D’où vient l’idée du collectif No Fake science ?

Le collectif No Fake science s’est créé en janvier 2019. À l’origine, il y a une trentaine de scientifiques et de journalistes scientifiques. J’en connais certains par le travail, Mathieu Rebeaud et Marc Robinson-Rechavi travaillent comme moi à l’université de Lausanne par exemple. Pour le reste, nous nous sommes rencontrés par les réseaux sociaux, à force de dénoncer les mauvais traitements de l’info scientifique. Nous sommes tous issus de spécialités variées, et nous avons des avis divergents sur certains sujets, ce qui renforce d’autant plus les consensus existants.

 

Y a-t-il des émissions ou des articles en particulier qui ont accéléré ce projet ?

Il y a eu les sujets d’Envoyé Spécial, et notamment sur la question du glyphosate, qui ne présente, malgré les sous-entendus de l’émission, pas de risque pour la santé humaine. Il y a eu aussi des articles au titre trompeur dans Le Nouvel Observateur, comme « Les OGM sont des poisons ». Mais la même chose se répète sur le changement climatique, sur le nucléaire ou sur les vaccins.

 

N’y a-t-il donc aucune raison scientifique d’interdire le glyphosate, ou les OGM ?

On ne se positionne pas sur les interdictions. Tout ce qu’on dit, c’est ce qu’on sait : le glyphosate, en l’occurrence, n’est pas dangereux pour la santé humaine. Après, on pourrait écrire des encyclopédies pour traiter de tous les aspects sanitaires, environnementaux, sociétaux, économiques de cette molécule. De la même manière, sur les potentiels effets environnementaux des OGM, le collectif ne se prononce pas.

 

Quels reproches avez-vous vis-à-vis de la presse ?

Ce que nous prônons, ce sont de meilleurs échanges entre les journalistes et les chercheurs. La plupart des universitaires sont ravis de discuter, et les médias ne doivent pas hésiter à les solliciter. Malheureusement, les journalistes travaillent souvent sur des délais courts, et ne prennent pas le temps de nous consulter. C’est l’une des questions que nous posons : vaut-il mieux publier rapidement des données erronées pour aller chercher le buzz, ou attendre un peu et prendre du recul ? À l’inverse, les chercheurs ne doivent pas s’isoler, et rester disponibles.

 

Avez-vous déjà eu des retours à la suite de la publication de cette tribune ?

Des journalistes, des chercheurs et des agriculteurs partout dans le monde nous ont apporté leur soutien. Actuellement, on en est à près de 5 000 signataires… Pour la suite, il y aura bientôt une Foire aux questions sur notre site, afin d’aborder les sujets récurrents sur Facebook ou sur Twitter. Nous allons aussi publier une compilation de unes, pour montrer comment les titres peuvent manipuler l’opinion de manière sensationnaliste.

 

Vous avez publié votre première tribune sur le site de L’Opinion, « média quotidien, libéral, européen et pro-business ». Y aurait-il des intérêts d’entreprises derrière vos prises de positions ?

Nous avons envoyé cette tribune à d’autres journaux à forts tirages en France, qui nous ont opposé des refus polis. Si la tribune a été publiée sur le site de L’Opinion, c’est simplement parce que ce journal a accepté de le faire. Certains nous accusent déjà d’être proches des lobbies, mais la plupart des rédacteurs ont des métiers qui les forcent à déclarer leurs intérêts. Si quelqu’un avait caché ses liens avec une entreprise, ce serait vraiment se mettre une balle dans le pied.

 

La tribune évoque des données scientifiques, mais ne cite que des agences publiques : OMS, FAO, Anses, Assemblée nationale... Ces acteurs ont-ils vraiment un poids dans les consensus scientifiques ?

Oui, parce que ce sont eux qui font foi. Il n’y a que dans ces structures, que les experts prennent en compte tous les aspects des problèmes. Récemment, elles ont même renforcé leurs organisations, et elles sont devenues plus transparentes. Ce sont elles, aujourd’hui, dont l’avis compte auprès du grand public.