Dans la région des Trois frontières, à l’est de l’Alsace, la chrysomèle des racines du maïs a levé un vent de changement. Ce ravageur a contraint les agriculteurs, situés dans la zone de quarantaine, à être infidèles, une année sur six, à la monoculture de maïs. Depuis 2011, les frères Peter ont installé du sorgho sur 10 à 15 ha des 115 ha de l’exploitation. La raison ? « Il se conduit comme du maïs ! », s’exclame Pascal Peter. Parfait pour eux, car avec un travail à temps plein hors ferme et une famille, le temps est compté.

Les limons argileux de Blodelsheim, séchants, se réchauffent assez rapidement si le printemps n’est pas trop humide. Le sorgho est semé pendant la seconde quinzaine d’avril, après les maïs. « Ça laisse du temps pour faire un ou deux faux-semis au vibroculteur, détaille Pascal Peter. Ils sont nécessaires car la maîtrise des graminées en sorgho pose plus de problèmes qu’en maïs. »

Concrètement, après l’herbicide post-levée précoce qu’il applique, les solutions de rattrapage ne sont pas satisfaisantes pour contrôler les adventices présentes sur ses parcelles (sorgho d’Alep notamment). En 2017, il testera un traitement de pré-levée récemment homologué.

Toutes les parcelles de la ferme sont irriguées. Le sorgho est moins exigeant en eau que le maïs. « Il reçoit trois ou quatre tours d’eau, contre sept à huit pour le maïs », précise Pascal Peter. L’astreinte se termine plus tôt que pour le maïs, mais les récoltes sont simultanées… Ce qui peut poser problème car les réglages de la moissonneuse-batteuse ne sont pas les mêmes. À moins de trouver un entrepreneur qui dédie une machine pour le sorgho.

Du blé et du soja en sus

Pascal Peter obtient des rendements en sorgho de 92 à 107 q/ha (à 15 % d’humidité), soit, en moyenne, 20 à 25 q/ha de plus que la moyenne régionale. Il attribue ce succès au climat, à ses sols et aussi au choix de la variété très précoce (Armorik). Il vend le sorgho au même négoce que celui qui prend son maïs grain. L’organisme stockeur dédie un séchoir au sorgho, ce qui limite la concurrence entre les chantiers de récolte. Le sorgho part ensuite aux Pays-Bas. « L’année dernière, il était mieux rémunéré que le maïs, à 149 €/t contre 134 € pour une tonne de maïs », se rappelle Pascal.

Depuis 2013, les mesures de lutte réglementaires contre la chrysomèle ne sont plus en vigueur. Le sorgho est toutefois maintenu sur l’exploitation et, du fait du verdissement de la Pac, une autre culture minoritaire s’est fait sa place en 2014 : le blé, sur 20 ha. La campagne 2017 aura aussi son lot de nouveautés, avec le premier blé suivant un sorgho, et les premières parcelles de soja.