« 70 % des maladies émergentes sont des maladies zoonotiques », c’est-à-dire transmissibles de l’animal à l’homme, déclare Clément Bigeard. Étudiant vétérinaire à l’ENSV-FVI, il a participé à la mise en œuvre du réseau de recherche pour le virus du West Nile (1), ou Nil occidental.

En France, en 2023, trente-huit cas du virus West Nile ont été déclarés chez des équidés, d’après le bulletin du 3 novembre 2023 du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM). Auparavant cantonné au pourtour méditerranéen, le virus du West Nile circule de plus en plus, et plusieurs cas du virus ont été identifiés en Gironde et en Charente-Maritime.

Afin d’anticiper la circulation de cette zoonose, transmissible aux humains et aux équidés par les moustiques, un réseau une seule santé multi-acteurs a été mis en place au cours de l’année 2023. Dans ce cadre de surveillance de la circulation du virus, de nouvelles méthodes de piégeage des moustiques ont été utilisées.

Anticiper la circulation du virus avec un réseau « Une seule santé »

Devant la progression des zoonoses, il devient « crucial » de se tourner vers « la transparence et l’action commune entre les différentes santés dans les années qui viennent », explique Clément Bigeard.

Ainsi, un réseau « One Health » pour le West Nile a été créé en Gironde, dans l’objectif d’anticiper et détecter la circulation du virus. Réunissant le volet humain, animal et environnemental, cette démarche vise à « intégrer tout le monde » :

  • Les experts scientifiques (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ; centres hospitaliers universitaires ; Centre national de référence des arbovirus) ;
  • Les gestionnaires de crises en local (tels que les agences régionales de santé ; les directions départementales de protection des populations) ;
  • Les propriétaires d’équidés, les vétérinaires, les usagers de la faune sauvage.

Dans cette dynamique, de multiples réseaux sont associés pour former un seul grand réseau. Réseau qui permet de « faire se rencontrer et travailler ensemble des acteurs de la faune sauvage, de la faune domestique, de la santé humaine et de l’environnement ».

Mutualisation de ressources, communication entre multiples acteurs, transmission d’informations, coopération, etc. : c’est ce lien entre acteurs de la recherche et gestionnaires de crises « qui permet de développer avec les acteurs locaux une surveillance », afin de détecter tout signal pouvant indiquer une circulation du virus.

Une méthode de piégeage de moustiques « révolutionnaire »

Dans le cycle du West Nile, les moustiques sont à la base de la circulation du virus : ils deviennent vecteurs du virus à partir du moment où ils piquent un oiseau infecté. Le moustique, à son tour infecté, peut transmettre le virus à des hôtes « accidentels », tels que les équidés et les humains.

Étudier les populations de moustiques permet donc de détecter la circulation virale. Or avec les pièges classiques, les moustiques, une fois dans le piège, ne peuvent pas être maintenus vivants, le virus se dégrade alors, et sa « mise en évidence est presque impossible ». Afin de rendre les recherches possibles sur la circulation du West Nile, une nouvelle méthode de piégeage de moustiques a été utilisée.

Le système de piégeage mis en place attire les moustiques grâce à des minces filets de CO2 diffusés à des périodes précises de la journée. (© Clément Bigeard)

Pour Clément Bigeard, acteur de la structuration du réseau, cette méthode « révolutionnaire » permet de maintenir les moustiques en vie dans le piège grâce à « une sorte de petite boîte, avec du coton humide sucré pour qu’ils puissent survivre ». Les fluides et fèces des moustiques, et ainsi leur ADN, sont récupérés et analysés par l’intermédiaire d’un buvard positionné au fond de la boîte. Ce piège permet ainsi d’analyser « une population de 100 à 300 moustiques, capturés pendant 2 à 4 jours de piégeage », au lieu d’analyser des centaines de moustiques un par un, et permet même de savoir quels moustiques ont été infectés, ou encore quelles espèces de vertébrés ont été piquées. Selon lui, « c’est vraiment une méthode qui nous permet de détecter rapidement, efficacement et à bas coût » la circulation virale parmi les populations de moustiques.

Ce nouveau système de piégeage, développé par l’IRBA (l’Institut de recherche biomédicale des armées) avec le Dr Albin Fontaine, ainsi que le Centre national de référence des arbovirus (CNR), est mis en œuvre dans des zones ciblées en fonction des cas de West Nile précédemment identifiés. Finalement, les résultats rapidement obtenus avec cette méthode ont permis de transmettre des informations et des conseils aux acteurs du réseau, pour mieux suivre la circulation du virus et cibler les zones à risques.

A l'intérieur du piège, un buvard placé au fond permet de recueillir les fluides et fèces des moustiques, et ainsi d'analyser leur ADN. (© Clément Bigeard)

« On a vraiment trouvé sens au One Health »

Après une première période estivale de mise en œuvre du réseau, Clément Bigeard témoigne d’une démarche « fructueuse ». La collaboration entre les différents acteurs a en effet favorisé l’accès à des informations plus fiables et plus rapides sur la circulation du virus au sein des populations de moustiques, de chevaux et d’humains, en s’appuyant « sur les connaissances des personnes qui savent, en local ».

Le réseau a favorisé une meilleure « gestion de crise lorsqu’il y a eu les premiers cas : on est dans l’anticipation, la prise en compte a été très rapide et efficace ». Et de compléter : « Dans cette action conjointe de plusieurs structures, on a vraiment trouvé sens au One Health. » Rappelant qu’il s’agit pour l’instant d’un « essai », Clément Bigeard précise que le réseau se développe en Gironde, mais n’exclut pas de s’étendre dans d’autres départements et régions par la suite.

(1) Le virus du West Nile est une zoonose transmise par les moustiques et qui affecte certains oiseaux et mammifères, dont les équidés et l’homme. Le plus souvent asymptomatique, elle peut avoir dans de rares cas une issue mortelle ou laisser des séquelles nerveuses après guérison. Le Respe rappelle que « tout animal suspect d’infection au virus West Nile » doit être déclaré auprès de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) et du Respe. Les équidés et l’homme sont des « impasses épidémiologiques » : la transmission directe du virus entre eux ou vers un moustique n’existe pas.

(2) D’après le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM).