Est-il normal d’avoir du mal à encadrer de jeunes salariés ?
Oui, c’est normal parce que les jeunes sont d’une génération différente. Ce n’est pas nouveau mais, depuis vingt ans, le rythme des changements économiques, écologiques et numériques est plus rapide, à tel point qu’on ne prend plus le temps de se connaître. Les jeunes attendent de leur employeur des évolutions équivalentes à celle de la société. Leurs métiers ne sont plus les mêmes que ceux qui les encadrent, en particulier du fait de la digitalisation de la société. Un management paternaliste, comme les séniors ont pu le connaître, ne leur correspond plus. Ils attendent un management collaboratif où ils sont considérés comme les égaux de leurs aînés.
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Les jeunes du monde rural sont-ils différents ?
Les comportements ne sont pas différents pour les jeunes qui habitent à la campagne. Ils vivent dans le même monde que les autres. J’entends des agriculteurs qui ont cédé à leurs fils et se désolent qu’il ne veuille pas travailler le week-end. Les changements de la valeur travail affectent aussi l’agriculture. Dans ce cas, il faut se rendre compte que l’engagement du fils n’est pas moindre que celui de ses parents mais qu’il fait des choix différents.
Comment mieux les recruter ?
Avec cette génération, l’employeur a désormais intérêt à tenir compte d’une notion nouvelle, apparue avec la digitalisatoin : celle de « marque employeur ». C’est la réputation de l’employeur qui s’étend sur les réseaux sociaux. Auparavant, la mauvaise réputation n’était pas connue au-delà de quelques villages. Maintenant, elle se répand partout et très vite.
À l’inverse, une bonne réputation, alimentée par les salariés eux-mêmes, rend l’exploitation attirante. Mais ce n’est plus le chef d’exploitation qui maîtrise cette communication. Ce sont les salariés eux-mêmes. Pour l’obtenir, l’employeur doit comprendre que les jeunes sont attachés à l’expérience collaborateur, c’est-à-dire sa satisfaction depuis l’entrée dans l’entreprise jusqu’à sa sortie.
Par exemple, le jeune salarié va s’attacher à la performance des outils, à l’ambiance de communication entre lui et son patron, à la compréhension de sa place dans le collectif, à son rôle d’acteur de l’évolution de l’entreprise, etc.
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On a l’impression qu’ils ne reconnaissent pas l’autorité. Est-ce vrai ?
Quand on dit ça, on oublie qu’on a été nous-mêmes jeunes. Les séniors ont aussi contesté l’autorité. Ils déploraient le manque de compétences de leurs supérieurs, mais ils obéissaient. Désormais, les jeunes ne le gardent pas pour eux. Ils le disent. Ils ne reconnaissent plus l’autorité acquise par le statut, mais celle acquise par la compétence.
D’emblée, ils testent les méthodes de travail. Parfois, ça peut être choquant pour un supérieur qui s’inscrit dans une autre génération. Le danger serait alors de le vivre comme une agression et de se réfugier dans une attitude autoritaire. Elle ne serait pas acceptée par les jeunes.
Ils déclarent attendre de la reconnaissance. Que veulent-ils dire ?
S’ils reconnaissent la compétence de leur supérieur, ils attendent en retour une reconnaissance existentielle, c’est-à-dire être reconnus pour ce qu’ils sont, et plus uniquement pour ce qu’ils font. Ils ont une forte attente quant au sens de leur travail. Cela dit, leurs interrogations sont aussi celles de tout le monde. On parle de génération parce que c’est le moyen de se repérer dans une histoire commune, mais l’individu ne s’y résume pas. Donc, réfléchir au sens du travail peut être bénéfique à tous les travailleurs et pas uniquement aux jeunes.
Comment trouver en soi les outils pour leur parler ?
Les jeunes expriment ce que les séniors ont ressenti, mais n’ont pas osé dire. Pour les comprendre, les séniors peuvent aller chercher le junior qu’ils ont en eux. Quand les jeunes générations ébranlent les certitudes, ils ne doivent pas le prendre comme une remise en question personnelle.
Les jeunes mènent une recherche pour savoir s’ils auront leur place, ils tâtonnent, ils se trompent, ils testent, mais ils ne s’opposent pas au monde d’avant. C’est de cette manière qu’ils fonctionnent depuis vingt ans puisque l’école autorise davantage, désormais, le droit à l’erreur. Ce n’est pas une remise en cause de l’expertise.
Quelle attitude adopter pour leur demander leurs attentes ?
Les juniors sont à la recherche d’un rapport gagnant-gagnant et ne supportent pas d’être infantilisés. Si leur chef les écoute, ils l’écouteront à leur tour. Pour leur parler, il faut déjà leur tendre l’oreille et ne pas leur opposer d’emblée une autorité statutaire. Ils s’attendent à un rapport d’égalité. C’est ainsi qu’ils estimeront leur employeur et se montreront à son écoute.