Sauf pour l’orge de brasserie, les prix plongent cette semaine sous les pressions conjuguées du blocage des négociations entre les USA et la Chine, l’arrivée de la nouvelle récolte d’orge et les conditions climatiques clémentes sur les plaines de maïs et de soja US.

L’USDA entérine la baisse de la récolte russe

Après un soubresaut mardi à la suite du rapport mensuel de l’USDA, les prix sont repartis en nette baisse à la fin de la semaine sur le marché mondial ainsi qu’en Europe.

Le rapport américain sur l’offre et la demande a surpris par la forte baisse appliquée à l’estimation de la récolte de blé russe, à 68,5 millions de tonnes (Mt) contre 72 Mt lors de l’estimation du mois de mai. Il est en effet désormais très probable que la récolte russe chute nettement par rapport à celle de l’an dernier (85,7 Mt) mais la plupart des estimations se situent entre 70 et 74 Mt.

Cette baisse est due au temps sec et chaud du printemps dans le sud de la Russie et, au contraire, aux intempéries qui continuent de retarder les semis à l’est. En passant franchement sous la barre des 70 Mt mardi pour la récolte russe, l’USDA a fait grimper immédiatement les prix à Chicago mardi soir.

Parallèlement, malgré des pluies en Australie ces deux dernières semaines, la situation demeure assez déficitaire en humidité dans ce pays. Cela a conduit Abares, l’organisme statistique australien, à estimer la récolte de 2018-19 à 21,9 Mt seulement, un niveau à peine plus haut que la faible récolte de 2017-18. Nous jugeons toutefois ce niveau trop pessimiste à ce stade du cycle de production (les semis viennent juste de se terminer).

Dans la foulée de ces nouvelles haussières, beaucoup d’opérateurs ont saisi l’opportunité pour vendre. Cela a alors induit une correction baissière sur les prix du marché à terme US dès mercredi. Cette correction a été renforcée par les bonnes conditions climatiques du Midwest qui ont comprimé les prix du maïs et du soja et poussé aussi le blé vers le bas.

Ainsi les blés US ont-ils abandonné 12 $/t cette semaine pour la qualité moyenne (214 $/t pour le SRW). Les blés de la mer Noire, quant à eux, se sont affaissés plus modérément de 3 à 4 $/t à 203 $/t pour les blés meuniers et 192 $/t pour les blés fourragers.

Le blé français s’aligne malgré des inquiétudes

Le blé français n’a pas pu résister à ce mouvement malgré le maintien d’une valeur basse pour l’euro (la Banque centrale poursuivant encore jusqu’à la fin de l’année son programme d’aide à l’économie). Le blé français vient donc de perdre entre 3 et 4 €/t à 176 €/t rendu Rouen ou 179 €/t sur Euronext pour l’échéance septembre. Cette baisse illustre le positionnement médiocre des blés français face aux blés de la mer Noire et leur besoin de ne pas accroître encore ce manque de compétitivité. Cette baisse reflète aussi un niveau de stocks confortable attendu en fin de campagne.

Plusieurs interrogations toutefois pour les blés européens : la récolte de l’UE est en train de descendre à cause du temps sec dans le nord et le centre de l’UE. En France, les rendements s’annoncent bons au contraire, mais les inquiétudes montent quant à l’impact éventuel de l’excès d’humidité sur la qualité des grains et les conséquences des verses locales sur le rendement.

L’orge fourragère poussée par le maïs mais l’orge brassicole s’affole

Avec l’arrivée précoce de la récolte et la chute des prix du blé et du maïs cette semaine, les orges fourragères ont poursuivi leur mouvement de baisse, abandonnant 5 €/t rendu Rouen, à 165 €/t, ou 4 €/t en Fob Moselle, à 158 €/t. Ce mouvement a été amplifié par la chute des prix de la mer Noire, eux-mêmes poussés vers le bas par l’arrivée de la nouvelle récolte.

Sur le marché mondial, l’orge fourragère souffre d’un regain de compétitivité de la part du maïs dont les prix ont nettement chuté au cours du mois écoulé. Malgré l’absence de gros surplus, le prix de l’orge fourragère doit suivre pour que le dégagement puisse s’effectuer.

Situation opposée toutefois sur le créneau brassicole où les orges d’hiver viennent de gagner 5 €/t à 176 €/t Fob Creil et les orges de printemps 13 €/t à 210 €/t. La prime entre brasserie et mouture est en train de s’accroître. Cela est dû aux inquiétudes qualitatives liées aux excès d’humidité en France mais surtout à la dégradation des perspectives de rendement en Scandinavie et dans le centre de l’UE.

La hausse des prix de cette semaine semble toutefois très marquée par rapport à la situation de l’offre et de la demande qui se profile à l’horizon : malgré de moindres rendements en effet en Scandinavie, nous prévoyons que la production de cette région d’Europe pourrait quand même augmenter à cause d’une très forte hausse des surfaces. Il semble ainsi trop tôt pour tabler sur des résultats catastrophiques.

Le maïs poursuit sa baisse

Comme pour le blé, le rapport de l’USDA de cette semaine a tout d’abord été perçu comme haussier pour le maïs avec des révisions en baisse des stocks US pour la fin de la campagne en cours et pour la prochaine récolte. Dans cette publication, l’USDA a aussi revu à la baisse la récolte russe de 2018.

Toutefois, après une hausse du maïs à Chicago mardi dernier, les prix sont repartis à la baisse en fin de semaine sous l’effet de conditions climatiques adéquates pour les maïs dans le Midwest américain et la perspective d’un accroissement de la récolte en Ukraine.

Le sentiment morose a été renforcé par ailleurs par le piétinement des négociations commerciales entre les USA et la Chine. En effet, le risque est imminent de voir la Chine imposer des taxes à plusieurs produits agricoles US en rétorsion aux taxes que les USA menacent d’appliquer dès maintenant à de nombreuses marchandises chinoises. Les prochaines heures, ou prochains jours, devraient venir apporter quelques éclairages sur ce sujet.

Et la Chine n’est pas le seul pays qui envisage une réponse cinglante aux USA : le Mexique, par exemple, est en train d’étudier comment répondre au protectionnisme américain et des taxes sur le maïs US font partie des armes possibles.

En tous cas, l’ensemble de ces facteurs, auxquels s’ajoute la remontée – non surprenante – des stocks de maïs français par FranceAgriMer cette semaine, a encore pesé sur les prix français qui ont abandonné entre 1 et 3 €/t selon les places et échéances, à 164 €/t Fob Rhin (ancienne récolte, base juillet) ou 171 €/t Fob Rhin (nouvelle récolte, base juillet).

Chute marquée du soja

Face à la forte probabilité de taxes imposées par les USA à la Chine dès la mi-juin, le marché semble déjà avoir anticipé une réponse chinoise. Cette réponse comprendrait, entre autres, l’application de taxes à l’importation supplémentaires sur le soja en provenance des USA.

En parallèle, les semis aux USA se déroulent dans de bonnes conditions et laissent pour le moment envisager l’ajout d’une récolte abondante aux surplus importants attendus à la fin de la campagne de 2017-2018. En conséquence, sur l’échéance de juillet, la graine de soja perd 17 $/t à Chicago et entraîne dans sa chute le tourteau de soja (–17 $/t à Chicago et –16 €/t à Montoir). Le pois recule aussi, perdant 3 €/t au départ de l’Eure-et-Loir.

Le colza entraîné par le soja

Le colza souffre aussi du recul marqué du soja, bien qu’il reste soutenu par des inquiétudes persistantes sur les récoltes à venir. Son prix diminue de 6 €/t à Rouen, de 4 €/t sur Euronext et de 4 $/t au Canada. Des pluies bénéfiques pour le canola canadien et une baisse de l’huile de palme viennent aussi participer à son repli sur la semaine.

Il est à noter que cette semaine, un accord a été conclu entre la Commission européenne, le Parlement et le Conseil sur la directive sur sur les énergie renouvelables pour 2020-2030. Un gros volet porte sur les biocarburants : les utilisations de biocarburants de première génération vont être maintenues au niveau de 2020 avec une limite maximale de 7 %. Avec une perspective d’interdiction des utilisations d’huile de palme d’ici à 2030, la consommation d’huile de colza pourrait augmenter sur la période si cet accord est bien validé. Cette nouvelle concernant le moyen terme n’a pas eu d’effet sur les prix cette semaine.

Prix inchangés pour le tournesol mais attention au climat

Le prix du tournesol reste stable en ancienne et nouvelle récoltes. Les conditions climatiques de la semaine passée (temps chaud et humide) ont été favorables au développement de la culture en France. Néanmoins, dans l’ouest du pays, ces conditions ont favorisé l’apparition de pucerons et de limaces dont les dégâts sont plus ou moins significatifs. Dans le Sud-Ouest, les derniers orages ont par endroits provoqué des inondations et des dégâts sur les parcelles. En mer Noire, le temps reste chaud et sec en Russie, Ukraine et Roumanie. Ces conditions risquent de perdurer, ce qui est à surveiller.

À SUIVRE : négociations commerciales avec les États-Unis, climat dans l’hémisphère Nord (blé/colza/tournesol/soja), rendements des céréales à paille, marché du biodiesel européen.

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