Contrairement à la semaine dernière, les marchés mondiaux sont repartis à la hausse sur presque tous les créneaux, sur fond de dispute entre les USA et la Chine et de difficultés logistiques sur le Mississippi. Phénomène renforcé en France par la petite baisse de l’euro et les ventes et chargements de blé et d’orge.
Blé : soutenu par l’euro, les US et l’Algérie
Les blés français ont été soutenus à la fois par la petite baisse de l’euro cette semaine et par un accroissement des prix américains. Aux USA, les premières notations concernant l’état des cultures à l’échelle nationale ont été publiées cette semaine (celles qui précédaient ne portaient que sur quelques États). Ces notations donnaient seulement 32 % des blés d’hiver en bonnes ou excellentes conditions, un niveau bien plus bas que les 51 % de l’an dernier à la même date.
Cette mauvaise situation, alors que l’arrivée de pluies auparavant avait plutôt calmé les esprits, a entretenu un mouvement haussier toute la semaine. Cela a permis au blé de résister à la dépression qui a touché, dans un premier temps mercredi, le soja et le maïs faisant suite à la volonté annoncée de la Chine de taxer le soja et le maïs US.
Malgré le maintien de très faibles performances à l’exportation au départ de l’UE – moins de 200 000 tonnes à l’exportation cette semaine – cet impact US sur les blés européens a été renforcé en France par l’achat algérien. Ce pays vient de boucler un contrat de 390 000 tonnes de blé pour livraison en juin. La France figure parmi les origines très probables étant donné l’épuisement des offres argentines. Dans ce contexte, le prix rendu Rouen gagne 4 €/t cette semaine à 160 €/t (base juillet), comme la plupart des places françaises ainsi que la cotation la plus proche d’Euronext qui s’apprécie de 3 €/t, à 166,75 €/t, le 5 avril.
Maigre consolation… Malgré cet achat récent de l’Algérie, les perspectives d’exportation vers pays tiers de la France ne sont pas très brillantes et cela semble conduire vers un stock de report non négligeable.
La Chine, l’Arabie et le maïs tirent l’orge
Revirement sur le marché de l’orge également : les valeurs françaises s’apprécient de 3 à 4 €/t en ancienne récolte, aussi bien pour les orges de mouture que pour les orges de brasserie d’hiver, à 166 €/t rendu Rouen et 164 €/t Fob Creil (base : juillet).
De gros chargements français ont lieu actuellement à destination de la Chine (120 000 tonnes) et l’Arabie Saoudite n’est pas en reste avec un chargement de 35 000 tonnes actuellement en cours au départ de Rouen et un autre de 30 000 tonnes au départ de La Pallice.
Cela vient s’ajouter à la baisse de l’euro pour soutenir les prix. Avec la forte tension qui caractérise le marché mondial de l’orge cette année (les stocks mondiaux seront très bas en fin de campagne), l’orge en mer Noire n’a pas pu échapper au mouvement haussier du maïs (+5 $/t pour les orges ukrainiennes à 218 $/t, +2,5 $/t pour les orges russes à 220 $/t). Un facteur de plus qui est venu soutenir les orges européennes.
Problèmes logistiques aux USA et accroissement potentiel des exports de la mer Noire
La hausse de la semaine dernière, qui avait suivi la publication de premières intentions de semis plus basses que prévu aux USA, est restée de mise cette semaine. Les maïs US ont gagné presque 10 $/t, à 191 $/t Fob Gulf, entraînant tous les autres à leur suite (+3 $/t pour les maïs ukrainiens, à 204 €/t ; +4 $/t pour les maïs argentins, à 189 $/t).
Aux USA, ce sont surtout les graves entraves à la circulation sur le Mississippi (inondations, niveau d’eaux trop élevé) qui ont fait grimper les prix. La hausse US s’est alors reportée sur les maïs ukrainiens, encouragés de leur côté par l’escalade de la dispute commerciale entre les USA et la Chine. En effet, la Chine a annoncé mercredi qu’elle pourrait imposer une taxe de 25 points sur les imports de maïs US en réponse aux taxes proposées par les USA sur plusieurs produits chinois. Cette mesure est venue temporiser la hausse des maïs US, mais elle a dopé les maïs ukrainiens qui pourraient bénéficier de la situation pour les ventes à destination de la Chine.
Dans ce contexte, avec en toile de fond une situation plutôt sèche au Brésil, les prix européens ont donc suivi à la hausse, gagnant entre 2 et 3 €/t sur la façade atlantique.
La tension dans la guerre commerciale Chine-Etats-Unis affecte les prix des oléagineux
Cette semaine a été le théâtre de nombreux rebondissements en termes de politique commerciale extérieure chez ces deux géants du marché mondial. Les prix du soja évoluaient dans un contexte de tension au début de la semaine, conséquence de la récente révision en baisse des intentions de semis de soja des agriculteurs US sur 2018. Mais l’annonce par l’administration Trump mardi de la hausse des taxes d’importation sur une liste de produits chinois a complètement rebattu les cartes.
En effet, dès mercredi matin, Pékin ripostait par la publication d’une liste de produits US dont les droits d’importation seraient revus en hausse de 25 points. Le soja en fait partie et les importations chinoises de soja US pourraient donc être prochainement taxées à 28 % (3 % auparavant).
Aucune date de mise en œuvre n’a cependant été communiquée. Les prix du soja se sont alors effondrés sur la journée de mercredi, avant de se redresser : à la clôture de Chicago jeudi soir, le soja US était finalement en recul de seulement 5 $/t sur la semaine, à 379 $/t (échéance de mai 2018).
En effet, le marché semble aujourd’hui relativement confiant sur le fait que le différend commercial opposant Chine et USA pourrait se résoudre par la négociation. Dans ces deux pays, ces nouvelles taxes pénalisent des secteurs entiers : aux États-Unis, la perte d’un marché tel que la Chine est un grave coup porté à la rentabilité des exploitations productrices de soja, ainsi qu’aux entreprises exportatrices. Même si d’autres marchés peuvent être trouvés, cela passerait forcément par de lourdes concessions sur les prix.
En Chine, les acheteurs de soja, forcés de se tourner vers d’autres fournisseurs (Argentine, Brésil, Canada) verraient les prix grimper, ce qui renchérirait in fine le prix des tourteaux de soja sur le marché chinois. Cela serait lourd de conséquence pour les éleveurs de porc, dont l’inflation des coûts de production, couplée à la récente chute des cours de la viande porcine rendrait leur activité – déjà mise à mal – fortement déficitaire.
Les prix du colza remontent par ricochet
Dans ce contexte de possible raréfaction de l’offre en soja sur le marché chinois, la demande en sources de protéines alternatives augmenterait : celle en tourteau de colza pourrait notamment en profiter, ce qui soutiendrait la trituration de colza en Chine.
Ainsi, la cotation du canola au Canada remonte de 9 $/t cette semaine, à 414 $/t. Le climat est également responsable en partie de ce rebond des cours : le temps reste très froid et sec dans les prairies canadiennes, ce qui pose le risque de démarrage tardif des semis cette année.
Les cours du colza français réagissent à la hausse, avec une remontée de 4 €/t en rendu Rouen, de 3,50 €/t en Fob Moselle et de 4,25 €/t sur Euronext cette semaine. La graine oléagineuse a vu aussi son prix soutenu par une fermeté du prix des huiles et notamment de l’huile de palme, dont la forte demande à l’exportation en mars, et la récente prolongation de la taxe à l’exportation malaisienne à zéro, a fait remonter les prix.
Le prix du tournesol est lui en recul de 2,5 €/t à Saint-Nazaire à 315 €/t. Les achats d’approvisionnement sur le rapproché et la fin de la campagne sont pratiquement tous faits, ce qui porte l’attention des acheteurs sur des échéances plus éloignées. Les stocks de graines de l’ancienne campagne restant pèsent ainsi sur les prix.
Nouvelle hausse du prix du tourteau de soja en France
L’impact d’une hausse potentielle du droit d’importation pour le soja US en Chine rejaillit sur les prix des sojas concurrents sud-américains, et par ricochet sur le prix des tourteaux de soja. La nouvelle révision à la baisse de la récolte de soja en Argentine à seulement 38 Mt par la Bourse de Buenos Aires rajoute un élément haussier au panorama. Le tourteau de soja à Montoir grimpe ainsi de 23 €/t sur la semaine, à 392 €/t.
Sur le marché US, l’évolution est toute autre. Le tourteau de soja stagne à 423 $/t, ce qui, avec la baisse du prix du soja, entraîne une nouvelle hausse de la marge de trituration, industrie qui serait ainsi favorisée par l’abondance de disponibilités locales en cas de fermeture du marché chinois pour les exportateurs US.
Le prix du pois départ Marne baisse cette semaine de 5 €/t à 175 €/t, après une remontée à 180 €/t la semaine passée. L’intérêt des fabricants d’aliments ne passe en effet que par un décompte marqué avec ses concurrents (blé et tourteau).
À SUIVRE : développement des cultures d’hiver et semis de printemps dans l’hémisphère Nord, pluviométrie sur les plaines du Sud aux USA, logistique sur le Mississippi, développement de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, avancée de la récolte de soja en Argentine.