La route est encore longue pour faire adopter la modulation intraparcellaire à une majorité d’agriculteurs. Selon une enquête de l’Observatoire des usages de l’agriculture numérique, près de 20 % du territoire couvert par les coopératives est cartographié. Mais sur l’ensemble de la zone de chalandise de ces coopératives, seule 4 % de la surface est modulée, en majorité manuellement.
L’intérêt donc est là mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. C’est en substance la conclusion du séminaire « Numérique et modulation intraparcellaire », qui s’est tenu à Bordeaux ce 4 décembre 2018 à l’initiative de la chaire AgroTic de Montpellier SupAgro et Bordaux Sciences Agro.
Être précis sur les possibilités de la technique
Emmanuel Piron, du pôle d’épandage de l’Irstea, a rappelé la nécessité d’être précis sur les possibilités offertes par la modulation intraparcellaire. « On ne peut pas parler de tronçons pour de l’engrais, qu’il soit minéral ou organique », précise l’ingénieur. Les tronçons, c’est quand il est possible de moduler de façon nette le traitement d’une surface donnée, par exemple avec un pulvérisateur où l’on coupe une buse ou une partie de rampe à un instant précis. Pour l’engrais, il faut parler de modulation de section ».
Dans le cas du fumier, Emmanuel Piron estime qu’aucune machine ne permet à l’heure actuelle de moduler correctement l’azote et les autres éléments fertilisants car il est impossible techniquement de les mesurer en continu pendant l’épandage. Pour les engrais minéraux, les solutions existent « mais il faut être réaliste sur ce qu’elles permettent de faire réellement. Moduler avec un distributeur d’engrais centrifuge, cela veut dire ajuster le débit en continu. Je comprends que les constructeurs parlent de coupure par sections de deux mètres mais c’est de la vulgarisation. Techniquement c’est faux car il s’agit d’une nappe d’engrais, avec des limites floues. Il ne faut donc pas s’attendre à avoir une modulation précise sur ces deux mètres, avec des limites nettes. »
Améliorerla mise en œuvre
De son côté, Sylvain Deseau, conseiller en machinisme à la chambre d’agriculture du Loiret, alerte constructeurs et fournisseurs de cartes de préconisation sur les difficultés techniques rencontrées par les agriculteurs qui se lancent dans la modulation intraparcellaire. « C’est loin d’être un jeu d’enfant, insiste-t-il. Ce qui m’inquiète, c’est que certains agriculteurs reviennent en arrière car ils ont l’impression de mal valoriser leurs cartes et de ne pas rentabiliser leur investissement dans la technologie. Nous sommes aussi très souvent confrontés à des problèmes de compatibilité entre les différents systèmes. »
Les techniques pour la modulation intraparcellaire sont là, mais il faut encore progresser dans la formation et l’accompagnement des agriculteurs pour que cette solution d’économie d’intrants et de sécurisation du rendement soit adoptée à grande échelle.