À l’heure où sont évoqués les prix planchers en France, la Norvège peut servir d’exemple. Chaque année, depuis 1950, à partir de mi-avril, les deux organisations syndicales du pays, le Norges Bondelag (association agricole norvégienne) et le Norsk Bonde- og Småbrukarlag (union norvégienne des agriculteurs et des petits exploitants), représentent l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires auprès du gouvernement. Pendant plusieurs semaines, elles négocient un prix pour chaque production agricole locale et le montant global des subventions dédiés à l’agriculture pour l’année. Ces pourparlers, jugés incontournables pour l’équilibre du pays, font l’objet d’une publication écrite avant le 17 mai, que le Storting (parlement norvégien) a validé le 19 juin.

40 % d’autosuffisance

Dans un pays autosuffisant à 40 %, soumis à une topographie difficile, un climat rude, des coûts de production élevés et un choix politique de maintenir une structure agricole diversifiée, la Norvège déploie une protection aux frontières avec une taxation à l’importation. Si l’État n’intervenait pas, aucune production ne pourrait survivre face aux importations à moindre prix. Les prix fixés chaque année permettent de réguler les marchés et de sécuriser le revenu. Ils ne sont pas garantis mais fonctionnent comme des barrières maximales. Si les prix sont inférieurs au niveau fixé, il n’y a pas d’importations ou ces dernières sont taxées. Au contraire s’ils le dépassent, les coopératives agricoles sont tenues de collecter les productions nationales, tant que des volumes sont disponibles, pour les fournir à l’industrie alimentaire. Elles deviennent des organismes de réglementation du marché, financées par le gouvernement. Cette structuration vertueuse donne aux agriculteurs la garantie qu’ils pourront vendre leurs produits à un prix rentable pour eux. Les prix à la consommation restent ainsi relativement stables dans un pays où le coût de la vie est particulièrement élevé.

Protectionnisme

« C’est une forme de protectionnisme », avoue Hilldegunn Gjengedal, membre du syndicat majoritaire Norges Bondelag. « Nous ne sommes pas dans l’Union européenne ce qui le facilite et nous avons de très nombreux accords bilatéraux avec nos voisins européens, sous couvert de l’OMC ». Ainsi en est-il pour les marchés du lait, de la viande bovine et des céréales qui sont réglementés, tandis que des prix cibles sont établis pour la viande de porcs, les œufs, les fruits et légumes. Une organisation gouvernementale appelée « régulateur » a pour objectif de vérifier, au quotidien, le bon fonctionnement.

« Les négociations ont été particulièrement intéressantes et positives, cette année. Chacune des parties en est sortie satisfaite. Le prix du lait a été particulièrement protégé, car la météo a été peu propice à la fenaison entraînant une hausse des coûts de production », confie Hilldegunn Gjengedal. « Elles étaient d’autant plus importantes que le gouvernement avait publié, en début d’année, un rapport pointant l’inégalité de revenus entre les agriculteurs et les autres secteurs de l’économie. La volonté d’être plus cohérent et juste, pour le monde agricole, a guidé nos débats ».