Monter une côte au dénivelé de 7 %, à 10 km/h, avec une benne TP chargée de cailloux, ça, c’est fait ! Assis au volant du Deutz-Fahr 6205 RCShift, nous ressentons sa puissance de traction. Le bloc Deutz Ag de 6,06 l de 207 ch entraîne une transmission robotisée. Elle compte 30 rapports avant et 15 arrière, répartis sur cinq gammes de 1 à 5, et six powershifts de A à F. Durant une semaine, nous avons testé l’Agrotron au transport avec une benne TP Joskin Trans KTP 22/50. Afin d’apprécier sa puissance à la prise de force, nous avons broyé des pierres et des têtes de roche avec un Bugnot BPM 2450.

Agencement épuré

Avant de monter à bord, jetons un œil sur le design. Le long capot est réussi, avec des lignes très agressives. Si l’on s’approche un peu, on remarque que toute la partie noire est ajourée par une grille, qui laisse évacuer les calories du moteur et l’air aspiré par le ventilateur. L’esthétisme des feux avant reprend le design automobile. Nous accédons à la cabine à l’aide de quatre marchepieds sécurisés par des poignées, dont l’une est intégrée au réservoir de 280 l.

À l’intérieur, nous nous sentons bien dans un Deutz-Fahr. La structure de la cabine est à six montants. Malgré un long capot, la visibilité est bonne. En revanche, au volant, nous n’apercevons pas la masse avant. L’agencement est commun aux Séries 7 et 9, avec l’accoudoir multifonction, le joystick MaxCom et le terminal tactile iMonitor. Le tractoriste reste fidèle à l’ergonomie par code couleur pour distinguer rapidement les fonctions du tracteur (orange : moteur/transmission, bleu : hydraulique, vert : relevage et jaune : PDF).

Il est temps de tourner la clé et d’apprécier toutes les possibilités de cette transmission. Nous choisissons le sens de marche avec l’inverseur à gauche du volant. De la main droite, nous poussons le levier, ce sont les powershifts qui passent. En le tirant, on les descend. Avec un appui cumulé sur le bouton shift, situé derrière, on passe une gamme en poussant, et on rétrograde en le tirant. Tout cela sans même utiliser l’embrayage. Autant dire que la prise en main est très simple. Mais à la longue, cela devient pénible de jouer avec le joystick pour gérer la transmission.

Quatre modes de conduite

Sous le couvercle en cuir de l’accoudoir se cache un bouton nommé APS. Un simple appui, et l’on passe du mode « manuel » au mode « semi auto », puis « full auto champ » ou « full auto route ». Pour nous rendre à la carrière, nous choisissons le mode « route ». Le passage d’un mode à l’autre peut se faire en roulant, ce qui est très appréciable. Dommage qu’il soit logé sous l’accoudoir. En « full auto », le tracteur gère intégralement la transmission. Il suffit d’appuyer sur l’accélérateur, et l’engin se débrouille. Sur la route, nous roulons à 44 km/h à 1 200 tr/min. C’est très silencieux… et économique. Pour davantage de confort, nous appuyons sur le bouton « Cruise » du joystick et mémorisons la vitesse maximale. Le tracteur adapte le meilleur rapport pour rouler à la vitesse mémorisée. Le passage des gammes et vitesses est très souple. Il y a moins d’à-coups qu’avec une full powershift, en revanche, on entend nettement la mécanique qui travaille. En arrivant à l’intersection, nous ralentissons avec le frein. Le tracteur descend les gammes et les rapports. Au panneau stop, nous maintenons le frein pour marquer l’arrêt, sans débrayer, grâce à la fonction Stop & Go. Nous relâchons le frein et le tracteur repart. Un appui sur « Cruise » au joystick, et la vitesse de croisière est atteinte. À tout moment, nous pouvons reprendre la main, pour descendre une gamme par exemple. Au bout de 4 secondes, la gestion électronique reprend les commandes.

Une logique adaptative

Nous quittons la carrière avec un ensemble de 38 tonnes. Le tracteur s’en sort très bien dans les côtes pour rejoindre la route nationale. Dans les descentes, la benne pousse et nous oblige évidemment à utiliser le frein malgré un frein moteur bien présent.

Sur l’accoudoir, une molette grise contrôle l’agressivité de la transmission (Éco/Power). Elle est astucieusement positionnée au centre de l’accoudoir et tombe sous la main. Par contre, elle est grise et non orange. Plus elle est tournée sur Éco, plus le régime du passage des gammes et des powershifts est bas, entre 1 200 et 1 300 tr/min. En Power, les vitesses commencent à passer à partir de 1 600 tr/min. Sur le chemin en pierres de la ferme, nous activons le mode « full auto champ ». La gestion est identique, à la seule différence que le niveau des régimes de passage est plus élevé, pour bénéficier de la puissance moteur. Avec la molette tournée sur Power, les vitesses passent à partir de 1 900 tr/min.

Au transport, la RCShift se rapproche de la souplesse d’une variation continue, mais avec un rendement supérieur. Le tracteur nous épate par sa force de traction et son frein moteur dans les descentes. Nous sommes agréablement surpris par la gestion entre le moteur et la transmission. Deutz-Fahr a fait appel à un logiciel issu de l’automobile, avec une logique adaptative. C’est le tracteur qui s’adapte au chauffeur, et non l’inverse. Le système prend en compte la position de la pédale d’accélérateur, du régime moteur, du couple et de la position de la molette Éco/Power. Le tracteur adapte au mieux le bon rapport. Pour faciliter le passage d’une gamme, le calculateur va jusqu’à accélérer le moteur pendant une fraction de seconde, comme nous le ferions pour faciliter la synchronisation des pignons entre deux vitesses d’une boîte mécanique.

Nous dételons la benne pour atteler à la place le broyeur à cailloux. Nous regrettons l’absence d’un rétroviseur sur la vitre arrière qui permettrait de voir le piton d’attelage. Nous reculons vers le broyeur. Encore une fois, la fonction Stop & Go est appréciable pour les phases d’approche mais, par sécurité, nous jouons de l’embrayage. Les fonctions hydrauliques et de relevage sont verrouillées par défaut. Un appui long de deux secondes les déverrouille. Le relevage se pilote avec deux boutons au joystick. Des commandes d’approche sur la console ainsi que les commandes extérieures facilitent l’attelage des outils. Le relevage soulève aisément les 5 tonnes du Bugnot. Nous connectons la prise de force et les quatre prises hydrauliques.

Réglages et informations pointilleux

En cabine, nous sélectionnons le régime 1 000 tr/min à l’aide du levier sur la console. Il est regrettable qu’un tracteur avec un niveau de finition aussi élevé ne bénéficie pas de sélecteur électrique. Nous décidons de piloter la casquette du broyeur avec les commandes au joystick. Le menu hydraulique du terminal offre une nouvelle interface très ergonomique pour choisir les affectations des distributeurs. En cas d’erreur, une flèche donne la possibilité de revenir au paramétrage initial.

Une fois les réglages terminés, nous partons broyer. Sur le chemin, la masse de 1 400 kg est un peu faible pour bien équilibrer le tracteur. La gestion électronique du pont avant suspendu veille à conserver un tracteur parallèle au sol lors des accélérations ou des freinages. La cabine suspendue et le siège pneumatique offrent un bon confort de conduite. L’agressivité de démarrage de la prise de force se règle selon trois niveaux via le terminal. Notre tracteur est doté des vitesses rampantes. Nous mémorisons le régime maximal, pour bénéficier des 1 000 tr/min au broyeur. Avec la plus petite vitesse, nous avançons à 300 m/h. Nous passons la transmission en mode semi-auto. Le tracteur adapte la bonne vitesse powershift en fonction de la charge moteur. La gamme reste fixe. Là encore, la gestion électronique fait le travail. Il faut juste bien penser à adapter le mode selon le travail réalisé. Au broyeur de 2,45 m, l’Agrotron est à l’aise. Dans les coups durs, le régime descend à 1 300 tr/min, puis le système rétrograde une vitesse au besoin.

Toutes les informations liées à la transmission sont affichées au tableau de bord. Les ingénieurs l’ont redessiné et intégré un nouvel écran nommé « Info Center Pro ». Il est clair et précis. Il affiche le rapport engagé, la vitesse d’avancement, la charge du moteur ou encore le mode de conduite de la RCShift. La navigation est contrôlée à l’aide d’une molette sur l’accoudoir. Il est possible de paramétrer toutes les fonctions du tracteur via cet écran. L’iMonitor est plus convivial mais complémentaire. Il offre une meilleure lisibilité que le tableau de bord logé derrière le volant. Il est adapté pour les travaux de guidage et les fonctions Isobus. Au broyeur, il affiche des informations complémentaires sur la position instantanée du relevage. Un graphique représente la position actuelle et des flèches rappellent les butées haute et basse. Pour la transmission, on retrouve un graphique qui schématise l’agressivité de 0 à 100 % (Éco/Power). L’opérateur peut également choisir les rapports mini et maxi dans chaque mode de conduite, ainsi que le rapport de redémarrage.

Le constructeur a tout pensé pour permettre au tracteur de s’adapter au besoin du chauffeur, et ça marche. La symbiose entre le moteur et la transmission est réussie, elle devrait l’être avec n’importe quel chauffeur à bord.