En agriculture biologique, la gestion de la fumure de fond doit faire l’objet d’une attention particulière. Maddalena Moretti, conseillère référente en agriculture biologique et prairies de l’association Littoral Normand (1), alerte ainsi sur les exportations de phosphore et, dans une moindre mesure, de potasse.
« Les fourrages et les cultures de lin ou de chanvre représentent les prélèvements les plus importants en exportant la plante entière », précise l’experte. À l’échelle d’une exploitation, même lorsque tous les effluents sont restitués, le bilan n’est pas nul car une partie est exportée sous forme de viande ou de lait. Elle indique : « Plus les fermes sont en autonomie, plus la surveillance de l’évolution des teneurs en phosphore et potasse s’impose. J’ai souvent pu observer que les aliments achetés, ainsi que la paille, contribuent à l’équilibre. »
De 80 à 100 % du phosphore disponible dès la première année
Lors de conversions en bio, les sols présentent régulièrement des teneurs élevées. À la suite de celles-ci, Maddalena Moretti constate « des baisses rapides en seulement trois à cinq ans, avec une stabilisation ensuite à des niveaux parfois bas ». Or, les légumineuses notamment sont rapidement pénalisées par un déficit. La conseillère souligne que « même si elles sont pertinentes en cultures, les analyses de sol n’offrent qu’une estimation des quantités réellement disponibles. Elles ont tendance à minimiser la capacité des plantes à solubiliser les éléments. »
En ce qui concerne les prairies, c’est le diagnostic nutritionnel qui constitue le meilleur indicateur en cas de baisse de rendement. Pour lever le doute, un apport de phosphates naturels tendres sur une petite surface permet d’observer la réponse des plantes. Elle est souvent rapide et visible pour les légumineuses.
La meilleure solution pour corriger l’éventuelle dégradation vient des effluents d’élevage. La conseillère précise : « De 80 % à 100 % du phosphore qu’ils apportent sont disponibles dès l’année d’épandage et 100 % de la potasse » Les effluents les plus riches en matière sèche seront les plus concentrés.
Ainsi, elle ajoute que « les composts et fumiers équins sont parmi les sources les plus intéressantes. Concernant ces derniers, la plateforme Val’Fumier permet d’identifier des fournisseurs potentiels ». « Les couverts végétaux contribuent également à la solubilisation des éléments minéraux, explique Maddalena Moretti. Éviter les sols nus est ainsi aussi important pour l’azote que les autres éléments nutritifs. »
Favoriser la solubilisation
Soulignant que les solutions d’apports de ces éléments en bio sont limitées et coûteuses, Maddalena Moretti rappelle que les sources minérales de phosphore sont sous des formes peu disponibles. Par ailleurs, cet élément est souvent abondamment présent dans le sol mais difficile à mobiliser.
« Il est donc important de veiller aux apports, mais aussi de corriger les pH faibles qui limitent sa solubilisation, explique la conseillère. Sans oublier que la vie du sol favorise aussi sa disponibilité. » L’apport de matière organique, dont les effluents d’élevage, contribue ainsi directement et indirectement à préserver la fertilité pour cet élément.
(1) Association de conseil en élevage et contrôle de performance des départements du Calvados, de la Manche, de l’Eure et de la Seine-Maritime.