Avec le soutien de la députée européenne Michèle Rivasi, Pollinis (1) a remis, le 15 juin 2022 à la Commission européenne, une pétition de 420 000 signatures pour le retrait des fongicides SDHI (inhibiteurs de succinate déshydrogénase) à l’échelle de l’Union européenne.

 

« Cela fait 5 ans que nous attirons l’attention sur leur danger », alerte Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS (2), qui était présent pour la restitution de la pétition.

 

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Absence de spécificité

À l’origine de cette inquiétude, le travail mené depuis 30 ans par le chercheur et ses équipes sur des maladies humaines touchant la respiration cellulaire, telles qu’Alzheimer, Parkinson et plusieurs cancers. « Nos travaux nous ont progressivement conduits à l’idée que des facteurs non génétiques étaient impliqués dans l’évolution de ces maladies, et nous avons identifié les SDHI comme de possibles coupables », relate Pierre Rustin.

 

Les SDHI visent une enzyme clé, la succinate déshydrogénase (SDH), dans la respiration cellulaire : « Ils ne peuvent pas avoir de spécificité quant à leur cible et ont donc le pouvoir d’affecter la respiration chez tous les êtres vivants », explique-t-il.

Des protocoles non adaptés

Pourtant, ces types de matières actives passent en général les tests requis pour l’obtention des autorisations de mise sur le marché. Selon Pierre Rustin, il y a au moins trois raisons à cela :

 

  • Les tests de toxicité cellulaire eux-mêmes, réalisés dans des conditions où « cette toxicité est totalement masquée (les cellules en culture n’ont pas besoin de respirer pour survivre) ;
  • Les animaux utilisés pour les tests, essentiellement des rongeurs, qui sont inadaptés puisqu’ils ne développent pas les cancers observés chez l’homme lorsque la SDH est inhibée. « De plus, les rongeurs n’ont pas une durée de vie suffisante pour que s’y déclenchent les maladies neurodégénératives », ajoute le chercheur ;
  • Le manque d’études sur le caractère mutagène des SDHI, alors que les gènes présents dans les noyaux des cellules sont reconnus comme « acteur des infections neurologiques et des cancers », évoqués précédemment. 

Adopter le principe de précaution

Pour Barbara Berardi, responsable du pôle des pesticides de Pollinis, les SDHI représentent donc « une menace pour la santé humaine », avec « un impact délétère » sur l’environnement, vis-à-vis notamment des organismes aquatiques, de ceux du sol et des abeilles.

 

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« Nous réclamons que ces substances soient évaluées par des tests adaptés à leurs modes d’action et que soit appliqué le principe de précaution tant que ces nouveaux tests n’ont pas été réalisés », indique-t-elle. L’association exige également « l’arrêt des extensions administratives automatiques octroyées chaque année par la Commission européenne au boscalid, sans réévaluation de sa toxicité ».

(1) Fondée en 2012, Pollinis est « une ONG indépendante qui agit pour stopper l’extinction des abeilles et autres pollinisateurs dont dépend l’ensemble de la biodiversité ». Elle rassemble 1,3 million de sympathisants à travers l’Europe.

(2) Centre national de la recherche scientifique.