Au siècle des Lumières, les nouveaux savants opposent le rationalisme à l’obscurantisme de l’église et à l’arbitraire du pouvoir royal. Naturaliste passionné par les mathématiques, George-Louis Leclerc, plus connu sous le nom de comte de Buffon (1707-1788), est l’un d’eux. Il dispose d’une intelligence et d’une capacité de travail phénoménale. « L’histoire naturelle générale et particulière » qu’il rédigea de 1749 à 1789 en témoigne. Cet ensemble encyclopédique composé de 36 volumes, dédié à l’étude des règnes animal, végétal et minéral, formidablement illustré, a longtemps été une référence.

Sollicité par le roi Louis XV, l’intellectuel s’intéresse aussi à la fusion et au traitement des métaux de fer. A l'âge de 60 ans, il édifie sa propre forge à proximité de sa ville natale, Montbard en Bourgogne. Pour la première fois, les trois ateliers, le haut-fourneau, l’affinerie (décarburation de la fonte) et la fenderie (ancêtre du laminoir (1)), sont réunis sur un même lieu. Le maître de forge, les ouvriers (jusqu’à 400) et leurs familles sont logés sur place.

Pour mener à bien ses expériences, le scientifique ne recule devant rien : un bief est creusé à bras d’homme pour dériver le cours d’une rivière et fournir l’énergie nécessaire aux machines. Le bruit de l’eau, qui accompagne en permanence le touriste dans sa visite, fait comprendre à quel point la maîtrise hydraulique était indispensable au bon fonctionnement de l’usine expérimentale. Le monumental soufflet en bois actionné par un arbre à cames, lui-même entraîné par une roue à aubes, impressionne.

En s’intéressant à la durée de refroidissement du fer, Buffon fait progresser les connaissances. Il estime l'âge de la terre à dix millions d’années. À l’époque, l’église catholique expliquait que la terre était un morceau de soleil qui s’était refroidi il y a 6 000 ans ! Propriété privée classée monument historique, l’ancienne forge et ses vestiges sont ouverts au public depuis 1978, après trente années de travaux de restauration.

Anne Bréhier

(1) Lieu de découpe et de transformation des barres de fer en produits semi-finis.