Jean-Paul Vinot est producteur de grandes cultures à Saint-Quentin-le-Verger, dans le sud de la Marne. Longtemps impliqué dans un groupe Dephy, l’agriculteur est engagé dans une démarche de baisse des utilisations de produits phyto.
« La famille la plus compliquée est celle des herbicides », souligne-t-il. Plusieurs leviers existent pour limiter au maximum le stock grainier, qui peut pénaliser les cultures pendant plusieurs années. L’agriculteur en mobilise plusieurs, et ne s’interdit pas d’en explorer d’autres.
Épuiser le stock grainier
Le principal moyen de lutte concerne la rotation. « La mienne est assez longue, car j’ai la chance de pouvoir travailler avec plusieurs coopératives qui valorisent les betteraves, le chanvre ou encore la luzerne », insiste-t-il. La multiplicité des cultures lui permet de diversifier les familles de matières actives utilisées, et ainsi limiter le risque d’apparition de résistances. Dans la mesure du possible, il enchaîne deux cultures d’automne puis deux de printemps. « En une année, le stock grainier n’a pas le temps de s’épuiser, la capacité germinative des graines est toujours là, explique l’agriculteur.
Hygrométrie, vent, stade,… Jean-Paul Vinot fait particulièrement attention à optimiser les conditions d’application des herbicides, ce qui lui permet de réduire les doses. Dans certains cas, il ne traite que les zones identifiées comme problématiques.
« Il n’y a pas de solution miracle, mais une somme de petits leviers et de choix techniques pas toujours simples à mettre en œuvre. »
Autre élément sur lequel il prend appui : les cultures étouffantes. « La luzerne aide à gérer les vivaces et les graminées sur le temps long, note-t-il. Le chanvre arrive à étouffer presque tout, sauf les chénopodes qui se développent en même temps. » Ayant des betteraves dans sa rotation, c’est un point d’attention pour lui. Cette année, il va tester les faux semis pour gérer la problématique. « C’est une technique qui peut être intéressante sur les parcelles où l’on sait qu’il y a des soucis ».
S’approprier les outils mécaniques
« Un engrais vert bien réussi, avec un mètre de végétation couché au mois de novembre, a aussi un très bon pouvoir étouffant, poursuit Jean-Paul Vinot. Cela peut même éviter un passage de glyphosate au printemps, car il n’y a aucune graminée qui lève dessous. » En revanche, des chénopodes peuvent tout de même se développer dans le couvert. « Ce qui les fait lever, c’est le travail du sol aux semis des couverts. Pour éviter cela, j’ai acheté un semoir à dents et je vais les implanter en direct dans les chaumes de céréales. Pour que cela fonctionne, il faut que la culture précédente soit bien propre, avec un programme herbicide un peu renforcé. » Si le semis direct est ainsi identifié comme un levier intéressant, le manque de visibilité à long terme sur le glyphosate le questionne.
Le désherbage mécanique est également mobilisé. En betteraves par exemple, il a participé à l’achat d’une désherbineuse. L’outil, qui bine l’inter-rang et pulvérise des herbicides sur le rang, « fonctionne assez bien ». Si les deux premières pulvérisations sont appliquées en plein, l’outil permet de diminuer la dose d’herbicide de deux tiers à partir du troisième passage. « L’outil fonctionne assez bien même s’il faut des conditions climatiques particulières. » En revanche, il peut être complexe de gérer les interventions à plusieurs, l’outil étant partagé en Cuma. « L’année dernière, l’intervalle de 12 jours entre mes deux passages était trop long. »
« J’ai aussi une part dans une herse étrille, qui pourrait être un bon complément sur cette culture. Je l’utilise parfois sur céréales, mais je pense avoir encore une marge de progrès », estime-t-il. Il évoque par exemple, cette année, une orge semée en direct très propre : « je pourrais presque remplacer le programme herbicide par un passage de herse étrille, hésite-t-il. Mais les débris de moutarde du couvert pourraient gêner. C’est un outil que je dois encore m’approprier. »
Jean-Paul Vinot ne s’interdit pas de penser à d’autres possibilités : « pourquoi pas, par exemple, établir un partenariat avec un éleveur ? Les moutons qui pâturent les couverts consomment aussi les chénopodes », évoque-t-il.
Multiplier les moyens de lutte contre l'enherbement
