La baisse des prix du lait ? Au fond, rien que de très banal sur un plan strictement économique : un déséquilibre de marché lié à un excès d’offre. La hausse de la demande mondiale annoncée n’est pas au rendez-vous et les productions ont augmenté avec la libéralisation du marché depuis la fin des quotas. Même si les stratégies sont différentes selon les pays. La plupart des pays laitiers ont augmenté leur production, mais certains plus que d’autres. La prime va à l’Irlande et aux Pays-Bas avec des progressions supérieures à 10 %. L’Allemagne et l’Espagne ont des hausses modérées. La France et l’Italie font figure d’exception, puisque le niveau de collecte est pratiquement égal à celui de 2014. Mais le marché européen est globalement en augmentation.
D’où l’idée, très française, de réguler l’offre laitière. En Europe, soit il faut être puissant, soit il faut des alliés. Cela a été dur, mais la France a fini par en avoir. Cela s’est traduit par le fameux conseil agricole du 14 mars, avec l’annonce d’une dérogation temporaire au droit de la concurrence pour permettre aux producteurs de s’entendre afin de réguler les volumes. Cette demande française a finalement abouti malgré les réticences de certains États. Faisons le point.
D’abord, le camp des anti-régulation : pas de limitation réglementaire et obligatoire. C’est une position idéologique pour de nombreux pays. Le Royaume-Uni, bien sûr, la plupart des nouveaux États membres et le Danemark. Les industriels ont investi, anticipant la fin des quotas, et ne sont pas disposés à se restreindre, ni de façon autoritaire, ni de façon volontaire. Que le meilleur gagne.
Ensuite, le camp des modérés. L’Autriche, la Slovénie, par exemple. Limiter les productions, pourquoi pas, mais faut-il aller jusqu’aux ententes entre producteurs ? Une simple modification de l’alimentation des animaux pourrait suffire. Pourquoi ne pas recourir aux mesures de stockage, privé et ou public, ou aux aides financières incitatrices aux maîtrises des productions, au risque qu’il y ait des stratégies régionales différentes…
Puis le camp des partisans d’une régulation volontaire. La France bien sûr, mais aussi l’Espagne, la Belgique, la Grèce. L’Italie, qui n’a pourtant pas augmenté sa production alors qu’elle était très souvent en dépassement au temps des quotas, est restée neutre.
Enfin, le cas allemand. Sur une ligne libérale mais aussi dans un esprit coopératif, pour ne pas fâcher la France. Pour un observateur familier des négociations, « les officiels allemands ont soutenu la France en pensant que les industriels ne s’engageraient pas dans cette régulation volontaire ».
La ligne régulatrice l’a emporté. Après, il faut voir comment cela peut s’organiser. Serait-ce une entente entre producteurs, entre organisations de producteurs, entre interprofessions ? Entre plusieurs pays, bien sûr. Une entente entre producteurs d’un seul pays ne servirait à rien. Sinon à être le dindon de la farce.