Lors d’une conférence de presse le 15 mai 2018, Paul François, président de l’association Phyto-Victimes, a dénoncé l’ambivalence du gouvernement. « D’un côté, le gouvernement souhaite sortir des phytos et de l’autre, il refuse de soutenir la création de ce fonds d’indemnisation. Les propos d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, tenus lors de l’adoption de la proposition de loi au Sénat le 1er février 2018, “nos connaissances sont insuffisantes sur les effets de ces produits” sont inacceptables. Ces arguments ne sont que des prétextes pour empêcher la création de ce fonds. Le gouvernement veut continuer à rendre invisible l’impact des phytos sur les agriculteurs, les riverains et l’environnement. Si le fonds voit le jour, ça les rendra visibles. Oui, les pesticides représentent un danger pour la santé publique. »

Négationnisme scientifique

Pour le sénateur Bernard Jomier, rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, cette position du gouvernement est inadmissible. Donner cet argument de « manque de connaissances », c’est du « négationnisme scientifique. »

L’idée de ce fonds d’indemnisation n’est pourtant pas nouvelle et elle est prônée par plusieurs rapports. Nicole Bonnefoy, sénatrice de la Charente, auteur de cette proposition de loi, rappelle qu’elle le préconisait dès son rapport « Pesticides : vers le risque zéro » en 2012. Depuis, le rapport rendu public le 24 avril par les trois inspections (IGAS, IGF et CGAAER) préconise également la mise en place de ce fonds (1).

Parcours du combattant législatif

Pour la sénatrice, si « on peut parler de véritable parcours du combattant pour les malades pour la reconnaissance de leur maladie, on peut également parler de parcours du combattant pour les législateurs qui tentent par différents moyens de donner vie à ce fonds ».

« On ne lâchera rien »

Par ailleurs, « le financement de ce fonds a déjà été voté en décembre 2016 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, par le Sénat et l’Assemblée nationale », précise la sénatrice. Il s’agirait d’augmenter la taxe pour la phytopharmacovigilance déjà prélevée sur le prix de vente des produits phyto. « Il faudrait juste que la proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour faire avancer les choses. »

En tout cas, Bernard Jomier prévient : « On ne lâchera rien jusqu’à la création de ce fonds. »

F.M.

(1) Dans ce rapport, l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux ont estimé à environ 10 000 personnes sur 10 ans le nombre de « victimes potentielles pour lesquelles il existe une présomption forte de causalité entre la maladie de Parkinson et les hémopathies malignes, et l’exposition ». Le coût estimé sur dix ans varierait de 280 à 930 millions d’euros, soit de 28 à 93 millions d’euros par an.