Depuis quelques années, à la faveur de l’augmentation des prix de l’alimentation du bétail, une nouvelle plante gagne en popularité en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Il s’agit de l’azolla. Utilisée comme plante décorative dans les bassins d’eau en Europe, cette fougère aquatique envahissante se révèle être un fourrage alternatif bienvenu dans les pays du sud de la Méditerranée. Sa richesse en protéines et sa croissance rapide ont conquis les éleveurs de cette région, qui installent des bassins d’eau pour la cultiver.

Cette plante vit en symbiose avec une cyanobactérie qui fixe l’azote. Elle est d’ailleurs parfois utilisée comme engrais dans les rizières en Asie (lire l’encadré). En plus de son utilisation comme plante fourragère et engrais, le média américain Wired s’est fait l’écho de deux usages supplémentaires : comme biocarburant et pour l’alimentation humaine.

De l’azolla dans nos assiettes ?

Cette dernière utilisation peut d’abord surprendre. En effet, si les polyphénols présents dans la plante agissent comme des antioxydants en petites quantités, ils deviennent anti-nutritionnels en grandes quantités. À l’exception de l’azolla de Caroline (Azolla caroliniana) qui en possède moins, et à laquelle s’est intéressée une équipe de scientifiques américains. Dans un article paru début 2024 (1), ils expliquent que la cuisson a encore réduit la quantité de polyphénols et ils estiment que cette plante à haut rendement possède un grand potentiel de domestication.

L’azolla de Caroline serait aussi riche en zinc, en manganèse, en fer, en calcium et en potassium. Il est d’ailleurs déjà possible d’en manger dans certains endroits. L’artiste Erik Sjödin, basé à Stockholm (Suède), en cultive et en cuisine. Il propose régulièrement d’y goûter lors d’ateliers : soupe d’Azolla, crakers d’Azolla ou encore boulettes d’Azolla.

À cultiver sous nos latitudes ?

L’espèce la plus cultivée actuellement est Azolla pinnata. Pour les éleveurs qui en produisent en Afrique du Nord, au Proche-Orient et en Inde, elle est peu exigeante, facile à multiplier et à entretenir, et nécessite peu de moyens, tout en ayant une croissance rapide. En Inde, un bassin de 4 m² donnerait 2 kg d’azolla frais/jour. Elle craint cependant les fortes chaleurs (plus de 35 °C) et le froid. Sa croissance optimale se situe autour de 25 °C. Elle semble donc adaptée surtout aux pays chauds.

Mais engager un processus de domestication et s’intéresser à d’autres espèces pourrait permettre d’élargir la gamme de température et de multiplier ses utilisations. Le nombre de publications scientifiques sur le sujet, en augmentation constante depuis une vingtaine d’années, montre l’intérêt que suscite cette plante sauvage polyvalente. Reste à voir si ce succès sera suivi de résultats.

(1) Winstead D, Di Gioia F, Jauregui M, Jacobson M. Nutritional properties of raw and cooked Azolla caroliniana Willd., an aquatic wild edible plant. Food Sci Nutr., Janvier 2024.