Dans un communiqué diffusé le 14 août 2018, l’UNPT, Union nationale des producteurs de pommes de terre, fait état, selon les premiers éléments dont elle dispose, de rendements « historiquement bas » en France cette année. « Sur les 240 parcelles prélevées en France, la moyenne des rendements en pommes de terre de conservation, toutes régions et tous débouchés confondus, était à 32 t/ha environ [pour les semaines du 30 juillet au 12 août, NDLR] », rapporte le syndicat des producteurs. Soit une baisse de 10 % environ, à date identique, par rapport à l’an dernier, et de 7 % par rapport à la moyenne quinquennale. Ce qui place 2018 au niveau des années avec les rendements les plus faibles.

Différence entre parcelles irriguées et non irriguées

« L’état de sénescence des parcelles est aujourd’hui assez marqué, ce qui limitera d’autant plus les possibilités de croissance du rendement dans les semaines à venir », souligne l’UNPT. Une forte différence existe entre les parcelles non irriguées et les parcelles irriguées (à peine la moitié des surfaces), le rendement de ces dernières étant plus élevé en moyenne de 13 t/ha.

La situation est également particulièrement difficile dans les autres pays du Nord-Ouest européen. Ainsi, « de nombreux signaux indiquent que la prochaine récolte sera beaucoup plus faible, et que les problèmes de qualité constitueront un défi majeur à relever », signalait le 13 août 2018, le NEPG, réseau regroupant les producteurs de pommes de terre du Nord-Ouest européen (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Angleterre).

15 à 20 % de moins dans le Nord-Ouest européen

Selon les experts, « on devrait être, au minimum, à un niveau de rendement inférieur de 15 à 25 % à la moyenne pluriannuelle ». En cause : la sécheresse extrême et des températures records. Le NEPG souligne toutefois qu’« il est aujourd’hui trop tôt pour estimer très précisément la récolte de 2018 », et prévient qu’en « raison des problèmes de qualité, rendements bruts et rendements nets pourraient être bien différents ».

Dans tous les pays concernés, des mesures de restriction de l’usage de l’eau ont été prises, avec interdiction totale de l’irrigation pendant certaines heures de la journée ou avec des volumes alloués restreints. « Les parcelles irriguées peuvent avoir encore du potentiel aujourd’hui. Mais pour beaucoup de parcelles, la pluie est arrivée trop tard, s’inquiète le NEPG. Faisant suite aux récentes averses, certains craignent un éventuel phénomène de repousse, avec apparition d’une deuxième génération : des cas sont déjà signalés en plaine. »

Si les conditions sèches perdurent d’ici à la récolte, les producteurs craignent aussi l’apparition d’endommagements des tubercules car ils présentent déjà des matières sèches très élevées.

Incapacité à fournir tous les contrats

Dans ce contexte, de nombreux producteurs « risquent de ne pas honorer leurs engagements en volumes et/ou respecter le cahier des charges des contrats », s’inquiète l’UNPT, qui demande, « au-delà de la démarche individuelle qui doit être effectuée par chacun(e) pour se faire connaître auprès de son acheteur, à ce que, dans les meilleurs délais, des discussions se mettent en place dans la filière, au niveau national, entre l’UNPT et les représentants des acheteurs (marché du frais et de la transformation) et/ou au sein des interprofessions concernées. »

Même inquiétude du côté du NEPG, alors « qu’environ 70 % des pommes de terre de consommation […] peuvent être considérés, d’une manière ou d’une autre, contractualisés pour la filière de la pomme de terre transformée. » Quelle sera la réaction des acheteurs ? Vont-ils contraindre les producteurs « à fournir l’ensemble de la marchandise engagée sous contrat dans un contexte de prix élevés sur le marché libre en cas de rachat de pommes de terre », s’interroge le NEPG, indiquant que « les pommes de terre disponibles sur le marché libre devraient être très rares sur le périmètre du NEPG ».

Discussions européennes entre producteurs et acheteurs

« Les pertes financières pourraient être majeures pour les producteurs, simplement par obligation d’honorer leurs contrats », s’inquiète le réseau de producteurs, qui appelle à ce que des discussions et échanges entre producteurs et acheteurs « puissent avoir lieu dans le cadre d’une approche européenne ou nord-ouest européenne. »

« Des aménagements des cahiers des charges doivent être négociés et toutes les pommes de terre produites doivent pouvoir être valorisées, appuie l’UNPT. Les contrats doivent, le cas échéant, être revus entre les acheteurs et les clients finaux (acteurs de la grande distribution, chaînes de restauration rapide,…). »

Certains gouvernements sont également sollicités pour reconnaître une situation de « catastrophe naturelle », ce qui pourrait selon le NEPG, permettre aux producteurs de ne pas être obligés de livrer l’ensemble des volumes contractualisés.

I.E.