Alors que nous bouclions ce numéro, le ciel bleu qui surplombait l’Hexagone s’assombrissait et des averses arrivaient. Il n’avait pas plu depuis des semaines, voire des mois (1). « En raison de l’anticyclone, les fortes amplitudes thermiques ne sont pas toujours en faveur d’une végétation poussante », remarque un directeur de coopérative du Maine-et-Loire. Météo France annonçait le retour des précipitations dès mardi 2 avril, accompagnées d’une chute importante des températures après un week-end quasi estival. Ainsi, bien qu’on observe « une belle homogénéité dans la plaine », dixit un technicien de coopérative en Picardie et Haute-Normandie, les cultures d’hiver ont souffert du sec depuis l’automne. « On nous avait annoncé 3 mm pour cette semaine dans le Lot-et-Garonne, mais c’est insuffisant. On a du souci à se faire », s’inquiète un technicien de coopérative d’Aquitaine, qui observe que la réserve utile est épuisée. Ce que confirme un homologue de Midi-Pyrénées : « Il n’a pas plu depuis trois mois. Si le Tarn et le Gers résistent, le reste souffre. Et en dehors du blé dur sous pivot, il n’y a pas d’arrosage dans la région. »
Un colza malmené…
Le premier touché a été le colza dont « les surfaces ont diminué de 15 % par rapport à une année normale », constate un technicien de coopérative bourguignon. Ce chiffre est monté jusqu’à 40-50 % en Auvergne. En raison de l’absence d’eau à l’automne, les colzas sont entrés chétifs dans l’hiver, les rendant sensibles aux attaques de ravageurs. « Ils ont été très affectés par les grosses altises et pucerons à cause de la perte de solutions phytos. Aujourd’hui, il y a, certes, une grosse pression méligèthes, mais leur nuisibilité n’est pas importante », explique un technicien de coopérative du Centre. « Certains colzas ont été retournés, et ça se poursuit, regrette un confrère marnais. Le charançon du bourgeon terminal et la grosse altise (jusqu’à 10 larves par pied dans le pivot) ont été responsables de gros dégâts. Grâce à l’humidité résiduelle du sol, ils restent verts, mais n’évoluent plus. Si le sec persiste, ils disparaîtront. »
… mais pas partout
Le tableau est toutefois moins sombre en Bretagne ou dans les Hauts-de-France. « La majorité des colzas sont en bon état végétatif. Les conditions ont été favorables à des semis précoces, lesquels ont été suivis de pluies. La pression des altises a, certes, été forte, mais elles ont été correctement maîtrisées, se félicite un technicien picard. En mars, grâce aux températures élevées, la pousse a été rapide et les plantes se sont finalement bien défendues contre les ravageurs. Toutefois, en ce qui concerne les méligèthes, la messe n’est pas dite pour les colzas qui n’ont pas encore atteint le stade floraison, car il suffit d’un ou deux après-midi à 12-15 °C pour occasionner beaucoup de dégâts, à l’instar de la mi-avril 2018. »
L’azote valorisé à temps
Sauf rares exceptions, le deuxième apport d’azote a été effectué sur les céréales d’hiver avant les pluies de début à mi-mars, le blé ayant atteint le stade épi 1 cm avec globalement 10-15 jours d’avance (certains sont déjà au stade 2 nœuds), tout comme l’orge. « En raison du manque d’eau à l’automne-hiver 2018, les reliquats ont été de 30 à 50 uN supérieurs à la moyenne, a remarqué un technicien de coopérative alsacien. Le deuxième apport a été réalisé dans des conditions favorables sur sols ressuyés. » Cependant, dans le Sud-Ouest, il n’est pas valorisé… Certains attendaient patiemment le retour des précipitations pour passer à l’action.
Des parcelles propres et saines
Comme un peu partout, « les désherbages d’automne ont eu une bonne efficacité. Les parcelles sont propres. Peu de rattrapages ont été réalisés » en Champagne-Ardenne. De même dans le Centre, puisque « les parcelles sont pas mal, mais le pire est à craindre avec la suppression des solutions efficaces ». Dans les Pays de la Loire, en revanche, « les parcelles ont été peu désherbées à l’automne à cause des conditions humides après les semis. Les rattrapages ont été nombreux et ont plutôt bien fonctionné ». En Auvergne, les applications de début février ont donné « des résultats moyens en raison de la forte pression des graminées », insiste un technicien de coopérative local.
Côté maladies, rien à signaler. « Aujourd’hui, c’est sain. Cela se présente normalement bien », en Pays de la Loire. Idem plus au sud où aucune maladie n’a été recensée sur colza ou céréales à paille en Midi-Pyrénées. Toutefois, en Poitou-Charentes, il faut garder les orges d’hiver (Etincel et Pixel) à l’œil car « elles sont sensibles au complexe de maladies helminthosporiose, rhynchosporiose et rouille naine », signale-t-on dans le Pas-de-Calais. Et enfin, quelques cas de rouille jaune ont été déclarés sur blé tendre dans le quart Nord-Ouest. « Avec l’arrivée des pluies, une course de vitesse entre les maladies (la septoriose) et la plante (le blé tendre d’hiver) va s’amorcer », professe un spécialiste des Hauts-de-France. Isabelle Lartigot
(1) Courant mars, l’Ain et le Rhône ont été placés par arrêté préfectoral en situation de vigilance sécheresse. Celui de la Creuse prenait fin le 31 mars. Quant aux Pyrénées-Orientales, elles sont en alerte sécheresse jusqu’au 5 avril.