L’Allemagne n’est pas n° 1 partout
Ce n’est pas parce que tout le monde le répète que c’est vrai. On qualifie souvent, par exemple, l’Allemagne de « superstar en agriculture ». Il est certain que, depuis quelques années, elle exporte plus de produits agroalimentaires que la France. On en a souvent déduit qu’elle était devenue la première puissance agricole de l’Europe. À tort ! En 2015, la France assurait 18 % de la production agricole européenne, l’Allemagne, 13 %, pas plus que l’Italie. Le dynamisme allemand est réel à l’export, mais le pays importe aussi beaucoup. Résultat, la France dégage régulièrement un solde positif du commerce extérieur agroalimentaire de 10 milliards d’euros par an, alors que celui de l’Allemagne est négatif.
La France a des atouts
Autre idée reçue : « la France et l’Union européenne sont en déclin ». Mais notre pays se classe au sixième rang mondial par son PIB avec seulement 65 millions d’habitants, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne…, des pays tous plus peuplés qu’elle, mais aussi devant l’Inde, la Russie ou le Brésil ! Et la France bénéficie de conditions agroclimatiques exceptionnelles, même si cette année elles ont fait défaut. Peu de Français le savent, mais l’Union européenne est la première puissance économique mondiale avant les États-Unis et la Chine, avec plus de 20 % du PIB mondial. Son bilan agricole est impressionnant : avec 60 % de la surface arable des États-Unis, elle parvient à nourrir 200 millions d’habitants de plus, tout en exportant à peu près autant.
Différencier ses produits
« La concentration des exploitations permettrait des économies d’échelle. » Encore une idée reçue, qui peut être balayée par une simple étude de centre de gestion. Il faut dire que la Pac et ses aides à l’hectare poussent à penser en ce sens. En réalité, les exploitations les plus importantes sont souvent pénalisées par des charges de mécanisation à l’hectare, plus élevées. On entend aussi souvent que « les produits agricoles sont des matières premières qu’on ne peut pas différencier ». C’est encore faux. Le b. a. ba de la vente d’un produit, c’est sa différenciation ... La diversification de l’offre en pommes de terre et le tournant opéré depuis dix ans par les filières viticoles en sont les meilleures preuves. Nous pouvons aussi différencier nos blés, pas seulement par la qualité, mais par la logistique, les facilités de livraison ou de paiement, un minimum de cahier des charges... Personne n’achète un produit « moyen ».
Observons ce qui marche
Les aléas climatiques comme ceux de cette année sont très pénalisants, mais les idées reçues font aussi beaucoup de dégâts. Si l’on prenait davantage le temps d’analyser les enseignements des exploitations qui obtiennent de bons résultats, on percevrait des perspectives encourageantes quant à l’avenir de l’agriculture.
Les agriculteurs constituent l’une des catégories professionnelles les plus innovantes en France. Ils ont encore beaucoup de marges de manœuvre à la tête de leur entreprise. Ouvrons les yeux, observons ce qui marche, tentons de comprendre pourquoi et essayons d’agir avec pragmatisme.