Malgré l’affaissement des prix du blé et du maïs aux États-Unis cette semaine, les exportations (maïs et orge) et la rétention à la ferme (blé) ont soutenu les prix français des céréales. À la suite du mouvement enclenché la semaine dernière, les prix américains ont de nouveau chuté, poussés vers le bas par des prévisions de pluies sur le nord des plaines de blé d’hiver (HRW). Après la forte envolée de leur prix à la fin de février et au début de mars, les blés américains avaient perdu tout intérêt sur le marché mondial et cela les force aujourd’hui à redescendre s’ils veulent gagner un peu de demande.

Un rythme de chargement très élevé en Russie

À l’inverse, les prix de la mer Noire restent soutenus : les blés russes ont gagné 2 $/t cette semaine. Cela s’explique encore et encore par un rythme de chargement qui demeure extraordinairement élevé, si fort que les prévisions d’exportation des analystes russes se rapprochent maintenant très nettement du niveau de 40 millions de tonnes pour le seul blé tendre !

Sans surprise, cela empêche tout optimisme pour les perspectives d’exportation au départ de l’Union européenne. Cela a conduit FranceAgriMer à aligner sa prévision des exportations de blé français vers les pays tiers à la baisse, aux alentours de 8,5 millions de tonnes. L’Algérie, notamment, a déçu cette semaine en n’achetant que 150 000 tonnes pour le mois de juin par rapport aux 450 000 à 500 000 tonnes dont elle a besoin mensuellement.

Attention toutefois : faute d’annonce officielle, les chargements réellement effectués sont parfois bien différents des volumes d’achats relayés sur le marché. Par ailleurs, les achats effectués par ce pays pour la période mai juin sont faibles actuellement par rapport à ce que le pays achète habituellement, si bien que l’on ne peut exclure qu’il revienne aux achats avant la fin de la campagne.

Une collecte française très basse

Sur le plan intérieur, il est important d’observer que la collecte de blé effectuée à ce jour en France reste très basse (comme en attestent les chiffres de ventes des agriculteurs aux organismes stockeurs pour la période juillet janvier). Cela signifie que la consommation directe à la ferme est forte mais cela illustre aussi le fait que beaucoup de marchandise reste encore stockée à la ferme.

Parallèlement à l’appréciation des blés russes, cette rétention a probablement contribué à la petite hausse des prix français observée cette semaine (+2 €/t environ, à 156,75 €/t rendu Rouen). Il reste à savoir ce qu’il adviendra de cette marchandise non encore collectée qui pourrait exercer un impact baissier sur les prix… À moins que, malgré la révision en baisse du mois dernier, la récolte française ne soit encore surestimée…

L’orge poursuit son ascension

Avec un chargement en cours de 130 000 tonnes d’orge fourragère dans les ports français à destination de l’Arabie Saoudite, l’orge Fob Rouen gagne cette semaine 4 €/t, à 163,75 €/t, soit 215,5 $/t (+5,5 $/t au cours de la semaine). L’origine française se place maintenant entre l’Ukrainienne, qui conserve la meilleure compétitivité, et la Russe (respectivement 212,25 €/t et 217,5 €/t).

Le prix de l’orge fourragère est maintenant supérieur de 7 €/t à celui du blé meunier. Malgré les chargements en cours, les achats se sont faits plus rares sur le marché mondial ces quinze derniers jours et cela pourrait venir faire baisser cette forte prime de l’orge par rapport au blé.

Sur le créneau brassicole, l’orge d’hiver s’est maintenue à 162 €/t Fob Creil, tandis que celle de printemps a dévissé, perdant 5 €/t, à 180 €/t. Les acheteurs se désintéressent maintenant complètement des orges brassicoles de l’ancienne campagne d’où la baisse des prix, alors que les valeurs des orges de la récolte de 2018 sont, elles, restées stables (168 et 192 €/t).

Ainsi, malgré une remontée des perspectives de production, les orges de printemps de la prochaine récolte sont à quasi-parité avec celles de l’ancienne campagne une fois les frais de stockage inclus. Cela reflète les inquiétudes qui subsistent concernant les semis des orges de printemps, en retard à cause de pluies (35 % des surfaces semées au 12 mars contre presque 40 % l’an dernier à la même date).

Le maïs français a saisi sa chance

La hausse des prix observée la semaine dernière sur la façade atlantique s’est propagée aux autres régions ces derniers jours, les maïs ayant gagné presque 5 €/t en position Fob Rhin (à 168 €/t), 3 €/t rendu La Pallice (155 €/t) et 1 €/t Fob Bordeaux (à 159 €/t). Ce mouvement reflète l’accélération de la demande de maïs français de la part des autres pays de l’Union européenne face à des maïs importés des pays tiers qui ont perdu en compétitivité après l’envolée de la marchandise sud-américaine, américaine et ukrainienne au cours du mois de février.

Néanmoins, sur la base des prix déjà cotés pour la période estivale, la fenêtre de compétitivité des maïs français ne devrait pas durer très longtemps : dès l’arrivée de la récolte brésilienne en juillet, l’intérêt des maïs sud-américains devrait remonter nettement. Par ailleurs, malgré des ventes à l’exportation records ces dernières semaines au départ des États-Unis (en raison de la faiblesse des ventes argentines où la récolte ne cesse d’être révisée en baisse à cause de la sécheresse), les maïs américains ont vu leur prix s’affaisser de 15 $/t cette semaine.

Pourquoi cette chute ? À cause de l’ampleur des quantités restant encore à vendre dans ce pays. Autant dire que cela devrait limiter tout nouveau potentiel de hausse des prix dans l’Union européenne et en France à moins de nouvelles dégradations en Argentine ou d’une sécheresse estivale aux États-Unis ou dans l’Union européenne.

Léger retrait du soja

À la fin de la semaine dernière et au début de cette semaine, les cours du soja à Chicago étaient plutôt orientés à la baisse, dans l’attente de pluies en Amérique du Sud. Les prix ont toutefois rebondi ces derniers jours sous l’influence de plusieurs facteurs. Tout d’abord des prévisions de récolte de soja de nouveau revues à la baisse en Argentine à 40 millions de tonnes selon plusieurs analystes, contre environ 55 millions de tonnes il y a quelques mois, avant l’arrivée de la sécheresse.

Par ailleurs, en parallèle, il y a eu une accélération des ventes de soja au départ des États-Unis, avec 1,2 million de tonnes vendues dans la semaine du 8 mars, portant le total à 49,2 millions de tonnes, contre 53,4 millions de tonnes l’an dernier à la même date. Enfin, de nouveau aux États-Unis, la trituration a été record pour le mois de février, du fait de très bonnes marges pour les triturateurs.

Dans les prochaines semaines, les rythmes de vente et de consommation intérieure seront les clés de l’évolution des prix à Chicago : une accélération supplémentaire est nécessaire pour réduire les prévisions de stocks de fin de campagne dans les silos nord-américains. Les prévisions de semis du printemps prochain, avec des surfaces records envisagées par le département américain de l’agriculture, risquent de peser sur les prix, que ce soit en nouvelle ou en ancienne campagne.

Les prix du colza s’effritent de nouveau

Cette semaine, les prix du colza sont de nouveau en léger retrait. Ils perdent ainsi 1,5 €/t rendu Rouen et 3,5 €/t Fob Moselle. Sur Euronext, la baisse est modérée, avec un recul de 1,25 €/t (contrat de mai 2018). L’euro poursuit sa remontée face au dollar, pénalisant ainsi les prix exprimés dans la monnaie de l’Hexagone.

Les bonnes marges de trituration actuelles soutiennent néanmoins la demande intérieure, tandis que le rythme d’importation en provenance de l’Australie reste très en deçà de l’an dernier. Au Canada, le canola voit son prix reculer d’environ 2 $/t, dans le sillage du soja voisin.

Le cours du tournesol à Saint-Nazaire est inchangé cette semaine à 317 €/t.

Recul du tourteau de soja

Comme la semaine dernière, les cours du tourteau de soja corrigent à la baisse après la forte hausse de février. À Chicago, le prix sur le rapproché perd ainsi plus de 10 $/t. De nouveau, le prix recule plus modérément en France, avec une perte de 7 €/t à Montoir par rapport à la semaine dernière. Comme pour la graine, les prix ont d’abord reculé au début de la semaine, avant de remonter légèrement après les annonces de nouvelles pertes de récolte en Argentine.

Le pois départ Marne voit son prix se stabiliser cette semaine à 170 €/t.

Tallage

À suivre : exportations russes, conditions d’implantation des cultures de printemps, rythme de la collecte en France, rythme de vente et de trituration aux États-Unis, perspectives de semis de printemps (États-Unis et Canada), flux d’exportation des colzas australiens.