Terres Inovia a coordonné, de 2015 à 2018, une enquête en Normandie et en Ile-de-France pour connaître les liens entre les pratiques culturales et les dégâts de larves de grosse altise, souvent importants dans ces régions.
Les données collectées sur 350 parcelles par l’institut technique ont permis de « préciser l’intensité des dégâts d’altises et de décrire conjointement l’état de la culture au moment de l’observation ». La surveillance a été réalisée durant trois périodes : en octobre (pour évaluer les dégâts causés par les morsures d’adultes), en sortie d’hiver, et au printemps. Le plus souvent, les altises colonisent les parcelles en septembre et poursuivent leur cycle jusqu’au printemps.
« Selon les années, 40 à 50 % des parcelles observées ont été fortement attaquées par les adultes », rapporte Terres Inovia. C’est l’automne 2015 qui fut le plus favorable aux attaques. L’hiver 2017 ne fut pas propice aux attaques larvaires, bien que la pression adulte constatée à l’automne 2016 fût du même niveau que 2015 et 2017. « 2018 est dans la même situation d’alerte que les dernières années », précise Jean Lieven, ingénieur Terres Inovia en Normandie.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette enquête. En premier lieu, en ce qui concerne la date de semis. Des semis précoces sont ainsi un levier efficace pour prévenir des dégâts de morsures. Encore faut-il que la levée se déroule sans encombre. En revanche, la date de semis et la gravité des dégâts larvaires observés à la montaison ne sont pas corrélées.
Les colzas présentant une faible biomasse en sortie d’hiver (< 0,8 kg/m² estimés visuellement) sont les plus touchés par les larves. L’avantage est donc aux gros colzas (> 1,5 kg/m² en entrée d’hiver), qui ne connaissent pas ou peu de faim d’azote jusqu’à la sortie de l’hiver. Toutefois, « un gros colza ne doit pas inciter à moins de vigilance en entrée d’hiver », alerte l’institut.
Les essais montrent, par ailleurs, que les observations faites en février prédisent plutôt de manière juste les dégâts ultérieurs présents avant la floraison.
Limiter le recours aux insecticides
Autre élément mis en avant par l’étude : les sols argilo-calcaires sont davantage exposés aux dégâts d’altises d’hiver. Quant à l’apport de matière organique avant colza, il ne provoque pas de dommages larvaires plus importants, même s’il protège moins contre les larves. « C’est, plus largement, une bonne réserve minérale des sols lors de la phase de sensibilité qui semble jouer, expose Terres Inovia. À condition que les plantes soient saines et bien enracinées. Ainsi, une phase végétative réalisée sans carence en éléments majeurs (N, P) débouche sur un colza vigoureux, plus apte à tolérer les accidents sanitaires en sortie d’hiver. »
Les dégâts les plus importants ont été, logiquement, observés dans les parcelles non protégées par un insecticide contre les larves. Mais « le recours aux insecticides doit être mûrement réfléchi, alerte Terres Inovia, afin de limiter la pression de sélection sur les pyréthrinoïdes, pour les préserver le plus longtemps possible, et de ne pas induire de problèmes de résistance sur les autres familles ».
Isabelle Escoffier
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