Chrystelle Quointeau, éleveuse de brebis au Haut-Corlay, dans les Côtes-d’Armor, attrape une à une ses agnelles dans sa bergerie. Mickaël Martin, son vétérinaire, les vaccine d’un geste vif contre la fièvre catarrhale ovine, tandis qu’elle les marque d’un trait vert pour s’assurer que toutes les bêtes aient bien eu leur rappel, trois semaines après une première dose.

Deux sérotypes, le 3 et le 8, de cette maladie transmise par des moucherons circulent actuellement dans les élevages ovins et bovins en France, la FCO 3 et la FCO 8. « Aujourd’hui nous avons fait le rappel de la vaccination contre la FCO 8. J’avais fait la FCO 3 en début d’année », explique Chrystelle Quointeau, qui transforme le lait de ses brebis d’origine basque en fromage.

« J’ai préféré vacciner que d’avoir le risque de perdre des bêtes »

L’éleveuse n’a pas eu de suspicion de bête malade. Pour autant, « je ne me suis pas posé la question, j’ai préféré vacciner que d’avoir le risque de perdre des bêtes », dit-elle. « Il y a aussi des risques d’infertilité, d’avortement », poursuit-elle, en montrant ses béliers qui passeront plusieurs semaines au pré avec les brebis pour la saillie.

Entre le 1er juin et le 7 août 2025, environ 3 500 foyers de FCO ont été recensés en France, selon le ministère de l’Agriculture, soit un tiers de plus qu’au 1er août. Les zones les plus touchées se concentrent en Bretagne, première région d’élevage de France, et dans des départements limitrophes, exception faite des Pyrénées-Atlantiques pour la FCO 8.

« La couverture vaccinale des troupeaux en Bretagne est faible », relève le Groupement de défense sanitaire (GDS) Bretagne. En 2024, la région avait été relativement épargnée par l’épizootie, contrairement au Grand Est et au Sud-Ouest où en 2025, la vaccination est bien suivie, selon les Fédérations nationales ovine (FNO) et bovine (FNB), les associations spécialisées de la FNSEA. « Ce n’est pas quand le feu arrive qu’il faut chercher de l’eau », estime Gilles Morvan, président de la Fédération nationale ovine (FNO) en Bretagne.

« 40 de fièvre »

Dans la même matinée, Mickaël Martin, le vétérinaire, a vacciné des vaches laitières à quelques kilomètres de là, au Bodéo. Plusieurs dizaines de prim’holsteins sont alignées dans la stabulation, bloquées au cornadis le temps de manger. « J’ai eu deux vaches qui ont plus de 40 de fièvre », raconte Christian Le Potier, l’éleveur. C’est ce qui l’a décidé à vacciner son troupeau.

Le vétérinaire fait trois allers-retours pour injecter aux vaches le rappel contre la FCO 3, la FCO 8, et les vacciner contre la maladie hémorragique épizootique (MHE) qui a provoqué de gros dégâts dans des élevages en France en 2024. Les trois vaccins reviennent à 25 euros par tête à l’éleveur, qui aurait aussi pu vacciner lui-même. « Je préfère faire du préventif que du curatif » et éviter les avortements, poursuit-il.

« L’épidémie est arrivée très rapidement » début juillet dans les Côtes-d’Armor, retrace le vétérinaire, membre du Groupement technique vétérinaire (GTV) de Bretagne. La maladie peut provoquer « une grosse hyperthermie », mais aussi « des conjonctivites […], des ulcères buccaux qui empêchent les bovins ou les ovins de manger […], des boiteries […], et à moyen terme des gros problèmes de reproduction » dont des avortements et de la stérilité, énumère le soignant.

Du côté de la Confédération paysanne, « ça nous interroge de vacciner massivement alors qu’on est en pleine épidémie », déclare à l’AFP Julien Hamon, secrétaire général régional. « La vaccination sert à diminuer l’impact de la maladie à court ou à moyen terme, notamment sur la reproduction, […] à diminuer la diffusion de ces virus » entre fermes, répond le vétérinaire Mickaël Martin, pour qui « il est encore temps de vacciner dès les premiers symptômes ».