Lundi, le 9 décembre 2024 au soir, des agriculteurs mécontents de la censure du gouvernement Barnier se sont rendus devant les permanences du député du Rassemblement national Frédéric Weber à Joeuf (Meurthe-et-Moselle). La FDSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) de la Meurthe-et-Moselle ont voulu lancer un « avertissement ferme » à l’élu, est-il écrit sur le compte Facebook de la FDSEA.
Le député, qui était présent, a déclaré à l’AFP leur avoir dit qu’il avait « voté une motion de censure par rapport au budget et pas pour ennuyer les agriculteurs. Par contre, c’est vrai que le fait que le gouvernement soit tombé risquait de retarder » les mesures réclamées par les syndicats agricoles, prévues dans les projets de budget pour 2025, et celui de financement de la Sécurité sociale (PLFSS)
Dans la Sarthe, le dimanche 8 décembre, la FDSEA a visé les permanences de deux députées du NFP (Nouveau Front populaire). L’insoumise Élise Leboucher et la socialiste Marietta Karamanli « ont voté la motion de censure qui a fait chuter le gouvernement, a expliqué à l’AFP Denis Pineau, président de la FDSEA de la Sarthe. Toutes les mesures discutées sont désormais caduques : le plan de trésorerie, la détaxation du gazole non routier, le plan de restructuration. »
« Avec les Jeunes agriculteurs, on a ciblé ces parlementaires pour leur montrer qu’on désapprouvait leur position, a-t-il ajouté. Les agriculteurs en ont ras le bol de ces positions politiciennes. » Sur X, Élise Leboucher a dénoncé « le mode d’action retenu par la FDSEA », tout en reconnaissant que « la détresse des agriculteurs » était « réelle ».
La détresse des agriculteurs est réelle, mon engagement à leurs côtés aussi.
— Élise Leboucher (@leboucher_elise) December 9, 2024
Suite à l'action de la FDSEA 72 devant ma permanence parlementaire au Mans, ma réponse : @FNSEA @fdsea72 @OuestFrance72 @lemainelibre @bleumaine @ActuMans @Radio_Alpa @F3PaysdelaLoire @LMtvSarthe pic.twitter.com/LUBCZA1ZHr
Une visite à François Hollande
Les actions ont commencé en Occitanie jeudi soir. Vendredi, le 6 décembre 2024, c’est la permanence de l’ancien président de la République François Hollande à Tulle qui a reçu la visite d’agriculteurs. « On vient murer symboliquement la permanence. Il est sur un territoire rural. S’il ne veut pas défendre ses agriculteurs, son territoire, il n’a pas besoin d’une permanence en Corrèze, a déclaré Emmanuel Lissajoux, président de la branche départementale de la FNSEA, accompagné d’une trentaine d’adhérents de son syndicat et de JA. Ça va retarder toutes les avancées obtenues. »
🚧 Travaux en cours : la @fdsea19 et les @CorrezeJa murent la permanence de @fhollande après son vote pour la motion de censure mercredi. Les promesses doivent être tenues ! #FNSEA #JA #Agriculture pic.twitter.com/nDOLidiver
— FDSEA 19 (@FDSEA19) December 6, 2024
« Aller […] demander des comptes » après la censure du gouvernement
Des actions similaires ont visé d’autres permanences de députés ayant voté la censure du gouvernement : Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Charente, Haute-Vienne, Vienne et Dordogne. Les agriculteurs répondaient à un appel national de la FNSEA et de Jeunes Agriculteurs (JA), dont le secrétaire général Quentin Le Guillous a exhorté ses troupes « à aller à la rencontre de tous les députés pour demander des comptes » après la censure du gouvernement.
Dès jeudi soir, les permanences des trois députés de la Charente-Maritime ont été visées, selon la préfecture : celles de Fabrice Barusseau (NFP) à Saintes, Benoît Biteau (Verts-NFP) à Rochefort et Pascal Markowsky (RN) à Royan. « On s’est attaqué aux députés qui ont voté la motion de censure et qui foutent en l’air tout le travail fait jusqu’à présent pour les agriculteurs, a précisé Cédric Tranquard, le président de la FDSEA de la Charente-Maritime. RN, NFP… On ne fait pas de traitement de différence, on ne fait pas de politique, nous. »
Pascal Markowsky (RN) a dit sur X comprendre « la détresse des agriculteurs, confrontés à des difficultés sans précédent » et entendre « leur désespoir ».
Face aux fausses informations et aux inquiétudes légitimes, communiqué de presse sur les conséquences réelles de la motion de censure pour nos agriculteurs. Le @RNational_off défend le monde paysan depuis sa création et continuera toujours à être aux côtés des agriculteurs.🌾🇨🇵 pic.twitter.com/QzM4oZHRPZ
— Pascal Markowsky (@PascalMarkowsky) December 5, 2024
L’écologiste Benoît Biteau a, lui, fait part de son incompréhension, rappelant que quand il était eurodéputé, son surnom était « Monsieur Niet ». Une référence à son opposition systématique à l’accord de libre-échange avec le Mercosur sud-américain, conclu vendredi par l’Union européenne.
Immense merci à toutes celles et ceux qui m’ont témoigné leur soutien hier devant ma permanence parlementaire à Rochefort après les inadmissibles dégradations revendiquées par la FNSEA et les JA.
— Benoît BITEAU (@BenoitBiteau) December 7, 2024
Pas besoin de m’apporter votre fumier, j’ai ce qu’il faut à la ferme… pic.twitter.com/fyf2jUN0BV
Deux autres figures, comme lui, de l’opposition aux projets de « mégabassines » pour l’irrigation, les députées écologistes Delphine Batho (Deux-Sèvres) et Lisa Belluco (Vienne), ont également été prises pour cible.
Une colère mêlée de dépit
« On est capables d’aller montrer les dents », a mis en garde vendredi à Limoges Ludovic Beyrand, agriculteur et trésorier de la FDSEA de la Haute-Vienne, dépité de voir s’envoler les « quelques concessions » du gouvernement Barnier, avant d’aller murer avec d’autres militants les permanences des trois députés Nouveau Front populaire du département.
Même colère mêlée de dépit en Dordogne ou encore en Charente, où des agriculteurs ont visé vendredi à coups de peinture blanche ou de dépôt de fumier les permanences de René Pilato (NFP), Caroline Colombier (RN) et Sandra Marsaud (Renaissance), avant d’échanger, dans le calme, avec les élus présents.
« Les élus nous passent toujours la main dans le dos pour dire qu’ils soutiennent l’agriculture », mais ils ont « laissé tomber » un budget qui « prévoyait des prêts garantis par l’État pour les agriculteurs en difficulté et une augmentation des petites retraites agricoles », a déploré Christian Daniau, président de la chambre d’agriculture de la Charente (FNSEA).
« Le budget est bloqué mais le salaire des fonctionnaires va se poursuivre, le versement des retraites aussi. […] Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule profession qui est pénalisée : la nôtre. Ça ne dérange personne qu’un pauvre retraité agricole ne gagne rien, et qu’un agriculteur après une année calamiteuse ne se verse pas de salaire », a-t-il ajouté.