La progression de la semaine dernière ne s’est pas poursuivie pour les céréales à paille mais les perspectives demeurent haussières.

Essoufflement momentané en blé

L’achat de l’Égypte hier illustre la montée en puissance des exportations des origines alternatives au blé russe dont nous parlions la semaine dernière. Le Gasc égyptien vient en effet d’acheter 60 000 tonnes de blé ukrainien et la même quantité de blé roumain à des prix attractifs face au blé russe, mais également supérieurs de presque 8 $/t au prix du dernier achat (le 12 décembre, blé russe et roumain).

Jusqu’à aujourd’hui, les prix russes ont maintenu le niveau qu’ils avaient atteint la semaine dernière et les blés US ont poursuivi leur progression (+1, à 2 $/t) alors que les blés argentins gagnaient 5 $/t cette semaine. Outre la diminution des disponibilités russes, cette ascension a été alimentée aussi par les craintes de dégradation de la récolte (volume et qualité) en Argentine à cause des pluies sur la moisson en cours. Ce facteur, combiné à de bonnes ventes US la semaine dernière, est venu donner un coup de pouce supplémentaire à l’ensemble des prix mondiaux.

Fondamentalement, ces évolutions sont en ligne avec les prévisions d’offre et de demande qui continuent d’afficher une baisse des stocks mondiaux et, particulièrement, une chute marquée des stocks russes et US en fin de campagne. La tendance à la hausse devrait donc se poursuivre et s’amplifier dans les mois à venir.

Toutefois, trois bémols à souligner aujourd’hui : d’une part, les ventes US de cette semaine n’ont pas égalé les bonnes performances de la semaine dernière ; par ailleurs, faisant suite à la réunion d’aujourd’hui entre les exportateurs et le gouvernement, la Russie n’a pas pris de décision particulière relative à une éventuelle taxation de ses exports (ce que certains opérateurs craignaient). Enfin, selon les commentaires de la Bourse de Buenos Aires hier, les dégradations de la récolte argentine restent modérées (moins fortes que prévu). Conjoncturellement, ces trois facteurs devraient être de nature à modérer la hausse des prix dans les jours à venir.

Dans l’UE, la modération s’est d’ailleurs déjà fait sentir, renforcée par la hausse de l’euro face au dollar : sur le marché intérieur, les prix français viennent d’abandonner entre 1 et 1,5 €/t par rapport à la semaine dernière, à 202,75 €/t rendu Rouen ou 195,75 €/t Fob Creil, tandis qu’Euronext cède 3 €/t, à 204,75 €/t.

L’orge morose

Cette semaine, l’orge a suivi le blé et perd 1 €/t à Rouen (202,75 €/t) et 3,5 €/t en Moselle (à 196,75 €/t). La hausse de l’euro a été défavorable aux orges françaises qui valent maintenant 4 $/t de plus que les orges de la mer Noire en position Fob. En plus de l’influence du blé, l’orge subit aussi la pression d’une demande mondiale en régression à cause du grand manque de compétitivité de cette céréale en alimentation animale face au maïs.

En Chine, l’enquête anti-dumping à l’encontre de l’orge australienne a été confirmée cette semaine et à partir de la mi-janvier, la Chine pourrait instaurer des droits sur les importations australiennes. Cet élément constitue un facteur baissier étant donné la part importante des importations chinoises dans les échanges mondiaux. Il semble en effet que la Chine s’apprête à utiliser plutôt du sorgho ou du maïs pour remplacer cette orge et non de l’orge qui pourrait provenir d’autres origines.

Sur le segment brassicole, les prix ont encore perdu 2 €/t pour les orges de printemps (à 211 €/t Fob Creil) mais ils ont gagné 1 €/t pour les variétés d’hiver (à 204 €/t). Cette évolution reste conforme à la détente observée ces dernières semaines en orge de printemps suite à l’acceptation de taux de protéine élevés par certains industriels ainsi qu’à des utilisations d’orge d’hiver en remplacement de celles de printemps. Attention toutefois au retour de bâton, la situation restant quand même très fragile.

Le maïs à contre-courant

Alors que c’est le maïs qui affiche le bilan mondial le plus lourd (avec de grosses récoltes cet automne aux USA et en Ukraine notamment et de bonnes perspectives pour les récoltes d’Amérique du Sud au début de 2019), c’est le maïs cette semaine qui voit son prix grimper.

Les prix français gagnent entre 1 et 2 €/t (à 179 €/t Fob Bordeaux) tandis que les prix ukrainiens ont gagné, quant à eux, 5 $/t. La logistique reste un facteur limitant pour les exportations ukrainiennes (manque de trains pour un approvisionnement correct des zones portuaires). De plus, l’appréciation des maïs ukrainiens se reporte sur les prix européens étant donné les importations massives que l’Europe a déjà réalisées et s’apprête à poursuivre dès le début de 2019 avec la réouverture de contingent d’importation à droit nul en provenance de l’Ukraine. Même si ces maïs ukrainiens ont vu leur prix augmenter après une phase d’affaissement postrécolte, ils restent hautement attractifs sur le marché intérieur européen par rapport au blé et à l’orge.

Pétrole et soja pèsent sur les prix des colzas français

L’approche de fin d’année n’est pas signe d’embellie pour les prix des colzas français. Ils accusent une chute de 4,5 à 5 €/t cette semaine, principalement sous l’effet de l’effondrement du prix du pétrole, qui perd presque 13 % pour tomber à moins de 46 $ le baril à New York.

Le principal facteur pesant sur le cours de l’or noir (et par ricochet sur les oléagineux et sur les huiles de colza, soja et tournesol) est l’actuelle surproduction mondiale par rapport à la demande. Les pays de l’OPEP se sont mis d’accord pour une réduction de leur production, mais celle-ci n’entrera en vigueur qu’au début de janvier.

Des craintes du marché pour l’économie américaine, liées à une menace de shutdown imminent (qui correspond à un gel des dépenses de l’État si le Sénat américain ne vote pas le budget proposé par Trump pour 2019, budget incluant les fonds pour construire un mur à la frontière du Mexique, mesure la plus décriée et débattue) a pesé également fortement sur les prix ces deux derniers jours.

Le canola canadien ne résiste pas non plus à cette baisse du prix du pétrole (–7 $US/t cette semaine), renforcée par la lourdeur sur le marché du soja.

Faible demande chinoise et démarrage de la récolte au Brésil compriment le soja

Le soja américain chute cette semaine, de 5 $/t sur février 2019, mais encore plus sur mai 2019 (–10 $/t) sous l’effet du démarrage de la récolte au Brésil. Le soja brésilien est extrêmement précoce, et les premiers retours de terrain sur les rendements sont plutôt encourageants. Malgré quelques petites alertes climatiques, la situation est favorable pour les cultures de soja dans ce pays, et l’on peut s’attendre à un nouveau record de production dans les semaines qui viennent.

De plus, le retour des chinois aux achats de soja US, qui avait brièvement soulevé l’optimisme du marché, s’est rapidement essoufflé. Mis à part des mandats officiels d’achat de soja délivrés par le gouvernement chinois pour un total de 5 Mt de soja US, aucun achat en provenance du marché physique lui-même n’a été enregistré ces derniers jours. En effet, avec la taxe de 28 % appliquée sur les sojas US rendus dans les ports, les triturateurs n’ont aucun intérêt à se tourner vers cette origine, et continuent de privilégier les achats de soja brésilien et argentin.

Les chinois continuent de diversifier leur approvisionnement, avec par exemple la toute récente autorisation publiée par les douanes chinoises d’importer des sojas en provenance de la Bolivie. L’issue des négociations entre les USA et la Chine reste incertaine : une annulation pure et simple de la taxe aurait un effet haussier sur les prix mondiaux du soja (hausse qui sera modérée, car les sojas US devront rester compétitifs rendus Chine face à leurs concurrents sud-américains). Au contraire, une prolongation des négociations aurait un nouvel effet baissier sur les prix. La période de trêve (portant sur l’absence de nouveaux ajouts de taxe à l’importation) se terminant au début de mars, les prix pourraient subir des à-coups importants d’ici là.

Le tournesol ne peut résister à cette tendance baissière

Le prix du tournesol à Saint-Nazaire continue de reculer, et suit la baisse du prix du colza et du pétrole. Il recule de 5 €/t, à 295 €/t. Le tournesol ukrainien se maintient néanmoins à 335 $/t Fob mer Noire, les prix actuels attirant l’intérêt des acheteurs du marché mondial.

Un prix de tourteau de soja toujours bas

Les tourteaux de soja subissent une baisse de 2 $/t à Chicago cette semaine, entraînés par la chute de la fève de soja. À Montoir, le prix reste stable à 335 €/t, soutenu par la remontée de l’euro face au dollar US cette semaine.

À SUIVRE : passage de relais entre la Russie et les autres origines en blé, attitude de la Chine face aux orges australiennes, logistique ukrainienne, poursuite des négociations US-Chine, production sud-américaine de soja et de maïs, évolution du prix du pétrole, réinstauration des taxes sur les importations de biodiesel argentin par la Commission européenne, conditions hivernales pour le colza (UE et mer Noire).

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