«Il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. » En 2005, nous écrivions dans ces colonnes que l’agriculture pourrait, à terme, tirer bénéfice des crédits carbone. Cela pouvait alors sembler abstrait et relever plus de l’usine à gaz - au sens propre et figuré du terme - que d’une réalité tangible. Et pourtant, l’élevage bovin est sur le point de toucher au but, puisque cette filière devrait prochainement être certifiée « label bas carbone » par le ministère de l’Écologie. Ce serait ainsi le deuxième secteur à être labellisé après la foresterie. « Un label de plus », direz-vous ! Certes, mais qui permet aux exploitations concernées de trouver une valorisation sur différents plans.
En matière économique tout d’abord, puisque de grandes entreprises et des collectivités souhaitant compenser leurs émissions de CO2 seraient prêtes à financer le projet de réduction des émissions de carbone d’un collectif d’éleveurs (voir pp. 16-17). Quid au bout du compte pour l’agriculteur ? Pour une ferme moyenne française réalisant une économie d’émission de carbone de 400 tonnes de CO2 sur cinq ans (soit une réduction de l’empreinte carbone de 14 %), cela rapporterait, selon la filière, environ 5 000 euros, soit 1 000 euros par an, sachant que le diagnostic est souvent pris en charge. D’accord, ce n’est pas Byzance, mais ce n’est pas pour autant négligeable. Reste cependant à voir le prix futur de la tonne de CO2.
Les efforts des producteurs pour réduire leur empreinte carbone sont également payants en matière de réduction de charges, car les éleveurs laitiers les plus performants sur le plan technico-économique sont ceux ayant l’empreinte la plus faible. Pour cela, ils utilisent, en effet, différents leviers. Que ce soit l’optimisation de l’alimentation des animaux, la rationalisation de la gestion du troupeau, la gestion raisonnée de la fertilisation azotée… L’occasion aussi de préparer les exploitations au réchauffement climatique auquel elles n’échapperont pas.
En ayant pris le taureau par les cornes depuis plusieurs années, la filière devance les durcissements prévisibles de la réglementation. L’expérience des directives nitrates a laissé des traces. Elle montre également qu’elle est source de solutions, alors que l’élevage est souvent mis à l’index en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Et puis, cette démarche permet de communiquer positivement vis-à-vis du grand public, à commencer par les exploitations travaillant en circuit court. Et qui sait, peut-être qu’un jour l’empreinte carbone fera partie des éléments pris en compte dans la valorisation du produit, voire pour l’accès au marché.