Pas de hausse cette semaine, sauf pour les tourteaux. Les céréales et le colza restent orientés à la baisse sous le poids du soja et du maïs américain, ainsi que d’une révision à la hausse, et discutable, de la récolte russe par l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture.
Des prix de blé encore comprimés
Les prix ont oscillé cette semaine, l’échéance de décembre grimpant jusqu’à 202 €/t lundi sur Euronext pour redescendre vers 198 €/t aujourd’hui, un niveau proche de celui d’il y a une semaine. Sur le marché physique, les prix se retrouvent proches également de ceux de vendredi dernier, à 195,25 €/t rendu Rouen (–1 €/t en base juillet) ou 190,75 €/t Fob Moselle (–1 €/t également). L’euro a grimpé légèrement par rapport au dollar ces derniers jours (1,169 contre 1,162 vendredi dernier) et cela joue un rôle de soutien pour les prix européens.
En revanche, la publication mensuelle de l’USDA ce mercredi a joué, quant à elle, un rôle baissier avec une révision à la hausse de la récolte mondiale de blé, portant sur l’Inde et la Russie. La révision est justifiée pour l’Inde et correspond à la mise à jour de la récolte par les autorités indiennes. Pour la Russie, le nouveau chiffre de l’USDA (71 millions de tonnes) reste discutable : il prend en compte les résultats de la récolte d’hiver mais pas la dégradation de la situation en Sibérie où des pluies et même de la neige précoce commencent à empêcher le bon déroulement des moissons.
Chicago et les cotations physiques des blés am & ricains ont décroché à cause de cette publication, le blé meunier perdant 5 à 7 $/t selon la qualité (à 216 $/t et 231 $/t Fob Gulf pour les blés SRW et HRW). Les prix russes, en ce qui les concerne, sont restés quasi stables (–1 $/t, à 214 $/t Fob).
Les acheteurs en profitent
Pourtant, les échos provenant de l’Australie restent mauvais : la situation est catastrophique dans l’est du pays et les bons résultats de l’ouest ne suffiront pas à masquer l’ampleur des dégâts. L’office australien Abares confirme cette semaine que la récolte n’atteindra même pas 20 Mt par rapport à 21,2 Mt l’an dernier. Ce qui n’était déjà pas une bonne récolte.
La situation européenne reste, de son côté, caractérisée par une récolte en forte baisse (–15 Mt) et des exportations qui ne pourront pas égaler le niveau de l’an passé, malgré une forte chute de la consommation animale. La France pourrait quand même tirer son épingle du jeu avec un regain d’exportations vers l’Algérie. Le premier bilan FranceAgriMer pour la saison en cours conforte d’ailleurs la prévision d’une baisse des stocks en France pour la fin de la campagne : 2,5 Mt contre 3 Mt à la fin de la campagne dernière.
Dans ce contexte de prix plutôt bas étant donné la tension mondiale, beaucoup d’acheteurs se sont manifestés cette semaine pour profiter de la situation. L’Égypte a acheté 235 000 tonnes de blé russe, l’Algérie 630 000 tonnes de blé d’origine optionnelle (France très possible), la Tunisie et l’Arabie ont lancé des appels d’offres pour 70 000 tonnes et 595 000 tonnes respectivement.
L’évolution des exportations russes reste un élément à suivre de très près. Vu les sorties effrénées des premiers mois de la campagne, la mise en place de restriction à l’exportation apparaît de plus en plus probable.
L’orge s’affaisse malgré l’achat saoudien
Les prix des orges fourragères ont légèrement reculé cette semaine, poussés par ceux du blé. Ils ont perdu 1 €/t à Rouen et en Moselle à 196,75 €/t et 190,75 €/t respectivement (en base juillet). Les orges brassicoles ont suivi aussi, chutant même plus nettement que les orges fourragères : –4/t pour les orges d’hiver à 207 €/t Fob Creil et –6 €/t pour les orges de printemps à 233 €/t.
Le gros achat cette semaine de l’Arabie Saoudite (ce pays vient d’acheter 1,5 million de tonnes, nettement plus que les 1 Mt annoncées dans l’appel d’offre) a probablement empêché les prix fourragers de descendre davantage. Étant donné que les orges françaises sont proches des orges de la mer Noire en termes de prix, il se pourrait qu’une partie de cet achat se porte sur des orges françaises.
Dans sa première publication du bilan de la campagne en cours, FranceAgriMer confirme la nette baisse prévue des stocks en fin de campagne : aux alentours de 0,9 Mt contre plus de 1,5 Mt en début de campagne.
Une très bonne récolte américaine
En maïs, l’orientation reste baissière aussi et la chute est plus marquée qu’en blé ou en orge. Les maïs français perdent 2 €/t sur le Rhin (à 169 €/t en base juillet) et 5 €/t sur la façade atlantique (à 168,5 €/t) Fob Bordeaux.
Ils ont été poussés par les maïs brésiliens, américains et argentins qui voient tous trois leur prix descendre cette semaine (de 4 à 8 $/t) sous l’impact de la nouvelle publication de l’USDA ce mercredi. Cet organisme vient en effet de réviser en forte hausse la prévision de récolte américaine (+6 Mt, à presque 377 Mt), ce qui correspond à un excellent résultat alors que beaucoup d’opérateurs s’attendaient à une révision à la baisse à cause des pluies récentes qui ont handicapé les opérations de récolte dans le Midwest.
Cette prévision vient rappeler que la situation mondiale du maïs reste lourde et que l’Union européenne, malgré la chute de sa production et ses gros déboires liés à la sécheresse à l’ouest, n’aura pas de mal à trouver le maïs qu’il lui manque.
Le colza s’effondre
Les cotations du colza poursuivent leur chute et cèdent 8 €/t cette semaine à Rouen et 4 €/t en Fob Moselle et sur Euronext. Le temps sec et le déficit hydrique en Europe, qui perturbent les semis de colza et entraînent un risque de perte des surfaces, n’ont pas empêché l’effondrement des cours qui restent sous l’impact de la descente du soja et des huiles. En effet, les prix de l’huile de palme s’effritent cette semaine, les stocks s’affichant supérieurs aux attentes en Malaisie. De plus, l’arrivée massive des colzas ukrainiens sur le marché européen pèse sur les prix.
Au Canada, la récolte du canola est en cours et il existe encore des incertitudes autour de son volume. La dernière estimation à 19,2 Mt de StatCan nous semble pessimiste vu les rendements meilleurs qu’attendu à ce stade. Durant les dernières années, l’estimation au mois d’août de StatCan était toujours inférieure au chiffre final de production. Nous estimons à ce jour la production à 20,5 Mt, en baisse d’environ 6,5 % par rapport à la campagne précédente en raison des conditions climatiques néfastes aux cultures, telles que la chaleur extrême pendant la phase de floraison et la chute de neige enregistrée dernièrement dans la région de Peace River.
La baisse prévue de la production sera toutefois compensée en partie par les stocks élevés de la fin de la campagne de 2017-2018. Au vu de ces éléments contrastés et de l’influence des cours des autres oléagineux, le prix du canola enregistre une petite baisse de 1 $/t environ cette semaine sur le marché de Winnipeg.
Le tournesol suit
Les prix du tournesol à Saint-Nazaire continuent leur baisse, et cèdent 5 €/t, à 312,5 €/t cette semaine. Malgré les perceptives décevantes de la production française, les cours de tournesol en France ont suivi la baisse des prix des autres oléagineux et de l’huile. D’autre part, les prix à l’exportation du tournesol mer Noire continuent de s’affaisser sous la pression de la récolte. À ce stade, les rendements réalisés sont meilleurs que la campagne précédente et la production est prévue élevée dans les principaux producteurs de la mer Noire.
Soja et tourteaux en retrait
Les cours du soja repartent à la baisse sur le marché de Chicago cette semaine et perdent 2 $/t. Le dernier rapport de l’USDA confirme la récolte record aux États-Unis (à presque 128 Mt) et la lourdeur du bilan de soja américain, avec un stock qui doublerait en 2018-2019 par rapport à l’an dernier.
D’autre part, les perspectives de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine sont contrastées : malgré une volonté partagée du secrétaire américain au Trésor et du ministre chinois du Commerce de reprendre les discussions, le président américain a de nouveau minimisé les espoirs de conclusion d’un accord à court terme.
Les prix des sojas américains n’ont plus beaucoup de potentiel de baisse : avec un prix compris entre 300 et 310 $/t sur le marché de Chicago, ils commencent à retrouver de l’intérêt pour les acheteurs chinois, malgré la taxe à l’importation de 28 % imposée à l’arrivée dans les ports de l’empire du Milieu.
Toutefois, une forte incertitude demeure sur les importations chinoises, en raison de l’apparition des nombreux foyers de peste porcine africaine qui pourrait limiter les besoins alimentaires pour le bétail sur les prochains mois.
Les tourteaux de soja cèdent cette semaine 3 $/t à Chicago faisant suite à la baisse de la graine. Cependant, ce produit gagne 10 €/t en une semaine à Montoir, soutenu par le fort dynamisme de la demande en aliments composés, pour compenser la chute des disponibilités en blé fourrager dans l’Union européenne.
À suivre : rythme des exportations russes en blé, conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, récolte de maïs et soja aux États-Unis, récolte de canola au Canada.