Les prix des céréales ont retrouvé une tendance haussière cette semaine et ceux du colza se tiennent bien.

Les prix du blé repartent en hausse

Après une phase de baisse puis de stabilisation depuis le début de novembre, les prix du blé français sont repartis en légère hausse cette semaine (+2 à 3 €/t) pour flirter avec le niveau de 180 €/t – sans le dépasser – sur l’échéance de décembre d’Euronext et retrouver un niveau de 177 €/t rendu Rouen (base : juillet). Avec la remontée de l’euro face au dollar, cela se traduit par une augmentation de 5 $/t des blés français sur le marché mondial à 204 $/t Fob Rouen. Les cotations se sont raffermies aussi au départ de la mer Noire, ce qui vient refléter une situation où l’offre sur le marché intérieur russe se laisse désirer face aux besoins des exportateurs. Néanmoins, sur le segment meunier, la hausse des prix de la mer Noire a été plus modérée que celle des prix français (+1 $/t, à 209 $/t Fob pour le blé russe). Les blés français ne valent plus que 5 $/t de moins que les blés russes riches en protéines et sont très proches des blés ukrainiens à 11,5 % de protéines. Étant donné le léger handicap des blés français en termes de coût de transport par rapport à la mer Noire vers le Proche-Orient et l’Afrique, cela signifie que la compétitivité des blés français s’est plutôt dégradée par rapport à la situation du mois d’octobre.

Les blés français ont été néanmoins soutenus ces derniers jours par l’achat de l’Algérie qui vient de contracter 500 000 tonnes le 21 novembre pour chargement en janvier si la marchandise vient de l’Europe et en décembre si elle vient d’Argentine ; « sur le papier », les prix argentins et français sont très proches à destination de l’Algérie et les deux origines pourraient bien se partager l’affaire. La France va devoir compter maintenant avec les blés argentins qui arrivent doucement sur le marché et cela devrait contribuer à stabiliser les prix français à court terme.

À l’arrière de la hausse de cette semaine, il faut mentionner aussi les grandes interrogations portant sur les surfaces semées en blé tendre dans l’Hexagone : la situation s’est légèrement asséchée par endroits et les températures sont descendues. Néanmoins, les semis restent en retard et l’on peut craindre des pertes de surfaces plus importantes que prévu initialement.

La « bombe » algérienne

La nouvelle la plus marquante cette semaine a été l’annonce du gouvernement algérien de vouloir limiter à 4 millions de tonnes les importations de blé tendre afin de préserver la situation financière du pays. L’Algérie est en effet dans une situation financière délicate, touchée par des prix de pétrole assez bas depuis 2014 ; elle est aussi lancée dans un processus de lutte contre la corruption, processus enclenché après les manifestations massives de cette année qui ont conduit au départ du président Bouteflika. Dans ce cadre, l’ancien président de l’OAIC (agence nationale des grains) a été remercié en raison de corruption et de nombreux moulins ont été fermés (45 et de nombreux autres sont en observation). Pour citer le Premier ministre Nourredine Bedoui, cette mesure a été présentée comme une manière « d’éliminer les pratiques illégales de détournement des produits subventionnés ». Cette annonce fait référence à des quantités de blé importé qui se retrouveraient finalement utilisées par le secteur animal (après avoir profité des subventions accordées au secteur meunier). Cette annonce a semé le trouble : l’Algérie peut-elle réellement réduire ses importations de blé tendre à 4 millions de tonnes sans que la consommation locale, humaine, n’en souffre ? Peut-être si les utilisations animales, illégales, sont plus fortes que nous l’estimions auparavant (ce qui n’est pas exclu).

Néanmoins, le pays a déjà contracté à ce jour 3,7 millions de tonnes pour livraison jusqu’à janvier de blé tendre en provenance du marché mondial sur un total que nous prévoyions jusqu’à maintenant à 6,6 millions de tonnes. Il semble donc impossible que les importations de cette campagne ne dépassent pas le niveau de 4 millions de tonnes mais il est probable qu’elles doivent être revues à la baisse pour la seconde moitié de la campagne. Il n’est pas à exclure non plus que les importations de la prochaine campagne (2019-2020) déclinent nettement. Il est trop tôt pour trancher : il conviendra de voir comment le gouvernement réussit ou non à lutter contre les abus qu’il dénonce dans un contexte de production locale en hausse mais qui demeure très faible (0,5 million de tonnes seulement cette année). Si réduction il y a, les exportations de la France seront forcément touchées et cela constitue évidemment une nouvelle baissière pour les prix du blé français.

Petite hausse pour l’orge fourragère

Cette semaine, les prix de l’orge se sont renchéris de 2 €/t à 161,5 €/t pour le rendu Rouen en base juillet. Les cours de l’orge fourragère ont été soutenus par l’achat saoudien pour 1 million de tonnes et encouragés par la montée du prix du blé (sous l’impulsion de l’achat de blé de l’Algérie). Les origines retenues pour cet achat saoudien ne sont pas connues, mais la présence de l’origine française est tout à fait possible, tout comme la russe et l’allemande. Le royaume saoudien fait toujours appel à des origines variées afin de limiter la dépendance à un pays, même si les origines mer Noire et allemande sont parmi les plus représentées. L’activité dans les ports français est limitée en ce moment avec un seul bateau à destination de l’Arabie Saoudite et pas d’autres destinations pour l’orge hexagonale. La priorité semble être actuellement donnée au blé. Les exportations françaises vers la Chine se sont taries au profit des flux canadiens, dont la récolte est disponible depuis quelques semaines pour l’exportation. Les flux français vers la Chine devraient reprendre sur le premier trimestre de 2020, mais dans une proportion plus faible qu’au cours des trois premiers mois de la campagne.

Les cotations brassicoles de la récolte de 2019 sont reconduites

Pas de changement cette semaine pour les orges de brasserie par rapport à la semaine dernière : l’orge de printemps de la récolte de 2019 reste cotée à 161 €/t et celle d’hiver à 160 €/t (base : juillet). L’écart entre les deux types d’orge de brasserie demeure extrêmement faible, de même que l’écart entre les prix de l’orge de brasserie et de l’orge fourragère. En effet, la prime de printemps (différence entre prix fourragers et prix brassicoles) est de 4,5 €/t et celle d’hiver n’est que de 3,5 €/t. L’offre abondante à l’échelle de l’UE, et particulièrement en France, explique la faiblesse de ces primes sur la campagne de 2019-2020. Pour la récolte de 2020, l’orge brassicole d’hiver est restée stable cette semaine à 171 €/t, tandis que celle de printemps a perdu 3 €/t, à 178 €/t (base : juillet). Cette baisse du prix de l’orge de brasserie de printemps résulte des mauvaises conditions de semis du blé en France et au Royaume-Uni, qui devraient ainsi bénéficier aux semis de culture de printemps, notamment d’orge.

Stabilité à légère hausse en maïs

Comme la semaine dernière, les prix du maïs sur le marché français n’ont varié que modérément : en base juillet, ils se situent à 164 €/t Fob Rhin (pas de changement) et à 164,5 €/t Fob Atlantique (+1,5 €/t). Ils sont soutenus par le retard de la récolte, 12 % des surfaces semées n’étant pas encore récoltées. Les prix français ont été soutenus aussi par un renchérissement des maïs sud-américains, brésiliens notamment : pas d’inquiétude pourtant pour les semis de la récolte à venir dans ce pays mais les prix brésiliens sont poussés vers le haut par une très forte demande animale tirée par les exportations de viande vers la Chine. Les prix du maïs sont restés stables dans la zone de la mer Noire tandis que le marché US demeure dans l’attente de la fin de sa récolte, toujours ralentie par les pluies.

Les cours du soja ont repris le chemin de la baisse

Les négociations entre la Chine et les USA restent toujours au cœur de l’actualité et continuent de tenir le marché du soja américain en haleine. Toutefois, l’optimisme des opérateurs quant à la conclusion d’un premier accord partiel entre les USA et la Chine semble s’essouffler, face à l’absence d’information concrète sur l’avancée dans le dossier. Par ailleurs, l’administration Trump a annoncé qu’elle allait verser une deuxième série de paiements en aide aux farmers, afin de compenser la perte de revenu liée à la baisse des exportations de soja US vers la Chine. Au niveau de l’offre, le maintien des conditions climatiques clémentes aux USA la semaine passée a permis une bonne progression des récoltes de soja (91 % des champs étaient récoltés au 17 novembre, soit le même niveau que l’an dernier à la même date). Cela atténue les craintes concernant des pertes de surface. Du côté du continent sud-américain, les conditions climatiques s’améliorent en Argentine et au Brésil, avec de récentes pluies bénéfiques aux cultures de soja. Cela garantit un bon démarrage des cultures fraîchement semées. Face à ces éléments, les cours de la fève de soja ont poursuivi leur repli cette semaine sur le marché de Chicago (–6 $/t), touchant ainsi un plus bas depuis près de deux mois (331 $/t sur l’échéance de janvier 2020). À 1,5 million de tonnes (dont 569 000 tonnes vers la Chine), les ventes hebdomadaires US à l’exportation de soja sont supérieures aux attentes des opérateurs. Cela n’a pas suffi à apporter du soutien au marché du soja.

De leur côté, les cours du tourteau de soja ont évolué en baisse sur la semaine dans le sillage de la fève (–2 $/t). Le manque de demande à l’exportation et d’information sur les négociations USA/Chine continuent de contenir les cours proches des 330 $/t sur le marché de Chicago. En conséquence, les cours du tourteau de soja à Montoir ont reculé légèrement de 1 €/t sur la semaine, à 332 €/t.

En pois, la cotation départ Marne recule légèrement de 1 €/t, à 195 €/t sur la semaine, là aussi sous l’effet baissier du complexe du soja.

Le tournesol poursuit son rebond en mer Noire

Dans la zone de la mer Noire, les cours ont poursuivi leur rebond cette semaine (+6 $/t), face à une bonne demande à l’exportation de la part de l’UE et de la Turquie. Dans les sillages des prix des tournesols de la mer Noire et des huiles, les cours du tournesol à Saint-Nazaire pour des livraisons en janvier/mars ont évolué en hausse de 10 €/t, à 340 €/t cette semaine.

Bonne tenue du colza européen

Malgré la tendance baissière du complexe soja, le colza a poursuivi sa progression, mais de façon limitée, toujours à l’image de l’huile de palme et du canola canadien. Les prix du colza sur le marché physique ont gagné 1,5 €/t en Fob Moselle (à 397 €/t) et 1,5 €/t en rendu Rouen (à 391 €/t). Sur Euronext, les cours ont légèrement rebondi de 1 €/t, à 390 €/t cette semaine. Le canola à Winnipeg, quant à lui, a progressé légèrement (+1 $/t), face aux conditions climatiques hivernales qui mettent fin aux récoltes des cultures. À ce jour, environ 10 % des surfaces ne sont pas récoltées au Canada, et ne le seront pas avant le printemps. Les pertes de rendement et de qualité qui en résulteront seront probablement importantes. L’incertitude sur le niveau final de la récolte canadienne devrait soutenir les cours durant l’hiver. En parallèle, la grève des salariés de la principale compagnie ferroviaire nationale (Canadian National Railway), inquiète les agriculteurs canadiens. À cause de la paralysie du transport ferroviaire, leur approvisionnement en propane est interrompu, ce qui pose des problèmes pour faire sécher des grains et chauffer les bâtiments où se trouve leur bétail. En outre, cela risque de perturber les livraisons de canola dans les usines de trituration, ainsi qu’à l’exportation.

De leur côté, les cours de l’huile de palme ont évolué une nouvelle fois en hausse. Ils atteignent leur plus haut niveau depuis 3 ans, sous l’effet d’une bonne demande à l’exportation (notamment de l’Inde et de la Chine) et d’une progression annoncée des volumes d’huile de palme utilisés pour la production de biodiesel en Indonésie et en Malaisie à partir de janvier 2020.

Tallage

À suivre : fin des semis d’hiver en Europe et aux USA, récolte de maïs et de soja aux USA, négociations commerciales US-Chine, attitude de l’Algérie à l’importation (de blé tendre)