«Le dépérissement des arbres de nos forêts est un fait depuis plusieurs années, déclare Bruno Jacquet, technicien au CRPF (1) pour l’Indre et une partie du Cher. Ce phénomène résulte de différents facteurs combinés, parmi lesquels se trouvent le changement climatique, mais également le stress dû à certains insectes – bombyx, processionnaire du chêne –, aux maladies et, parfois, une mauvaise gestion. »

Notations des arbres

Face à un défi qui met en péril de nombreuses plantations, les propriétaires forestiers ont la possibilité de faire appel à des techniciens spécialisés. Présents sur l’ensemble du territoire, ceux-ci disposent des outils nécessaires pour établir un premier diagnostic de l’état du boisement. Des branches mortes sur la partie supérieure du houppier ou une perte de feuilles prématurée sont des signes avant-coureurs qui doivent inciter à la vigilance.

« Au niveau national, le Département de la santé des forêts a mis en place un réseau de placettes d’observation, explique Bruno Jacquet. À titre d’exemple, pour les quatre présentes dans l’Indre, nous suivons, sur chacune, une vingtaine d’arbres dominants à l’aide d’un outil de notation appelé Deperis. » Cet outil permet au technicien, dans un premier temps, d’attribuer une note allant de 0 à 5 au feuillu ou au résineux. Il prend en compte à la fois la mortalité des branches et le manque de ramifications dans la partie vivante du houppier. Un 0 est attribué aux arbres avec une absence de problèmes, les notes supérieures révélant l’intensité croissante des dégradations. Une note synthétique croisant manque de ramifications et mortalité des branches classe l’arbre de A (très bon état) à F (mortalité). Ainsi, un chêne sessile dont le houppier forme un dôme au contour régulier avec des ramifications fines et abondantes (note 0) et une absence de branches mortes (note 0) sur le tiers supérieur se voit attribuer le classement A. Inversement, un houppier irrégulier avec mortalité de branches et un manque important de ramifications est classé D ou E, selon l’intensité.

« Avec ce travail, nous sommes en mesure de qualifier le peuplement de “dépérissant” si plus de 20 % des arbres sont classés D, E ou F, poursuit le technicien. Parmi ceux notés D, tous ne meurent pas. Aussi, nous disposons d’un second outil prédictif pour chênes et douglas – clé ARCHI –, destiné à juger si l’arbre est en phase d’amélioration ou non. »

Coupes d’urgence en progression

Les observations ont lieu en dehors des interventions sylvicoles, en absence de feuilles, à l’aide de jumelles, en faisant le tour de l’arbre et en se plaçant à une distance équivalente à sa hauteur. Si la partie sommitale du houppier est normale, l’arbre est classé sain. Si dans cette même partie plus de la moitié du volume d’origine est en ramification appauvrie, l’arbre est considéré comme stressé. Au total, la classification contient six catégories : sain, résilient, stressé, dé­périssement irréversible, descente­ de cime, et mort.

« Depuis deux ans, nous enregistrons beaucoup plus de fiches de dépérissement qu’il y a quelques années, note Bruno Jacquet. Cela conduit à un accroissement des coupes d’urgence non prévues initialement au plan simple de gestion. Quand l’état des lieux révèle une faible intensité de dommages, le forestier recourt à une éclaircie et enlève les mourants. Lorsque l’intensité est sévère, la coupe rase est indispensable. J’en profite pour alerter sur la nécessité de respecter les sols lors des travaux de débardage. Le tassement écrase les racines et affecte l’état sanitaire des peuplements en place ou à venir. »

Replanter, le casse-tête

Après la coupe rase se pose la question du choix des essences pour la nouvelle plantation. Au préalable, il importe d’apprécier les potentialités du milieu par un forage sur 70 à 80 cm de profondeur. Il convient d’observer les différents types d’humus, la profondeur de sol prospectable par les racines, la texture, la charge en cailloux, la qualité de la réserve en eau, le pH, etc. Certaines espèces végétales sont indicatrices du milieu où elles vivent. Enfin, il existe un outil informatique, Bio Clim Sol, qui renseigne à la fois sur les données météo et physico-chimiques des stations. Cette base de données est capable de prédire, espèce par espèce, les probabilités de dépérissement en cas de hausse moyenne des températures de 1 à 2 °C.

Un réseau expérimental national existe. Il vise à comparer des essences encore peu communes, comme le cèdre de l’Atlas, les sapins de Nordmann et de Bornmuller, mais cela demande du temps. Dans le Centre, quelques pistes sont déjà testées, comme le chêne pubescent, plus connu dans le sud de la France, mais peu compétitif, ou le cèdre de l’Atlas pour les résineux. Se pose alors la question de la disponibilité des plants. En 2021, des rameaux de pubescents ont été ramassés pour analyse génétique et bouturage afin de créer de nouveaux vergers à graines, opérationnels… dans trente ans. Vincent Thècle

(1) Centre régional de la propriété forestière.