« Il y a un fort enjeu à accroître le stockage du carbone par les couverts végétaux, les haies, etc. », affirme Jean-Baptiste Dollé, chef du service de l'environnement à l’Institut de l’élevage, lors du congrès d’Elvea France au Mans (Sarthe) le 29 juin 2023. Selon lui, le potentiel de séquestration de l’agriculture française n’est pas réalisé à sa juste valeur : l’empreinte carbone est estimée seulement à partir des émissions. « Si nous prenons en compte le stockage, le bilan carbone de l’élevage est réduit de 50 % », assure-t-il.
A titre de comparaison, le pouvoir de séquestration d’une prairie est équivalent à celui d’une forêt. « Il n’y a aucun intérêt à abandonner les pâturages pour les laisser devenir en friche. On n’y gagnerait rien, on perdrait même en biodiversité. » Selon l’expert, un potentiel de diminution du bilan carbone de 20 % est possible pour toutes les filières d’élevage, sans incidence économique sur les exploitations.
Acheter des crédits carbone français
« On ne peut pas demander autant d’exigences à l’élevage français et importer des produits à impact environnemental honteux », s'indigne Dominique Guineheux, le directeur des achats de bovins chez Bigard. Certaines entreprises françaises compensent leur bilan en investissant dans des crédits carbone à l’étranger. Pierre Rayé, de France Carbone Agri, doute de la pertinence de cette méthode. « Les projets forestiers à l’autre bout du monde ne sont parfois pas vraiment mis en place. » Une solution : « Il faut relocaliser en France les actions de compensation. »
Des investissements peuvent être faits par les entreprises, sur les exploitations agricoles locales. Plantation de haies, de couverts végétaux, méthanisation, toitures en panneaux solaires… Des actions accessibles avec un réel impact. « Nous détenons les solutions », proclame Stéphane Peultier, le président de l’Association de production animale de l’Est (Apal).
Valoriser les pratiques déjà mises en place
« Un projet sur une ferme s’étale sur cinq ans », poursuit Pierre Rayé. Un premier bilan est tiré, puis des perspectives d’évolution sont élaborées, pour enfin être confirmées cinq années plus tard. « Le problème, c’est que des exploitations ayant déjà des pratiques favorables au stockage de carbone ne sont pas récompensées. Nous valorisons le “mieux”, pas nécessairement le “bien” ». Une marge de progrès pour cette démarche prometteuse.