Les opérateurs ne savent plus trop où donner de la tête sur le marché du blé. Plusieurs facteurs exercent des influences s’opposant les unes aux autres, dans un contexte d’incertitude générale. Pour le blé français, cela se traduit cette semaine par un petit repli des prix nouvelle récolte, avec un rendu Rouen qui cède 4 €/t à 172 €/t, un Fob Moselle qui perd 2,5 €/t à 166,5 €/t et un rendu La Pallice en retrait de 4,5 €/t, à 171,5 €/t.
Moins de blé russe
D’un côté, la guerre économique ouverte entre la Chine et les États-Unis met sous pression l’ensemble du marché des matières premières agricoles, car cela pourrait entraîner un rétrécissement des échanges mondiaux, avec en première ligne le soja. À cela s’ajoute, pour les origines européennes, le raffermissement de l’euro face au dollar, compliquant la compétitivité des blés de l’Union européenne sur le marché international.
D’un autre côté, le doute grandit concernant le volume de la récolte en mer Noire, et particulièrement en Russie, où certains analystes annoncent des chiffres de plus en plus alarmistes : des prévisions de production sont désormais inférieures à 70 millions de tonnes, contre 84 Mt l’an passé. Cela constitue bien sûr une perspective haussière puisque cela amputera le potentiel d’exportation du géant russe, dont les ventes à l’étranger sont déjà prévues en nette baisse par rapport au record de 2017-2018.
Pluies et sécheresse inquiètent
Moins d’exportations russes signifient plus de place pour les autres origines, et des bilans qui s’assainiraient chez les grands exportateurs de blé de la planète. En Chine, la récolte qui débute donne elle aussi des signes de faiblesses : les très fortes pluies qui se sont abattues sur le pays en mai et juin semblent avoir amputé le rendement de façon beaucoup plus marquée que prévu. Le pays dispose de stocks de blé gigantesques mais peu disponibles pour le marché.
La Chine pourrait donc être contrainte d’augmenter significativement ses importations notamment depuis la mer Noire et le Canada, les États-Unis étant pénalisés par la guerre économique sino-américaine. Quant à l’origine australienne, elle est actuellement trop chère. Autre inquiétude climatique, celle qui porte sur les blés allemands.
Le nord de l’Allemagne subit depuis de longues semaines un temps excessivement chaud et sec, faisant craindre des pertes de rendement conséquentes chez le second producteur de blé de l’Union européenne. Des pluies abondantes pourraient en partie alléger les souffrances du blé, mais il faudrait qu’elles arrivent très vite.
Pendant ce temps, la vie du marché continue : le Gasc égyptien vient d’acheter 240 000 tonnes de blé roumain pour chargement début août, preuve du regain d’intérêt dont bénéficie cette origine dans le programme d’importations égyptien.
Les orges de printemps résistent à la baisse
Les orges fourragères ont poursuivi leur affaissement cette semaine, abandonnant 1 €/t à Rouen à 164 €/t et 3,5 €/t en Moselle à 154,5 €/t. Sur le marché mondial (en dollar), les orges européennes viennent de perdre 4 $/t à 194 $/t Fob Rouen. Cette pression s’explique d’une part par l’arrivée des récoltes dans l’hémisphère nord, avec une bonne semaine d’avance en mer Noire. Ce qui contribue à faire momentanément baisser les prix : l’Ukraine a lâché 7,5 $/t à 191,5 $/t Fob et la Russie 4 $/t à 190,5 $/t Fob.
Les orges n’ont pu résister à la lame de fond exercée par le maïs, poussé vers le bas par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Pourtant, avec une taxation possible du maïs et du soja américain par la Chine, l’orge risque de voir sa demande augmenter dans ce pays dans un contexte mondial qui s’annonce déjà potentiellement tendu du fait de la baisse des récoltes en mer Noire.
Néanmoins, c’est l’effet maïs qui l’emporte à court terme, l’orge risquant de perdre de la demande dans plusieurs autres régions du monde si elle dégrade trop fortement sa compétitivité face au maïs.
Sur le segment brassicole, les orges de printemps (Sebastian) sont stables à 210 €/t Fob Creil, soutenues par les dégradations quantitatives dans le nord de l’Union européenne (sécheresse).
Les orges d’hiver, elles, voient leur prix chuter de 8 €/t à 168 €/t Fob Creil, tirées par les orges fourragères. Avec un bilan plutôt lourd pour la nouvelle campagne, elles ne peuvent se permettre de résister.
Le maïs dans la tourmente
Comme en blé, c’est une baisse généralisée qui touche le maïs cette semaine : le Fob Rhin a perdu 3,5 €/t à 160,5 €/t en ancienne campagne et 1,5 €/t à 169,5 €/t en nouvelle campagne. Sur la façade atlantique, les prix ont abandonné environ 2 €/t à 157 €/t en récolte 2017 et 167 €/t en récolte 2018.
Cette évolution reflète encore la lourdeur des stocks français en fin de campagne.
Par ailleurs, les maïs français ont été fortement influencés par les maïs américains à Chicago qui se sont effondrés quand les États-Unis ont confirmé vendredi dernier les taxes sur un grand nombre de produits chinois. En parallèle de cette guerre commerciale, l’Union européenne rétorque aujourd’hui même aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium en imposant sa propre taxation pour les maïs américains. Cela n’aura que peu d’impact sur le marché européen car les maïs américains sont peu importés dans l’Union européenne, si ce n’est une bascule vers d’autres origines avec un peu plus de maïs ukrainien sans doute.
Le soja s’effondre
Les négociations sino-américaines des derniers mois ont été interrompues et les pourparlers ont cessé depuis quelques jours. Si les discussions ne reprennent pas, la Chine devrait taxer les importations de soja américain à 25 % à compter du 6 juillet. Les acheteurs chinois se détournent donc de cette origine au profit de l’Amérique du Sud, le Brésil surtout.
Ces nouvelles ont plombé sur les cours du soja sur le marché de Chicago. Sur le rapproché, le soja a ainsi perdu 17 $/t depuis la semaine dernière, à 323 $/t. Les bonnes conditions de culture aux États-Unis pèsent également sur les prix. Le 17 juin, les semis étaient quasiment achevés et 73 % des plants étaient dans un état bon à excellent d’après l’USDA (74 % la semaine précédente et 67 % l’an dernier à la même date).
Le tourteau de soja a suivi la chute de la graine. À Chicago, il perd 13 $/t sur le rapproché. En revanche, il résiste à Montoir (+ 1 €/t), du fait de la baisse de l’euro face au dollar (1,15 $/€ contre 1,17 $/€ la semaine dernière). Le pois fourrager recule encore légèrement au départ de l’Eure-et-Loir (-2 €/t).
Le colza et le tournesol se maintiennent
Les prix du colza français ont résisté à la pression baissière du soja. Ils gagnent 1,5 €/t à Rouen et sont stables en Moselle. Sur Euronext, ils progressent de 1,5 €/t sur le rapproché, soutenus par les inquiétudes sur la récolte européenne à venir. En effet, la sécheresse est préoccupante dans le nord de l’Europe et l’impact des problèmes de floraison et de remplissage est encore difficile à évaluer.
Au Canada, le prix du canola recule de 5 $/t, affecté par la baisse du prix du soja américain. Les conditions de culture s’y sont par ailleurs nettement améliorées.
Le prix du tournesol reste stable à Saint-Nazaire. Le temps est encore sec en Mer Noire, ce qui pourrait pénaliser les jeunes plants de tournesol.
À suivre : les relations commerciales entre les États-Unis et la, le climat dans l’hémisphère nord (blé/colza/tournesol/soja)