Après l’affaissement de la semaine dernière, c’est une petite reprise qui marque cette semaine les marchés des céréales à paille.

Les prix russes desserrent (un peu) leur étau…

Malgré une récolte pléthorique, les blés russes continuent de s’apprécier légèrement (+1 $/t sur la semaine à 191 $/t Fob pour les blés à 12,5 % de protéines) en raison de l’appréciation du rouble et de l’importance des exportations réalisées en août et septembre. Il est absolument nécessaire que ce pays continue à exporter de grosses quantités pendant l’ensemble de la campagne s’il veut éviter des stocks ingérables en fin de campagne (qui seront de toute façon colossaux !).

Ce dynamisme a soutenu les prix mondiaux au cours des derniers jours. Toutefois, la France n’a pas bénéficié de ce sursaut (stabilité des prix depuis la semaine dernière à 153 €/t rendu Rouen) en raison du déficit de compétitivité à l’exportation de l’origine tricolore.

Autre facteur susceptible d’alléger modérément le marché mondial : les perspectives se dégradent du côté de l’hémisphère Sud. Les surfaces cultivées en Argentine, déjà revues à la baisse à cause des inondations, pourraient encore diminuer à la suite de nouvelles pluies excessives. Par ailleurs, Abares, l’organisme officiel australien, vient de revoir à la baisse l’estimation de la récolte de blé de ce pays à 21,6 millions de tonnes (Mt) contre 35,1 Mt l’an passé.

La récolte australienne est depuis longtemps prévue en retrait, en raison du temps très sec lors des premiers mois du cycle, mais le fait qu’Abares publie ce nouveau chiffre a marqué certains opérateurs. Le marché détourne ainsi son regard de l’énormité de la récolte russe pour intégrer ces éléments à caractère haussier concernant les récoltes du sud qui vont arriver en décembre.

… mais les perspectives du bilan français s’alourdissent

Malgré tout, même avec quelques déboires en Argentine et en Australie, les stocks mondiaux resteront lourds et les perspectives de remontée des prix apparaissent bien minces, sauf en cas de gros pépin logistique dans la zone de la mer Noire.

La situation du blé est même en train de devenir assez pesante en France : l’office de la statistique du ministère de l’Agriculture (Agreste) a relevé l’estimation de production de blé de 1 Mt, à 37,7 Mt cette semaine. Cela renforce le volume français disponible pour l’exportation. Or, si les blés français sont bien positionnés aujourd’hui pour servir la demande intra-européenne, ils restent trop chers par rapport à la concurrence, russe notamment, pour s’exporter massivement en dehors de l’Union européenne. Ainsi, les 10,2 millions de tonnes attribuées à l’exportation dans le dernier bilan de FranceAgriMer ne pourront être atteints que si l’origine France regagne de la compétitivité.

Hausse des orges fourragères

L’orge fourragère s’est appréciée partout dans le monde cette semaine. Comme en blé, les exportations importantes au départ de la mer Noire soutiennent les prix russes et ukrainiens qui font, à leur tour, monter les prix français. Les orges fourragères gagnent ainsi 4 €/t à Rouen (à 146,75 €/t). Cette hausse des prix fourragers a permis de stabiliser les prix brassicoles (à 155 €/t Fob Creil pour les orges d’hiver et 188 €/t pour les orges de printemps).

Le maïs sous pression

La récolte de maïs démarre dans le Midwest mais les plantes y sont moins avancées que d’habitude. Le risque d’un impact négatif de gelées précoces n’est pas à écarter mais ; pour l’instant, ce risque apparaît faible pour les prochaines semaines.

À cause de ces « petites » inquiétudes et de ventes hebdomadaires élevées aux États-Unis, les prix du maïs se redressent légèrement à Chicago ces jours-ci. Néanmoins, sur la semaine, la plupart des origines mondiales de maïs ont vu leur prix baisser, sous l’influence notamment d’une petite révision en hausse de la récolte américaine par l’USDA (à 360,3 Mt au lieu de 359,5 auparavant).

Dans ce contexte, et étant donné que les maïs français apparaissent trop chers par rapport aux maïs ukrainiens et sud-américains, les prix français se sont orientés à la baisse cette semaine, sur la façade atlantique (–1 €/t) à 152 €/t Fob Bordeaux. Les plantes sont en bonne condition en France dans les principales régions productrices si bien que les perspectives de rendement remontent au fil des semaines (nous attendons maintenant la récolte à 13,8 Mt contre 11,9 Mt l’an passé). Cette situation pèse aussi sur les prix.

Explosion de l’éthanol en Chine ?

Pour le moyen terme, c’est une annonce de la Chine qui vaut le détour cette semaine : ce pays veut accroître ses incorporations de bioéthanol, ce qui pourrait le conduire à utiliser plus de 40 Mt de maïs à cet effet en 2020 par rapport à seulement 6 Mt actuellement. Si cet objectif se concrétise, cela permettra d’écouler les stocks du pays. À moins que la Chine n’importe cet éthanol, ce qui ne semble toutefois pas la voie souhaitée pour l’instant.

La fève de soja tiraillée

Les excellentes perspectives de récoltes aux États-Unis ont continué de peser sur la fève de soja au début de la semaine. Dans son dernier rapport, le département de l’Agriculture américain a revu à la hausse ses prévisions de rendements de soja, propulsant la production attendue à 120,6 Mt.

Ce contexte baissier a néanmoins été gommé par la consolidation des huiles, la vigueur des exportations américaines, supérieures aux attentes, ainsi que les achats techniques à la Bourse. Les cours du soja à Chicago affichent ainsi une petite hausse de 1,5 $/t sur une semaine (à 355 $/t).

Remontée du colza en Europe, baisse de la graine canadienne

Les prix du colza européen sont remontés par rapport à la semaine précédente (+2 €/t rendu Rouen, +5,5 €/t Fob Moselle et +3 €/t sur Euronext), faisant suite notamment à la hausse du prix des huiles et du pétrole, et au raffermissement du dollar par rapport à l’euro. La progression des prix est toutefois restée limitée en raison de la récente publication d’Agreste qui a revu en hausse la récolte française (+0,3 Mt, à 5,5 Mt), cela étant dû aux rendements. L’institut technique Terre Inovia a par ailleurs signalé de bonnes conditions pour le développement des plantules nouvellement semées dans la région Centre-Ouest, une situation plutôt rassurante pour les opérateurs.

En revanche, le canola canadien a poursuivi son déclin à Winnipeg (–3,4 €/t à 400 $/t) sous la pression des récoltes en cours. Cette baisse est restée très modérée en raison des averses dans les plaines qui freinent un peu la progression des moissonneuses. De plus, les bonnes marges de trituration stimulent la demande industrielle localement. Par ailleurs, la récolte de canola australien a été révisée en baisse de 0,55 Mt par le département de l’Agriculture (à 2,75 Mt).

Les prix du tournesol se sont légèrement repliés cette semaine à Saint-Nazaire (–5 €/t à 330 €/t), en raison de la bonne progression de la moisson et du panorama plutôt satisfaisant de la production dans l’Union européenne et dans la région de la Noire en nouvelle campagne.

Nouvelle montée du tourteau de soja

Les prix du tourteau de soja ont poursuivi leur ascension au cours de la semaine en gagnant 7 $/t à Chicago (à 340 $/t), dans le sillage de la fève. En revanche, les tourteaux de soja sont restés stables à Montoir.

Le pois départ Marne cède 2 €/t cette semaine (à 196 €/t), en raison des bons volumes de récolte.

A suivre : logistique russe, récoltes de maïs de l’hémisphère Nord, récolte de blé de l’hémisphère Sud, compétitivité des céréales françaises, conditions climatiques et progression des récoltes au Canada, avancée de la moisson de tournesol.