980 pour se lancer dans les poulettes démarrées et la culture de semences de maïs et tournesol, en plus des céréales. À son installation en 2012, Benjamin a repris ces activités tout en amorçant la transition vers l’agriculture biologique, d’abord sur 30 hectares. Année après année, il a augmenté les surfaces en bio pour convertir la totalité de l’exploitation.
Conscient de l’importance de se diversifier pour réussir en agriculture biologique, Benjamin s’aventure en 2019 dans la production de pois chiche, lentille et sarrasin, sur 10 hectares. « Cette année-là, j’ai aussi fait le choix d’arrêter le tournesol semences car les contrats en bio n’existaient pas encore. »
Engouement en dents de scie
Un an plus tard, conforté dans son choix par la crise du Covid-19 qui suscite l’« euphorie » pour ses légumes secs, il lance sa marque Les Graines de Ben et accélère la diversification : farines, pois chiches grillés apéro, petit épeautre… Mais l’engouement finit par retomber. Ses ventes en magasin sont divisées par trois, un coup dur pour l’agriculteur. Heureusement, il obtient un important contrat auprès d’une association qui fournit les cantines des collèges et lycées drômois. Sentant toutefois le vent tourner, Benjamin se résout à réduire la diversité.

En 2023, il arrête les lentilles et le petit épeautre. Cette année, il ne produira plus du tout de pois chiche. Désormais, son objectif est d’écouler les stocks. « Avec le recul, je me dis que tout cela m’a demandé énormément de travail pour une valorisation pas si exceptionnelle », estime l’agriculteur. Heureusement, il n’a pas eu à engager de coûts de production exorbitants. « Il y avait déjà un trieur sur la ferme car mon père produisait ses semences, j’étais donc autonome pour trier et conditionner les graines. »
Retenue collinaire
Aujourd’hui, Benjamin cultive à nouveau du tournesol semences, mais avec des contrats en bio. « C’est la meilleure marge de l’exploitation, avec un chiffre d’affaires d’environ 5 000 €/ha et très peu de charges. » Il se plaît à renouer avec cette production clé de l’exploitation qu’il maîtrise techniquement. « Le seul inconvénient, c’est l’absence de sécurité de la part des semenciers qui ne proposent que des contrats à l’année en fonction de la demande mondiale. »

Depuis son installation, il a aussi développé la production de luzerne, qu’il vend en direct à des éleveurs voisins. Rentable, cette culture est aussi intéressante pour nettoyer et fertiliser les sols. Par ailleurs, elle valorise bien l’irrigation, apportée par une retenue collinaire de 18 000 m3 construite en 1991 sur la ferme. « Ce lac est d’autant plus important pour l’exploitation qu’il est aussi la condition d’obtention des contrats en tournesol semences. »
Concernant le blé, l’agriculteur atteint désormais, non sans fierté, les rendements qu’il obtenait en conventionnel. Quant aux poulettes démarrées, en intégration totale, elles apportent stabilité et sécurité à la ferme… Mais aussi du fumier pour enrichir les sols !