« En un an, ma facture énergétique a été multipliée par quatre, passant de 10 000 à 40 000 euros », constate amèrement Vincent Bournaison, agriculteur à Livry-Louvercy (Marne) et producteur de 70 hectares de pommes de terre, dont 50 hectares sous contrat avec Mc Cain. La plus grosse usine de fabrication de frites de l’industriel se trouve à Matougues, à une vingtaine de minutes de l’exploitation.
Contrats signés avant la flambée des prix
L’exploitant accueillait sur sa ferme Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, ce jeudi 27 octobre 2022, entouré des représentants de la filière. Tous sont inquiets de la conjoncture et des perspectives économiques de celle-ci. « Lorsque nous avons signé nos contrats avec l’industriel en janvier dernier, la question énergétique ne se posait pas. Comme fait-on pour stocker nos pommes de terre jusqu’à juin prochain avec un contrat signé avec un prix d’achat défini ?», s’interroge l’exploitant.
Coûts de production en constante augmentation
Au-delà de la flambée de l’énergie, les producteurs soulignent l’augmentation importante du coût de production de la culture emblématique du nord-est de la France. « Avant 2022, ce coût était de 4 000 euros l’hectare en sortie de champ et hors irrigation. "Il a grimpé à 5 000 euros en 2022 et les perspectives pour 2023 prévoient un coût de 6 000 euros l’hectare, sans certitude de pouvoir couvrir les charges », indique Bertrand Achte, vice-président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT), qui appelle à un soutien de l’Etat. « Il faut des actions qui minimisent ces augmentations de charges ».
Concurrence dans les assolements avec d’autres cultures
Des charges supplémentaires qui amènent bon nombre de producteurs à réfléchir à deux fois à leur assolement pour l’année à venir. « Nous avons un risque avéré d’une baisse d’au moins 10 % des surfaces de pommes de terre pour 2023 », analyse Bertrand Achte. Le niveau élevé des cours des céréales et les sommes moins importantes à mobiliser pour les produire séduisent les patatiers. « Cette concurrence entre les céréales et les pommes de terre n’existaient pas jusqu’à présent », insiste-t-il. L’annonce de l’augmentation du prix des betteraves pourrait aussi pousser des agriculteurs à se tourner vers cette autre production industrielle.
La question cruciale de l’irrigation
Face à cet état des lieux moroses de la filière, Marc Fesneau a reconnu que l’Etat avait un rôle à jouer. « Il faut que nous ayons des dispositifs d’aide à court et moyen terme, puis à plus long terme sur l’accompagnement des pratiques mais aussi concernant l’accès à l’eau ».
Face aux épisodes de dérèglements climatiques de plus en plus fréquents, la question de l’irrigation des pommes de terre est cruciale : le besoin en eau de la plante est comblé seulement une année sur deux par la météo. Il y a vingt ans, c’était huit années sur dix. Sur cette question de l’accès à l’eau, là encore, les producteurs attendent un « appui fort » des services de l’Etat.