Le blé français perd en compétitivité face au blé russe en cette fin de semaine, après une courte période où les prix français étaient inférieurs aux russes. La bonne récolte russe promet un programme d’exportation encore dynamique. Les problèmes qualitatifs en Europe soutiennent les prix de l’orge brassicole. Le manque de disponibilité en tourteau en Argentine fait grimper le cours de la protéine de soja.
Hausse des prix du blé français en fin de semaine
Sur une semaine, les prix du blé rendu Rouen se sont renforcés de 9 €/t, mais cette hausse est survenue en fin de semaine, succédant à une période de bonne compétitivité des blés européens face au blé russe. Ainsi le 22 août, l’Égypte a préféré l’origine roumaine, pour un volume de 60 000 tonnes à un prix très compétitif de 270,25 $/t CAF, dans un contexte de repli de l’euro face au dollar, et malgré la présence d’offres russes. L’offre française était également présente. À titre de comparaison, le dernier achat en blé du Gasc le 8 août portait sur 235 000 tonnes de blé russe, à 278,15 $/t CAF. L’achat thaïlandais du 23 août de 60 000 tonnes de blé fourrager serait également de blé roumain.
La semaine a été marquée par de nouvelles attaques russes sur les régions d’Odessa et du Danube, visant les infrastructures d’exportation ukrainiennes. D’après le ministre ukrainien des Territoires et des Infrastructures, 270 000 tonnes de grains ukrainiens ont ainsi été détruits depuis que la Russie a quitté l’accord d’exportation de grains ukrainiens.
Les données de production à travers le monde sont également partagées avec des nouvelles contrastées sur des résultats de récoltes positifs en Russie et en Ukraine, mais des inquiétudes sur les prévisions de production aux États-Unis, en Australie et au Canada.
Les récoltes de blé avancent en Russie et les résultats sont très bons dans l’Ouest et exceptionnels dans le District central. La Russie s’avance vers sa seconde meilleure récolte historique après le record de 2022, avec toutefois des réserves sur l’aspect qualitatif jugé moins bon que l’an dernier. La moisson ukrainienne, qui s’est achevée ces derniers jours, est estimée en légère hausse par rapport à 2022, d’après les données du ministère de l’Agriculture ukrainien, à 21,9 millions de tonnes, contre 20,7 en 2022, grâce à de bons rendements.
En Australie, en revanche, le manque de pluie et l’effet des températures élevées, associé au risque du phénomène El Niño accru, sont de plus en plus prégnants et touchent une majorité de régions de production du blé. Récemment, un rapport de l’association des industries du grain d’Australie Occidentale faisait part d’une perte du potentiel de production de plus de 1 million de tonnes sur les dernières semaines pour ce seul État.
Au niveau européen, les pluies ne faiblissent pas dans le nord de l’Europe, retardant les récoltes et faisant craindre des dégradations qualitatives.
Par ailleurs, la Commission européenne est pressée par les cinq pays d’Europe centrale frontaliers de l’Ukraine de reconduire les restrictions d’importation de grains ukrainiens (blé, maïs, colza et tournesol). Prévues pour se terminer au 15 septembre, les cinq États demandent que les mesures se prolongent jusqu’à la fin de l’année. Ils sont d’ailleurs prêts à les poursuivre avec ou sans l’aval de l’Union européenne.
Orge : prix en légère baisse mais toujours soutenus sur le segment brassicole
L’orge fourragère retrouve son prix du 10 août après s’être fortement dépréciée jusqu’au 15 août. Elle s’affiche à 212,25 €/t rendu Rouen, reprenant 8 euros sur trois jours, après avoir connu une légère baisse de prix au début de la semaine en sympathie avec le blé fourrager. Les prix de l’orge réagissent également aux informations venant de l’Australie et du Canada sur les conditions de culture. Au niveau des échanges, la Jordanie relance un appel d’offres pour de l’orge fourragère cette semaine après l’abandon de celui du 18 août.
L’orge brassicole, en revanche, vit une tout autre situation avec des prix demeurant élevés, et bénéficiant d’une prime exceptionnelle notamment pour celle de printemps. L’écart de prix est également inhabituellement élevé entre les variétés d’hiver et de printemps. Les cours accusent toutefois une très légère inflexion ces derniers jours. L’orge d’hiver Fob Creil perd 4 €/t, à 233,5 €/t, tandis que l’orge de printemps se porte à 311 €/t, perdant 7 euros en quelques jours.
La situation de l’orge brassicole devrait rester tendue en Europe, notamment pour l’orge de printemps, car les conditions météorologiques ne s’améliorent toujours pas, dégradant la qualité des récoltes en Europe du Nord. Dernièrement, quelques bonnes nouvelles sont parvenues de la Scandinavie avec des intentions de vente un peu plus forte au début de la campagne de 2023-2024.
Petite hausse du prix du colza
Alors que les récoltes sont proches d’être terminées dans l’Union européenne, les prix de la graine oléagineuse restent soutenus par les résultats moyens dans les silos et par les déboires climatiques en Amérique du Nord. Rendu Rouen, le prix du colza augmente ainsi de 3,25 €/t sur la semaine (à 464,5 €/t), tout comme le contrat de novembre 2023 sur Euronext à 471,5 €/t.
Les rendements ont été en effet plutôt décevants en France et en Allemagne. L’Association des agriculteurs allemands (DBV) a publié mardi 22 août son estimation de récolte pour 2023, qui se situe à 4,07 millions de tonnes, en baisse de presque 5 % par rapport à l’an dernier. Le temps chaud et sec à la fin du printemps a compromis le remplissage des graines.
Par ailleurs, les importations de colza de l’Union européenne sont en nette baisse sur le début de la campagne. Dans un premier temps, les stocks élevés au 1er juillet ont ralenti les achats des importateurs, puis l’arrêt du corridor au départ d’Odessa a freiné les expéditions de l’Ukraine vers le marché européen, le colza étant en concurrence avec les autres matières premières pour l’utilisation de la capacité d’exportation ukrainienne restant fonctionnelle (train, camion, barges au départ du Danube).
De plus, les prix européens ont suivi la tendance des cours canadiens, qui rebondissent de 9 à 10 $/t entre le 17 et le 24 août, en raison des températures qui s’annoncent supérieures à la normale sur les prochains jours, alors que les conditions des cultures sont très hétérogènes. Au Canada, la production de canola de 2023 est attendue en repli de plus de 1 million de tonnes par rapport à l’an passé, affectée par un manque de précipitations persistant dans plusieurs zones de production des prairies canadiennes. Les régions les plus touchées ont reçu moins de 50 % des pluies habituelles sur la période juin-août (sud-est du Saskatchewan et de l’Alberta).
Fort rebond du tourteau de soja
Le tourteau de soja à Montoir a vu son prix grimper de presque 35 €/t en une semaine, à 512 €/t. D’une part, le tourteau a réagi à la progression des cours du soja sur le marché mondial. À la Bourse de Chicago, le soja augmente de 11 $/t sur l’échéance de novembre en raison des températures extrêmement élevées attendues dans les prochains jours dans le Midwest. Ces dernières pourraient dépasser de 5 à 7°C les normales saisonnières, alors que peu de pluies sont prévues. Cela fait craindre une détérioration du potentiel de rendement des cultures, les sojas étant dans la phase critique de remplissage des gousses.
Les cours des tourteaux argentins ont aussi fortement augmenté cette semaine (+58 $/t, à 499 $/t Fob River) en raison d’une offre limitée dans ce pays. La trituration argentine est en diminution de presque 20 % sur la période octobre-juin 2022/2023 par rapport à l’an passé, freinée par les faibles disponibilités en fèves. Cela découle de la chute de 40 % de la production de soja en 2023. Ce rebond des cours argentins a entraîné à la hausse les prix de toutes les origines.
À suivre : évolution du conflit en mer Noire, parité de l’euro face au dollar, mesures de restriction d’importation de grains ukrainiens, météo en Amérique du Nord (blé, orge, colza, maïs, soja), en Europe et mer Noire (maïs, tournesol), et en Argentine (blé, orge, maïs), production d’huile de palme en Asie du Sud-Est, conjoncture économique mondiale (croissance, inflation).