L’association des salariés agricoles de France décrypte les conditions de travail dans les exploitations agricoles. Son président, Eric Passetemps, a dévoilé les résultats d’une enquête réalisée en partenariat avec l’association Trame, au Salon international de l’agriculture 2023 le 27 février 2023 à Paris. L’objectif ? Comprendre pourquoi le métier de salarié agricole attire peu.
Entre avril et juin 2022, l’association a posé 38 questions à des salariés sur leurs conditions de travail, les formations professionnelles, les relations avec leurs collègues ou leur employeur… 430 personnes seulement ont répondu. Les résultats, anonymes, sont une première car « les salariés ne craignent pas la pression du patron », avance Eric Passetemps. L’enquête révèle une grande disparité entre les exploitations. Parmi les secteurs ayant obtenu le plus de réponses, la viticulture est sur la première marche du podium (30 % des répondants), suivi par l’élevage de bovins laitiers (24 %), puis le machinisme et les grandes cultures (20 %) et l’élevage porcin (18 %).
L’accès à la sécurité
22,5 % des répondants déclarent ne pas avoir accès aux équipements de protection individuelle (EPI), pourtant obligatoires pour toutes les professions. Un tiers indique manquer du minimum de sécurité : masques à cartouche pour les traitements phytosanitaires ou la désinfection des bâtiments, chaussures de sécurité, casque, voire gants. Un répondant sur cinq ne se sent pas en sécurité sur leur lieu de travail, craignant un accident ou une maladie liée à leur travail.
Un répondant sur quatre déclare ne pas avoir pas de WC sur son lieu de travail. « Cela pose un problème quand on veut féminiser la profession », estime Eric Passetemps.
Les formations
Un salarié sur deux souhaite se former à de nouvelles compétences. Parmi eux, 81 % veulent des formations techniques pour monter en compétences ou se mettre à jour de leurs secteurs, mais l’employeur n’accepte pas toujours. L’étude suggère que cela oblige à des absences que l’employeur ne souhaite pas toujours. 62 % des répondants ont indiqué avoir reçu des formations « sur le tas » pour les pratiques agricoles quotidiennes.
16 % des salariés ne trouvent pas d’équilibre entre leur vie privée et professionnelle. Ils sont 16 % aussi à indiquer avoir une vie personnelle déséquilibrée. Ils soulignent notamment que leur temps de travail empiète trop sur leur vie personnelle, causant des perturbations. Le manque de sommeil est cité dans 54 % des cas.
Le respect du droit du travail
Malgré un attrait du secteur agricole, avec une dimension « porteuse de sens », un tiers des salariés répond que le droit du travail n’est pas respecté en termes d’heures supplémentaires ou d’horaires. 8,4 % des répondants déclarent recevoir leur salaire en retard ou sans bulletin officiel.
En termes de congés, 64 % des répondants se plaignent de ne pas pouvoir anticiper leurs jours, planifiés au dernier moment par leur employeur. « Je ne peux pas te dire encore quand tu peux poser », citent-ils. « Très peu de salariés connaissent leurs droits », estime Eric Passetemps. Malgré une convention collective existante depuis près de 2 ans, 53 % des salariés répondants n’en ont pas eu connaissance. Quand ils en sont informés, un salarié sur deux indique ne pas être satisfait de sa position sur la grille salariale, arguant une sous-évaluation.
Peu d’avantages financiers
Parmi les répondants, 41 % déclarent ne pas toucher de prime. Treizième mois, prime annuelle ou de résultat, autres gratifications exceptionnelles… Les avantages ne sont pas toujours appliqués. Même s’ils peuvent être rémunérés pour leurs heures supplémentaires, « tous ne les comptabilisent pas forcément », déplore Eric Passetemps.
77 % des répondants indiquent ne pas bénéficier non plus d’autres avantages liés à leurs entreprises, comme les chèques vacances, les tickets-restaurants, les paniers garnis ou autres arbres de Noël. Les salariés ne sont pas tous logés à la même enseigne, les employeurs octroyant parfois plusieurs avantages à leurs salariés.
Pas de reconnaissance individuelle
Parmi les salariés qui ont répondu, 29 % déclarent un manque de reconnaissance par leur employeur. Conséquence ? Mal-être au travail, envie de quitter leur entreprise, révèle l’enquête. La pression au travail est ressentie par près de la moitié des répondants. Entre demande de compétences multiples, surcharge de travail, relations tendues avec l’employeur ou les collègues, les obstacles au bien-être subsistent pour nombre de salariés agricoles.
Des salariés qui souhaitent continuer en agriculture
Parmi les répondants, 34 % souhaitent rester salariés dans la même entreprise, 8,5 % veulent changer d’entreprise agricole et 10 % envisagent de s’installer comme agriculteur. Ces chiffres révèlent une forte proportion de salariés qui envisagent de ne pas continuer : 32,5 % sont incertains sur leur parcours, 11 % veulent se reconvertir et 4 % sont proches de la retraite.
L’association espère relancer l’enquête en 2023 et appelle les principaux organismes en lien avec les salariés (MSA, Anefa, mais aussi Ocapiat), à s’y associer pour augmenter la portée des questions. « Le salarié, actuellement, c’est une charge, et le matériel est vu comme un investissement. Ça devrait être l’inverse, vu les compétences qu’ils acquièrent et peuvent fournir au service de l’exploitation », conclut Eric Bonnetemps, qui souhaite redorer l’image du salariat agricole, auprès des employeurs mais aussi dans l’enseignement technique ou dès l’école primaire.