À 74 ans, dont 60 de métier, Sándor Mike est un agriculteur inquiet. Ce Hongrois est installé dans la commune rurale de Mikepércs (5 000 habitants), collée à Debrecen, la deuxième plus grande ville du pays, située dans la fertile grande plaine hongroise. Sándor redoute le pire. D’abord, il y a la guerre en Ukraine, et l’importation massive de céréales ukrainiennes à moindre prix en Hongrie, et puis il y a CATL.

Un géant chinois s’installe

Ce géant chinois de la batterie électrique est en passe d’implanter sa plus grande usine d’Europe de lithium ion sur 200 hectares, au sud de Debrecen, à deux kilomètres des terres de Sándor Mike. Ces colonnes de béton qui émergent en marge de l’autoroute détruiront les meilleures terres hongroises.

« Et dire qu’il y avait des endroits où l’humus faisait deux mètres, déplore l’agriculteur. Tout ce béton, ça va encore accroître la fournaise qu’on a l’été… Sans parler du va-et-vient des camions : j’ai dû arrêter de travailler sur mon maïs l’autre jour tellement il y avait de poussière. »

Craintes de pollution

Sándor Mike craint surtout de potentiels rejets de métaux lourds, solvants et autres substances dangereuses dans l’air, l’eau et la terre. Cela mettrait en péril ses 16 hectares d’arbres fruitiers et ses dizaines d’hectares de terre arables où il cultive maïs, tournesol et orge.

« On ne sait pas avec quoi ils travaillent, on ignore tout des substances qui sortent de là, et on ne sait pas à quel point ces usines sont sûres ? Qui peut nous garantir qu’aucun travailleur de l’usine ne tombera malade dans cinq ans ? Pour les terres agricoles du village, ça n’augure rien de bon », affirme le septuagénaire.

« Et puis, où les Chinois vont puiser leur eau ? Les puits sont déjà au maximum de leurs capacités ici… », s’inquiète encore Sándor Mike, faisant référence aux besoins accrus en eau de l’usine de CATL alors que la région de Debrecen n’est alimentée par aucun cours d’eau.

« Si l’usine doit se construire, on veut au moins que les règles soient bel et bien respectées et contrôlées », ajoute-t-il. Le maire de Mikepércs, également opposé au projet, a réussi à obtenir qu’une station de contrôle soit mise en place.

Une ambition nationale

Viktor Orbán, le Premier ministre qui dirige la Hongrie sans discontinuer depuis treize ans a pour ambition de faire de son pays « une grande puissance » de la batterie électrique, élément indispensable à l’électrification du parc automobile. Près d’une trentaine d’usines de ce type — ou de composants nécessaires à leur fabrication et à leur recyclage — devraient sortir de terre d’ici à 2030 en Hongrie, principalement dans le nord et l’est agricole du pays.

Plusieurs unités déjà en place ou sur le point d’être agrandies suscitent le mécontentement des populations locales, qui n’y voient guère de bénéfice alors qu’irrégularités, amendes et accidents n’ont cessé de se multiplier ces derniers mois.