L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié le 24 juillet 2020 son étude à long terme sur le monde ouvrier, y compris les ouvriers agricoles, à partir de ses données compilées depuis 1982. Comme les déclarations administratives sont assez similaires pour cette classe sociale, entièrement salariée, cette étude permet de comparer une bonne part du secteur agricole aux autres secteurs économiques.
Lorsque l’Insee parle du monde ouvrier, il agrège sept catégories socioprofessionnelles qui s’étendent dans l’industrie, la logistique, l’artisanat et l’agriculture. Elles ont la caractéristique d’être quasi entièrement salariées et aux niveaux les plus bas des conventions collectives concernées. Elles se distinguent assez intuitivement des employés même si la frontière entre ces deux mondes est parfois mouvante, en particulier dans la logistique. Les ouvriers agricoles sont tous salariés du secteur privé et cette catégorie comprend aussi les bûcherons et les marins-pêcheurs.
> En référence : La définition du monde ouvrier par l’Insee (01/01/2003)
Une part agricole inchangée
La part des ouvriers agricoles dans le monde ouvrier reste sensiblement la même depuis quarante ans, entre 4,5 et 4,6 %. Toutefois, la part des ouvriers, en général, dans l’emploi total ne cesse de diminuer depuis les années quatre-vingt. Presque un tiers (30,3 %) des personnes en emploi relevait du monde ouvrier en 1982. Elles viennent de passer en dessous des 20 % (19,2 %) en 2019 à la suite d’une baisse continue. En 2019, le monde ouvrier compte 5,37 millions de personnes.
Les ouvriers agricoles sont au nombre de 246 000 salariés. Parmi eux, 13 500 occupent une activité en mission de moins de trois mois et 12 600 en mission de plus de trois mois. Toutefois, la difficulté de compter tous les saisonniers agricoles est un obstacle statistique connu parce que tous les Tesa simplifiés ne sont que récemment entrés dans les déclarations sociales nominatives (DSN) et parce que les entreprises de travail détaché ne sont pas tenues de déclarer le secteur d’emploi de leurs travailleurs.
> À lire aussi : L’agriculture emploie plus du quart des saisonniers en France (06/12/2019)
Une féminisation en route
En 2019, un quart des ouvriers agricoles sont des ouvrières. C’est très peu si on le compare au taux de féminisation de l’emploi en général (48,5 %), mais c’est un chiffre qui place le monde agricole au troisième rang de la féminisation des emplois ouvriers (derrière les ouvriers non-qualifiés de type artisanal — essentiellement dans les activités de ménage —, 37,7 %, et ceux de type industriel — avec les activités de tri, de l’emballage et de l’expédition —, 31,4 %). Le taux de féminisation de l’ensemble du secteur ouvrier est de 20 %. Cette part très dominante des hommes dans le monde ouvrier est assez stable depuis les années quatre-vingt.
Une forte part de jeunes
Une autre singularité du monde ouvrier agricole est sa part des jeunes travailleurs de moins de 25 ans : cette classe d’âge représente un cinquième de la population alors qu’elle ne rassemble que 13 % du monde ouvrier en général. Là encore, il faut se rapprocher des ouvriers non-qualifiés pour observer des chiffres assez semblables (19,2 % pour les ouvriers non-qualifiés de type industriel et 18,5 % pour les ouvriers non-qualifiés de type artisanal). La part des jeunes dans la totalité des emplois en France est de 8,4 %.
En revanche, une nouvelle caractéristique éloigne le monde ouvrier agricole de celui des ouvriers non-qualifiés et le rapproche de celui des ouvriers qualifiés : c’est le taux de diplômés du niveau supérieur au baccalauréat. 13,7 % des ouvriers agricoles présentent un diplôme d’étude supérieure contre 7,6 % pour l’ensemble du monde ouvrier. Le taux de bacheliers (24,6 %) le distingue aussi du reste du monde ouvrier (21,5 %) et le rapproche des ouvriers qualifiés industriels (25,2 %).
Dans son étude, l’Insee ne relève pas spécifiquement ce détail et n’apporte pas d’explication mais on peut avancer qu’il résulte de la particularité de l’enseignement agricole qui ne se rencontre pas à ce niveau d’organisation dans les autres secteurs économiques. On peut aussi y deviner un germe de frustration chez des diplômés qui se retrouvent au travail à des niveaux de rémunération assez bas.
Un travail irrégulier
L’Insee tente d’approcher, avec des indicateurs statistiques, les conditions de travail des ouvriers. Le taux de contrats courts est particulièrement élevé dans le monde agricole du fait du caractère saisonnier du travail : 13,5 % des ouvriers agricoles ont des contrats de moins de trois mois contre 10,7 % pour l’ensemble des ouvriers et seulement 4,6 % pour l’ensemble des emplois.
De plus, les ouvriers agricoles travaillent assez souvent le samedi (37,1 %, ce qui est proche de la moyenne des personnes en emploi, 38,7 %) mais nettement supérieur aux autres ouvriers, 28,2 %) ou le dimanche (19,5 %, même tendance que le samedi). Toutefois, ils sont moins nombreux à travailler la nuit (7,7 %, contre 13,4 % pour les autres ouvriers et 9,7 % pour l’ensemble des emplois).
Enfin, l’Insee évalue le taux de sous-emploi des catégories d’ouvriers en le définissant comme la part de travail à temps partiel occupé par des personnes qui souhaiterait travailler plus et sont disponibles pour le faire. Avec un taux de sous-emploi de 5,7 %, le monde des ouvriers agricoles est finalement assez haut parmi les ouvriers (4,7 % en moyenne) et même parmi l’ensemble des emplois (5,4 %). Ce qui dévoile une ressource de travail assez rapidement mobilisable.