Troisième génération à la tête des Vergers de la Tesserie, Pascal Pineau s’est installé en 1997 avec son épouse, il cultive 228 hectares de pommiers et 12 hectares de poiriers. Très rapidement, cet arboriculteur, ingénieur agricole de formation, s’est intéressé à la vie de ses sols. « Mais il y a quinze ans, ce sujet n’était pensé que pour les grandes cultures, observe-t-il. J’ai passé beaucoup de temps sur Internet à me renseigner. Peu de chose était directement applicable à l’arboriculture. L’allongement des rotations en est un bon exemple. »
Étude des sols du verger
Soucieux de lever certaines impasses techniques, Pascal Pineau va rejoindre le réseau Base et l’Institut de l’agriculture durable (IAD). « Frédéric Thomas, du réseau Base, et Konrad Schreiber, de l’IAD m’ont donné envie d’évoluer, indique Pascal. L’un et l’autre ont étudié les sols du verger. En 2012 et 2014, Frédéric Thomas est venu m’aider à mettre en place un semis inter-rangs. » Aujourd’hui, cette technique est opérationnelle dans les 150 parcelles de la ferme. « Deux fois par an, un mélange de 11 espèces est semé », précise l’arboriculteur.
Le premier semis est réalisé au printemps sur 2,10 m (entre les roues et l’extérieur des roues). Il associe céréales, tournesol et légumineuses. Le second semis intervient fin août, juste avant la récolte. Il se limite alors à l’entre-roue. Il associe des crucifères (10 %), des légumineuses (50 %) et des céréales. « Cette technique a permis d’améliorer la structure du sol et de diviser par deux l’apport d’azote. »
Les apports de phosphore et potasse ont également été supprimés et Pascal réfléchit aujourd’hui à la possibilité d’emblaver la bande de roulement, avec une céréale d’hiver, de manière à éviter l’érosion. Il a aussi en perspective des semis de hautes herbes dans les tournières.
Pascal Pineau apprécie ces approches à mi-chemin entre agriculture et recherche. « J’y passe du temps et cela représente un coût, admet-il. Souvent, une question en appelle une autre. Ainsi, le couvert a amélioré la structure du sol, mais il a aussi favorisé le campagnol. »
Passer de 20 à 40 km de haies
Poursuivant sa démarche, l’arboriculteur a récemment rejoint le réseau Arbre 49. Il a demandé un diagnostic « biodiversité » de l’exploitation. Réalisé l’été dernier, ce travail a permis de caractériser la densité des éléments naturels, la diversité des espèces présentes et la mise en réseau des éléments semi-naturels (réserves d’eau, boisements voisins, zones de stockage...). À l’issue du diagnostic, Pascal a décidé de doubler le linéaire de haies d’ici à 2020. Pour passer de 20 à 40 km de haies, il va notamment introduire des haies à l’intérieur des îlots fruitiers, tous les 4 à 5 ha. « Il a fallu s’adapter aux contraintes arboricoles. Avec les filets pare-grêle, il n’était pas possible d’implanter des arbres de haut-jet, explique-t-il. J’ai donc opté pour des espèces buissonnantes comme le charme, le cornouiller ou le nerprun, et des lianes (lierre, chèvrefeuille ou encore houblon).
En parallèle, l’agriculteur travaille sur un plan de gestion de ses haies et a renoncé à l’usage systématique du coupe-lame. « Cela permettra aux arbres de fructifier et donc à certaines espèces de se développer », entrevoit-il avant d’évoquer le sort des 13 retenues d’eau présentes sur l’exploitation. Elles pourraient bien un jour ressembler à autant de mares avec des plantations tout autour.
Un levier pour créer du lien
À la tête d’une exploitation-entreprise qui emploie 45 salariés permanents et dont l’effectif grimpe jusqu’à 250 personnes au moment de la récolte des fruits, Pascal Pineau observe que ces démarches liées à l’agro-écologie et à la biodiversité sont un levier formidable pour créer du lien avec les salariés. « Lorsque Frédéric Thomas est venu, ils étaient quinze à participer aux échanges. Ils avaient beaucoup à dire sur la gestion de l’enherbement et le matériel de semis par exemple. L’observation crée du lien. »