Les marchés mondiaux et européens des céréales restent orientés à la hausse, tirés par les pertes de récoltes annoncées en Europe, en Russie et en Australie.

Blé tendre : franchissement des 200 €/t à Rouen

C’est fait ! Le blé rendu Rouen a dépassé les 200 €/t, pour la première fois (en base juillet) depuis mai 2014, montant à plus de 207 €/t le 26 juillet. Cela représente une hausse de plus de 15 €/t en une semaine, la progression dépassant même 20 €/t sur plusieurs autres places physiques. Les craintes pour les récoltes constituent toujours le moteur de cette remontée, certains analystes se rapprochant désormais de notre prévision de 33,2 millions de tonnes (Mt) pour la récolte française que nous avions publiée à la fin de juin. Par ailleurs, la situation s’avère catastrophique en Allemagne, au Danemark et en Suède. La récolte polonaise est elle aussi fortement touchée par le temps chaud et sec. La production européenne devrait ainsi retomber au plus bas depuis 2012, avec des flux d’une ampleur inédite qui se mettent en place (fortes ventes de blé fourrager roumain/bulgare vers le nord de l’UE).

Cette perspective d’une petite récolte européenne entre en phase avec l’annonce d’une récolte russe qui pourrait passer sous les 70 Mt (avec en outre de grosses craintes sur la qualité), ce qui est synonyme d’exportations en baisse pour la Russie. Par ailleurs, un tour de plaine réalisé dans les zones de production du blé de printemps US (États du nord) est venu remettre en cause, en cette fin de semaine, les pronostics très optimistes de l’USDA. Ce sont donc l’ensemble des cours mondiaux qui grimpent de concert. Cette semaine, le blé russe à 12,5 % de protéines prend 19 $/t, à 222 $/t Fob mer Noire sur le rapproché, et les fortes primes affichées sur les échéances plus éloignées laissent supposer que la hausse n’est pas terminée. Le hard red winter, blé états-unien de bonne qualité meunière, a, quant à lui, bondi de 26 $/t, à 246 $/t. Même constat sur le créneau fourrager, avec un blé ukrainien en hausse de 20 $/t. Dans ce contexte nerveux, l’Égypte vient d’acheter 420 000 t (blé russe, roumain et ukrainien) pour livraison en septembre à des prix en hausse de 15 $/t par rapport à son précédent appel d’offres passé le 10 juillet, à 236 $/t fret inclus.

L’orge fourragère poursuit son élan

La cotation de l’orge fourragère rendu Rouen a de nouveau fortement progressé au cours de la semaine en gagnant 23 €/t, à 204 €/t. Sur la Moselle, la hausse est encore plus marquée, puisqu’elle a gagné 27 €/t, à 201 €/t, en lien avec une demande inhabituelle en provenance de l’Autriche.

Cette surchauffe des prix fourragers résulte des conditions catastrophiques en Scandinavie et très mauvaises dans le nord et l’est de l’Europe, ainsi qu’au Royaume-Uni. La récolte européenne des orges n’est pas encore finie, mais elle est déjà estimée en légère baisse par rapport à 2017-18, malgré la production record en Espagne (+3,1 millions de tonnes sur un an) et la progression des surfaces européennes consacrées à l’orge (+3 % par rapport à la campagne précédente). La production européenne d’orge est donc la plus basse depuis la campagne de 2012-13. La hausse des prix français est également accentuée par de petites préoccupations concernant les orges au Canada et de véritables inquiétudes en Australie.

L’orge brassicole de printemps est cotée à 234 €/t (+9 €/t par rapport à la semaine dernière), portant la prime brassicole de printemps, à 32,75 €/t, au-dessus des prix fourragers. L’orge brassicole d’hiver est cotée à 204 €/t (+21 €/t) et sa prime atteint 3 €/t seulement, ce qui devrait décourager le travail de calibrage des orges d’hiver. Pourtant, le bilan brassicole européen s’annonce déficitaire en orge de printemps, et une petite partie de la demande brassicole de printemps pourrait être substituée par de l’hiver.

La surchauffe en blé fait bouillir le maïs

Sur le marché français, le maïs gagne 10 à 14 €/t selon les places, tant en ancienne qu’en nouvelle récolte, sur fond de forte réduction de la récolte européenne de blé et d’inquiétudes liées au temps sec et chaud en France qui devrait conduire à des baisses de rendement du maïs. Néanmoins, les cours du maïs ont moins augmenté que ceux du blé, ce qui conduit à un regain de compétitivité du maïs dans les rations animales dans l’UE mais aussi en Asie. Sur le marché mondial, les maïs ukrainiens grimpent de 11 $/t, alors que les origines argentines et US ont monté de 9 $/t et les maïs brésiliens de 5 $/t.

Le président américain et celui de la Commission européenne ont annoncé leur volonté de supprimer la quasi totalité des tarifs douaniers, suite à une rencontre entre les deux hommes cette semaine. Ces mesures n’ont pas encore été formalisées mais elles devraient conduire à la suppression de la taxe de 25 % sur les maïs américains entrant dans l’UE. Ceci rendrait les maïs US très compétitifs à l’import dans le nord et le sud de l’UE.

Enfin, au Brésil, l’augmentation des tarifs du fret routier (concédée par le gouvernement aux routiers brésiliens suite à leur mouvement de grève à la fin de mai) perturbent la circulation des marchandises et donc l’exportation de la nouvelle récolte. Cela réduit donc pour le moment les disponibilités brésiliennes sur le marché mondial.

Récoltes de colza amputées, prix en hausse

Le marché prend peu à peu la mesure des pertes essuyées par la récolte de colza dans l’UE cette année. Le prix du colza remonte de 9-9,5 €/t en Fob Moselle et sur Euronext cette semaine, et de 10 €/t en rendu Rouen.

Au Canada, alors que la situation climatique est plutôt correcte, ce que valide un récent tour de plaine effectués par des analystes locaux, les prix du canola rebondissent de 5 $/t cette semaine. Ce sursaut est dû à une conjonction d’une demande européenne en canola canadien assez forte, la chute de récolte dans l’UE forçant les opérateurs à importer en masse, de toutes les origines disponibles possibles, et du rebond du soja US, d’environ 5-6 $/t sur la semaine.

Bien que les conditions climatiques restent plutôt correctes pour les cultures de soja dans le Midwest américain, le soja retrouve de la demande sur le marché mondial. L’effondrement des cours des dernières semaines a rendu le soja US particulièrement attractifs dans le monde entier (à l’exception de la Chine bien évidemment, qui taxe désormais les importations de soja US à hauteur de 28 %), ce qui a entraîné un courant d’achat et une remontée des prix. Dans l’UE, on s’attend à des importations de soja US record sur la nouvelle campagne, dopées par les excellentes marges de trituration enregistrées actuellement sur le vieux continent. Le récent accord entre US et UE sur ce point ne fait qu’entériner un fait de marché, déjà acté par les opérateurs.

En France, le marché de tournesol est lui plutôt stable. Les graines sont cotées à 325 €/t à Saint-Nazaire. Les parcelles sont maintenant en phase de floraison (fin de la floraison pour les plus précoces) et les conditions climatiques sont favorables au développement des plantes. Les conditions sont correctes également en Ukraine après les dernières précipitations. Néanmoins, le tournesol russe pourrait être pénalisé par les fortes chaleurs et les précipitations irrégulières depuis le début du cycle de production.

Les protéines se renchérissent

Avec le rebond de la graine de soja, les cours des tourteaux de soja suivent et remontent de 4 $/t sur le marché de Chicago. Avec une trituration très dynamique, l’afflux de volumes de tourteaux de soja sur le marché européen pèse sur les prix, qui cèdent 6 €/t à Montoir à 359 €/t. Néanmoins les prix ne devraient pas s’effondrer : un courant de demande régulier maintient les cours entre 360 et 365 €/t depuis la mi-juin.

Le pois voit son prix augmenter de 10 €/t sur la semaine, faisant suite aux pertes entraînées par un printemps excessivement chaud et sec en France et dans les États baltes.

À SUIVRE : climat en Australie et au Canada (colza et blé), avancées des récoltes (colza et blé) dans le nord de l’UE, volume et qualité de la récolte de blé mer Noire, conditions de cultures pendant la floraison du maïs aux USA, compétitivité du soja US sur la Chine.

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