Une cinquantaine d’agriculteurs affiliés à la Confédération paysanne ont bloqué jeudi 16 mai plus d’une centaine de camions au péage du Boulou, à la frontière franco-espagnole. Les paysans mobilisés revendiquaient des prix minimaux d’entrée sur les fruits et légumes importés au sein de l’Union européenne (UE), position qu’ils sont allés défendre auprès de la sous-préfète à Perpignan à l’issue du mouvement. « Elle soumettra une note à l’adresse des ministres de l’Agriculture et de l’Interieur », précise Emmanuel Aze, responsable de la commission des fruits et légumes du syndicat.
Cette action « symbolique », selon lui, était organisée dans la perspective des élections européennes et à destination du gouvernement français. Bien que rapidement interrompue par les forces de l’ordre au bout d’environ une heure, elle a occasionné plusieurs kilomètres de bouchons au péage pour les transporteurs.
L’enjeu était de prélever des échantillons de fruits et légumes importés auprès des camionneurs pour mettre en lumière les « distorsions » intra-européennes de concurrence. « Le préfet a demandé que les agriculteurs n’aient pas le droit d’ouvrir les camions, alors que les conducteurs n’étaient pas forcément contre », souligne Caroline Nugues, chargée de communication à la Confédération paysanne.
Distorsion de concurrence
Les protestataires ont toutefois obtenu quelques échantillons d’abricots espagnols destinés, selon eux, à être mis sur le marché pour un prix de 1,45 euro, alors que le prix de revient en France varie de 1,60 à 1,80 euro, selon le syndicat. Le problème est encore plus aigu pour les fraises ou les tomates importées de l’Espagne pour 0,65 euro le kilo, contre un prix de revient en France entre 1 et 1,50 euro.
En 1988, les Pyrénées-Orientales comptaient 11 873 agriculteurs, contre environ 2 700 aujourd’hui, selon la chambre d’agriculture. Ce déclin est imputé à la concurrence espagnole, qui bénéficie notamment d’un coût de main-d’œuvre inférieur. « En 6 ans, 29 % des arboriculteurs ont disparu en France », s’insurge Emmanuel Aze. Il cessera d’ailleurs la production de pêches-nectarines-abricots et cerises au profit de la prune européenne de table bio en raison de cette concurrence ibérique. En outre, « les Espagnols ont choisi des prunes américano-japonaises non convertibles au bio. »
L’Espagne en ligne de mire
À cela s’ajoute un autre sujet d’inquiétude qu’est la mise en place d’une ligne ferroviaire entre Barcelone et Rungis. « Il faut remettre cela dans le contexte. En 2007-2009, un opérateur de Rungis avait construit d’énormes capacités de stockage frigorifique dans les sous-sols. Cela a occasionné des investissements colossaux sur la ligne de fret ferroviaire Perpignan-Rungis pour acheminer les produits. Au départ, cela a été présenté comme une mesure vertueuse de “green washing”. Or cela a accru les importations de fruits et légumes en provenance de l’Espagne et a participé de l’effondrement du secteur de l’arboriculture local et national », se plaint Emmanuel Aze, directement impacté.
Et de conclure : « Rungis présente comme un enjeu écologique le maintien de la ligne ferroviaire mais c’est une escroquerie ! Cela favorise juste les importations depuis l’Espagne en conventionnel certes, mais également en bio. Il y a 25 ans, la montée en gamme via le bio était une niche pour les producteurs français, mais c’est une solution dépassée, d’autant que l’Espagne produisait déjà 5 à 6 fois plus de bio qu’elle n’en consommait en 2016 ! »