Les prix de l’ensemble des céréales ont chuté cette semaine sous la pression de plusieurs éléments baissiers, ne reflétant pas pour l’instant les inquiétudes liées au manque de précipitations. Le colza échappe à la baisse à cause du temps sec.
La nouvelle campagne fait chuter l’ancienne
Décrochage de nouveau cette semaine : malgré le maintien d’une bonne activité à l’export, les prix de l’ancienne campagne n’arrivent pas à maintenir leur prime par rapport aux blés de la nouvelle récolte. L’ensemble du complexe chute cette semaine, la baisse étant plus marquée pour les blés de l’ancienne que pour ceux de la nouvelle récolte (–7 et –3 €/t rendu à 178 €/t sur avril et 169 €/t sur juillet-août).
La chute a été généralisée sur le marché mondial : entre –3 et –7 $/t pour les prix des différentes origines, les blés français se retrouvant à 213 $/t Fob Rouen sur les échéances rapprochées (contre 222 $/t pour les blés russes) mais à 198 $/t Fob sur juillet-août, plus chers alors que les blés russes (192 €/t).
Comme en orge, ce sont les perspectives de forte remontée de la récolte qui pèsent sur les prix, en provenance notamment de la Russie où il vient de pleuvoir sur le district du sud qui est une grande région de production. Nous prévoyons la récolte russe à 79 millions de tonnes (72 en 2018) et si les conditions restent favorables, le niveau de 80 millions de tonnes pourra être allègrement dépassé.
Sur un autre front, les USA ont vendu deux bateaux de 60 000 tonnes de blé tendre à l’Algérie (dans le cadre de l’achat de 540 000 tonnes mentionné la semaine dernière par ce pays) et cela est venu peser sur les prix français.
Le Maroc, de son côté, a lancé un appel d’offres pour 363 000 tonnes de blé européen dans le cadre du quota spécifique (droit réduit) avec arrivée des bateaux (à destination) le 31 mai au plus tard (les arrivages après cette date sont habituellement interdits afin de ne pas perturber le marché local). Importer dans le cadre du quota ne présente guère d’intérêt particulier puisque les achats actuels en dehors du quota sont faits à droit zéro. Cet appel d’offres ne devrait donc pas venir changer les prévisions d’importations du Maroc. Il fait très sec dans ce pays et la récolte y est très mal en point. Le Maroc devra fortement accroître ses importations en nouvelle campagne.
L’orge délaissée en ancienne récolte
L’orge ancienne campagne n’est quasi plus cotée à Rouen et cela reflète le basculement du marché vers la nouvelle campagne. En Moselle toutefois, des cotations sont encore disponibles. Elles affichent un retrait de 3 €/t (à 158 €/t) pour les orges fourragères par rapport au niveau de la semaine dernière. Un chargement est en cours à Rouen (avec complément à La Pallice) à destination du Quatar (53 000 tonnes au total).
Les prix sur juillet-août se sont affaissés aussi (de 3 €/t en Moselle et de presque 7 €/t rendu Rouen à 148 et 158 €/t respectivement) et ce mouvement a été accompagné d’un affaissement également (bien que d’une moindre ampleur) des prix argentins, australiens et de la mer Noire.
La forte remontée en vue de la récolte mondiale constitue un facteur de pression important, la situation s’annonçant favorable en Russie et les rendements demeurant prévus en hausse dans l’UE. Les inquiétudes liées au manque de précipitations en France et dans le Centre n’ont pas encore affecté les prix mais les conditions climatiques des prochaines semaines restent à suivre de près dans l’UE.
Un autre facteur de pression est à chercher du côté de maïs dont les stocks seront très amples en fin de campagne à l’échelle mondiale et pour lequel les perspectives de production sont en hausse pour la récolte de 2019-2020. Enfin, le flou reste de mise en Chine en ce qui concerne l’application, par ce pays, de taxe sur les orges australiennes. En conséquence, les utilisations d’orge en Chine restent basses, leur chute renforcée encore par la peste porcine qui n’en finit pas de s’étendre.
Les orges brassicoles reflètent le manque de pluies
Sur le segment brassicole, un chargement français est en cours vers la Chine mais, comme pour l’orge fourragère, les cotations de l’ancienne campagne ne sont plus disponibles. Celles portant sur la récolte de 2019 se situent à 179 et 193 €/t Fob Creil pour les orges d’hiver et de printemps respectivement. Contrairement au créneau fourrager, les orges brassicoles se sont appréciées, quant à elles, cette semaine de 3 €/t en hiver et de presque 8 €/t en printemps. Les craintes d’une influence négative du manque de précipitations actuel en France et centre Europe sont probablement le principal moteur de cette hausse, dans un contexte où les orges anglaises sont plutôt « boudées » à cause des incertitudes liées au Brexit. La situation brassicole des orges de printemps s’annonce pour l’instant plus équilibrée que l’an dernier (où il a été nécessaire d’utiliser des orges à très fort taux de protéines dans certains pays). Néanmoins, la situation pourrait se renverser rapidement en cas de sécheresse prolongée.
L’Amérique du Sud pèse sur les prix du maïs
Le maïs a encore perdu du terrain cette semaine, abandonnant 3 €/t Fob Rhin (à 150 €/t en base juillet) et 4 à 5 €/t sur la façade atlantique à 154 €/t rendu la Pallice et 160 €/t fob Bordeaux. Cet affaissement a touché aussi bien les prix de l’ancienne que ceux de la nouvelle récolte.
Cette baisse reflète l’évolution du prix des maïs importés des pays tiers (argentins et ukrainiens surtout). L’Ukraine dispose encore d’une offre importante à écouler et l’Argentine est en train d’engranger une récolte en hausse de près de 50 % après le résultat désastreux de 2018. Les semis US pour la prochaine campagne ont beau être légèrement perturbés par des excès de précipitations, ils s’annoncent toujours en progression par rapport à ceux de l’an dernier. Enfin, la propagation de la fièvre porcine en Chine et dans plusieurs pays d’Asie reste un facteur baissier à court terme, qui réduit la demande mondiale en maïs.
Les incertitudes sur la récolte à venir soutiennent le colza
Les prix des colzas français bénéficient d’un petit soutien cette semaine, avec une progression de 2 €/t en rendu Rouen et 2,5 €/t en Fob Moselle. Les prix sur Euronext augmentent également, de 4 €/t pour le contrat de mai 2019 et de 1,5 €/t pour celui d’août 2019. Les incertitudes sur les volumes de colza récoltés dans l’UE cet été restent le principal facteur de soutien des prix, avec le rebond du prix des huiles à la suite de l’huile de palme (la production d’avril en Malaisie s’annonçant a priori inférieure aux attentes).
Dans l’UE, les conditions ont été sèches dans une grande zone allant du centre à l’est de l’Europe en février et mars. Le retour des pluies au début d’avril a empêché davantage de dégâts, mais des pertes de potentiel sont déjà à déplorer, particulièrement dans les régions déjà touchées par une sécheresse au moment des semis ou à l’automne (Roumanie, Bulgarie, Hongrie). Les cultures sont toutefois en bon état là où l’hiver a été clément (pluvieux et froid sans excès) notamment autour de la Baltique, en Scandinavie, et dans quelques gros pays producteurs (France, Allemagne, Pologne, République tchèque). L’impact des gels tardifs en France, survenus à la mi-avril, est encore difficile à évaluer. Les prochaines semaines seront clefs pour les moissons européennes de cette année, notamment en termes de précipitations.
Au Canada également, la situation météorologique est à suivre de près. Les semis sont prévus en petite baisse, vu la chute des prix enregistrée depuis trois mois faisant suite au conflit diplomatique qui oppose la Chine et le Canada, et qui affecte durement les exportations canadiennes de canola (jusqu’ici aucun autre produit canadien ne semble touché par des mesures de rétorsions du gouvernement chinois). Un temps sec pourrait encore plus durement affecter les surfaces ensemencées d’ici au début de juin. La très faible demande à l’exportation pèse encore sur les prix canadiens cette semaine, qui perdent 5 $/t et tombent au niveau historiquement bas de 335 $/t sur l’échéance de mai 2019 sur le marché à terme de Vancouver.
Le prix du tournesol rebondit, faute de stocks disponibles
On observe un rebond des cours du tournesol sur la semaine, que ce soit à Saint-Nazaire (+10 €/t) ou pour les prix Fob mer Noire (+5 $/t). Les semis de 2019 ont démarré dans l’UE et en mer Noire, mais ont été ralentis par les pluies survenues ces deux dernières semaines. Ces dernières sont toutefois bienvenues et devraient favoriser l’émergence des jeunes plants. En ancienne récolte, peu de volumes sont actuellement disponibles, que ce soit en Ukraine ou dans l’est de l’UE. La consommation dynamique sur les derniers mois et une certaine rétention des agriculteurs, maintenant occupés par les travaux de printemps, soutiennent ainsi les prix.
Le soja reste plombé par un environnement mondial lourd
À l’inverse du tournesol et du colza, les cours mondiaux du soja affichent une perte de 5 à 6 $/t selon les échéances sur le marché à terme de Chicago. En effet, les récoltes de soja en Amérique latine s’avèrent encore meilleures que prévu, en raison de précipitations bénéfiques en fin de cycle au Brésil, et avec de bonnes conditions sur le cycle entier en Argentine (une fois passées les fortes précipitations avant et au début des semis). Du côté des USA, les surfaces semées en soja cette année devraient chuter moins que prévu, les tempêtes successives ayant touché le Midwest empêchant les semis de blé de printemps et de maïs de démarrer à la date habituelle. Les semis de blé de printemps sont particulièrement en retard à la mi-avril. Cela a aussi pesé sur les prix du soja US.
Du côté de la demande, la situation n’est guère meilleure, avec une consommation de tourteau de soja et de soja en berne en Chine, en conséquence de la chute du cheptel porcin de l’ordre de 20 % sur une année, faisant suite à l’expansion incontrôlable de la fièvre porcine africaine sur le territoire chinois.
Le prix du tourteau de soja perd encore 4 $/t à Chicago. En France il rebondit légèrement cependant, en raison d’achats de couverture récents, les fabricants d’aliments européens profitant des prix bas (+4 €/t à 328 €/t cette semaine à Montoir).
Le prix du pois fourrager est lui plutôt déprimé par la concurrence du tourteau de soja, et par des larges stocks de pois encore disponibles : il perd 5 €/t sur la semaine à 180 €/t départ Eure-et-Loir. En nouvelle récolte, le prix du pois fourrager est stable à 190 €/t.
À SUIVRE : conditions climatiques en Europe, au Canada, en Australie et dans la zone de la mer Noire, avancement des récoltes sud-américaines, météo aux USA, impact de la fièvre porcine en Asie, négociations US-Chine.