Installé à Feux, dans le Cher, sur 288 hectares de grandes cultures, Dominique Dupuis n’a pas hésité longtemps à convertir son exploitation à l’agriculture biologique. Après avoir pratiqué les techniques culturales simplifiées et l’agriculture raisonnée, il saute le pas en 2009, à l’issue d’une année économique déficitaire. « J’ai visité des exploitations bio et, rassuré par des agriculteurs expérimentés, je me suis lancé », raconte-t-il.

En changeant de méthode de production, Dominique a également changé d’état d’esprit : il envisage aujourd’hui son système sur le long terme. Les résultats de ses pratiques s’observent rarement dans l’année. « Il faut bien attendre trois ou quatre ans avant de voir une différence dans les champs, explique le céréalier. Mais après huit récoltes, les plantes sont plus robustes, plus poussantes. » La fertilisation a été entièrement revue, elle s’appuie avant tout sur la rotation, les couverts et le compost. « J’ajoute encore quelques fientes de volailles sur le blé, en fonction des reliquats, réalisés avec la réglette d’Arvalis, poursuit-il. Mais l’efficience est faible, et elle dépend des conditions climatiques. Les reliquats serviront pour les couverts. Néanmoins, mon objectif est d’arriver à m’en passer. »

Une alternance de cultures

Du jour au lendemain, l’exploitant a complètement bouleversé la rotation, en passant de quatre cultures (blé, orge, colza, tournesol) à onze (voir ci-contre), en se fondant sur une alternance de légumineuses et de céréales, et des saisons (30 % de cultures de printemps, 20 % de cultures d’été et 50 % de cultures d’automne). Les légumineuses (féverole, luzerne, pois, lentille…) relâchent entre 30 et 60 unités d’azote sur la culture suivante, puis encore 20 à 30 unités pour l’année d’après. L’alternance des cultures agit également sur la limitation d’adventices. La luzerne a complètement supprimé les ronds de chardon. Dominique ne désherbe pratiquement pas. Il effectue au maximum un passage de herse étrille dans les céréales. « Avec ce type de rotation, on travaille peut-être davantage, mais la charge de travail est plus régulière sur toute l’année et il y a moins de pression pour intervenir », ajoute-t-il.

Couverts : Des mélanges de pour moins de 60 €/ha

En zone vulnérable aux nitrates, Dominique mise beaucoup sur les couverts pour apporter de la matière organique. Avant du maïs ou du tournesol, il sème un mélange d’avoine, de vesce, de trèfle d’Alexandrie, de phacélie et de moutarde. Un mix qui structure le sol et qui reste appétant pour les abeilles, sans dépasser les 60 €/ha. Il le détruit en février-mars, avec un outil à disques. Avant des pois-orge ou des lentilles, l’agriculteur sème 12 kg/ha de moutarde. « La moutarde n’apporte pas beaucoup d’azote, mais sera profitable au blé dans deux ans, et elle ne coûte que 30 €/ha », souligne-t-il.

Du compost pour nourrir le sol

Pendant quarante ans, les pailles ont été enfouies. En sol argilo-calcaire, le taux de matière organique est très bon, entre 3 et 6. Mais depuis qu’il est passé en bio, Dominique les exporte. « Si je laisse les pailles, l’azote sert à les décomposer et ne profite pas à la culture », poursuit-il. Dans les sols limon-sableux, où le taux de matière organique oscille entre 1,5 et 2, la paille est enfouie.

Tous les quatre ans, le céréalier apporte du compost avant une légumineuse, entre 8 et 12 tonnes, du fumier de bovin qu’il fait composter deux fois, à trois semaines d’intervalle. Le phosphore et la potasse sont assimilés immédiatement par les plantes, les autres éléments ont une libération plus lente. Les 1 000 tonnes de fumier lui coûtent environ 5 000 euros. Pendant une dizaine de jours, Dominique roule le fumier, puis une entreprise l’écarte, pour un prix de 50 €/ha. « Cela demande beaucoup de travail, mais le coût est amorti dans le temps », indique-t-il. Après huit ans de ce système, l’agriculteur atteint des rendements honorables, couplés à des prix corrects. « Le retour aux fondamentaux agronomiques, une valorisation équitable de mon travail ainsi qu’une reconnaissante sociétale m’apportent une certaine sérénité », conclut Dominique Dupuis.