La semaine a été marquée par une baisse des cours de nombreuses matières premières agricoles. Le retour timide des précipitations au Canada, conjugué à des pluies prévues aux États-Unis au début de juillet, a douché les prix après plusieurs semaines de hausse corrélées aux inquiétudes climatiques. En revanche, la brève tentative d’insurrection en Russie n’a eu qu’un impact minime sur les prix.
Net retrait des prix du blé
Cette semaine, les cours du blé ont décliné significativement après trois semaines consécutives de hausse. Ce mouvement baissier résulte du retour des pluies aux États-Unis, notamment sur les états producteurs de maïs, qui a en partie soulagé le marché. Les États producteurs de blé ont également bénéficié de quelques pluies, même si d’autres seront les bienvenues à court terme.
Au Canada, StatCan a annoncé une progression de 8 % de la surface de blé par rapport à 2002. Les conditions climatiques se sont un peu améliorées dans la Saskatchewan et le Manitoba, où les conditions sont correctes sans plus. En revanche, l’Alberta fait face à des conditions toujours difficiles avec seulement 43 % des blés jugés dans un état bon à excellent, contre 76 % pour la moyenne quinquennale.
Globalement à l’échelle planétaire, les conditions climatiques se sont légèrement améliorées et ont fait éclater la bulle spéculative liée au « Weather Market ». La situation reste néanmoins fragile, notamment en Amérique du Nord et en Australie. En Ukraine, l’Union des traders de grains a annoncé prévoir une récolte de blé supérieure à l’an dernier, à la faveur de bons rendements, loin au-dessus des prévisions du ministère ukrainien de l’agriculture.
En France, la récolte des blés est imminente dans les régions les plus précoces et l’heure est plutôt à l’optimisme. Néanmoins, des inconnues demeurent, telles que le poids de mille grains. Le blé rendu Rouen a plongé de 16,5 €/t au cours de la semaine pour atteindre 226,5 €/t (base : juillet). Pour le Fob Rouen en dollar, la chute est encore plus marquée (–19,5 $/t, à 252 $/t), en raison d’un recul de l’euro face au dollar. Sur Euronext, la baisse des prix est un peu moins sévère que sur les marchés physiques (–14 €/t).
Aux États-Unis, les blés ont perdu entre 30 et 33 $/t en lien avec le retour des pluies. En revanche en Russie, le prix des blés a très légèrement repris cette semaine. La mutinerie avortée du chef de la milice russe Wagner, le 24 juin dernier, a provoqué un vent de panique en Russie, mais le soufflé est rapidement retombé. Malgré cela, les prix russes restent très agressifs et s’affichent 20 $/t moins chers que les blés français. Les exportations russes continuent de battre des records mensuels.
Les prix de l’orge cèdent du terrain
Après avoir monté régulièrement depuis la fin de mai, les prix de l’orge ont marqué un net retrait cette semaine. L’orge fourragère rendue Rouen perd 19,5 €/t, à 204,5 €/t (base : juillet). À l’exportation, l’orge Fob Rouen perd 23 $/t, à 226 $/t. Les récoltes d’orge d’hiver ont débuté dans l’hémisphère Nord. En France, la moisson était avancée à 31 % au début de la semaine, selon FranceAgriMer. Les premiers retours de rendements sont bons dans l’ensemble, notamment dans le centre et l’ouest du pays. Ils semblent un peu plus en retrait dans l’est.
Tour de plaine : l’état des céréales se dégrade (12/06/2023)
La récolte des orges a également débuté en Ukraine et en Russie. Sans surprise, la récolte ukrainienne est attendue en fort retrait, entre 4,5 et 5 millions de tonnes, selon les sources, alors que le pays récoltait en moyenne 8,5 millions de tonnes avant le conflit. Malgré tout, les prix français sont sous la pression de la récolte de céréales qui débute et du retour de quelques pluies sur les zones de maïs aux États-Unis. En outre, la Russie a continué d’exporter de l’orge de manière importante en juin avec près de 373 000 tonnes entre le 1er et le 27 du mois (contre 195 000 tonnes exportées l’an dernier).
Depuis le début de la campagne, les exportations australiennes s’affichent également à un bon niveau, avec 6,6 millions de tonnes exportées entre le 1er juillet 2022 et le 30 avril 2023, selon les statistiques de Douanes. Le marché est malgré tout fébrile à cause de conditions de culture qui restent fragiles dans plusieurs régions du monde, mais qui ne se détériorent pas non plus. Au Canada, la surface semée en orge de printemps serait en hausse de 4 % par rapport à l’an dernier. Les conditions de croissance des plantes sont néanmoins fragiles, avec des pluies, certes de retour, mais qui restent insuffisantes.
La situation des orges de printemps s’améliore partiellement en Russie avec le retour des pluies, excepté en Sibérie où les potentiels de rendement devraient continuer de se dégrader. En Australie, le début de cycle est contrasté avec les zones de production de l’ouest du pays qui s’assèchent tandis que les pluies sont présentes à l’est. Pour le moment, la mise en place du phénomène El Niño n’a pas abouti à un assèchement draconien des conditions de croissance des orges en Australie.
Sur le segment brassicole, pour la récolte de 2023, les orges d’hiver perdent 21 €/t, à 224 €/t Fob Creil. Les orges de printemps cèdent, quant à elle, 20 €/t, à 280 €/t Fob Creil. Les prix baissent dans le sillage des céréales et les primes brassicoles évoluent relativement peu, et restent donc à des niveaux très élevés.
Légère baisse des prix du colza
Cette semaine, les cours du colza se sont légèrement effrités de 7 €/t et s’établissent à 435 €/t rendu Rouen et à 443 €/t en Fob Moselle. Alors que les stocks européens de colza en début de campagne sont confortables, la nouvelle récolte européenne approche et vient peser sur les prix. Par ailleurs, l’annonce de précipitations au début de juillet sur les zones de production du soja américain a aussi apporté une pression sur les prix des colzas en France.
La révision en hausse par StatCan des surfaces semées au Canada, dans une publication sortie le 28 juin 2023, a également contribué à la baisse des prix. Les agriculteurs canadiens auraient semé 22,1 millions d’acres de canola en 2023, un chiffre en hausse de 3,2 % par rapport à l’année précédente.
Toutefois, la baisse des prix a été limitée par les inquiétudes toujours bien présentes de déficit hydrique. En effet, davantage de pluies sont nécessaires au bon développement des sojas américains et des canolas canadiens, et les précipitations prévues au Canada au début de juillet n’apparaissent pas très élevées. De plus, les craintes toujours importantes pour l’impact du phénomène El Niño sur les cultures en Australie et en Asie du Sud-Est limitent aussi la baisse des cours.
Le prix du tourteau de soja recule
Cette semaine, le prix du tourteau de soja a reculé avec l’annonce de meilleures conditions climatiques aux États-Unis, et ce malgré la dégradation des conditions de cultures en juin. Le cours du tourteau à Chicago a ainsi lâché 24 $/t sur le rapproché et 27 $/t sur l’éloigné. En effet, de bonnes pluies sont attendues sur les deux prochaines semaines dans le sud et le centre du Midwest, ce qui pourrait soulager le stress hydrique des plantes de soja. Cela pourrait permettre de recharger l’humidité des sols juste avant la période de pollinisation des plantes qui a lieu à la fin de juillet, une phase critique qui nécessite beaucoup d’eau. Ces précipitations pourraient ainsi permettre aux plantes de récupérer une partie de leur potentiel de rendement.
Les cultures de soja ont jusqu’à présent souffert du manque d’eau. Selon le département américain de l’Agriculture, au 25 juin, près de 51 % des plantes de soja étaient notées en état « bon à excellent », contre 54 % une semaine plus tôt et 65 % un an plus tôt, soit la notation la plus basse depuis 1988. En parallèle, la demande mondiale en tourteau de soja ne semble pas s’activer. En Chine, le cours du porc poursuit sa baisse menaçant la rentabilité des élevages porcins et poussant les éleveurs à réduire leurs cheptels. En mai, les effectifs de truies en Chine ont reculé de 0,6 % sur un mois, selon les dernières données du ministère de l’Agriculture chinois. Par ailleurs, les indicateurs économiques du pays restent moins prometteurs que prévu.
À la fin de juin, un cas de grippe aviaire a été détecté au sein d’un élevage familial, dans l’État d’Espirito Santo, au Brésil. Si la maladie se propage dans les élevages industriels de volailles, cela pourrait compromettre la consommation animale dans le pays mais aussi affecter les exportations de viandes de volaille du Brésil. D’ailleurs, le Japon a réagi rapidement à l’annonce du cas brésilien, en interdisant les importations de volailles en provenance de l’État d’Espirito Santo.
Les potentielles restrictions mises en place par d’autres pays importateurs de volailles pourraient modifier les flux mondiaux. La demande en viandes de volaille pourrait basculer vers d’autres pays producteurs, dans lesquels la demande en tourteaux augmenterait par voie de conséquence, ce qui pourrait faire fortement monter les prix des tourteaux de soja. Une moindre concurrence du Brésil et de meilleures perspectives à l’exportation pourrait par ailleurs soutenir les filières des volailles dans l’Union européenne. Ce point reste à suivre de près.
Le prix à Montoir a suivi la tendance mondiale, reculant de 30 €/t cette semaine. Le tourteau de soja dans l’Union européenne, doit toujours faire face à la forte concurrence de la part des céréales, des tourteaux concurrents et du pois fourrager. Par ailleurs, la demande du secteur animal en France reste faible, affectée par un cheptel porcin en déclin et par des populations de volailles nettement réduites par la grippe aviaire.
À suivre : confirmation des pluies aux USA au début de juillet (maïs et soja surtout), début des récoltes en Europe, propagation de la grippe aviaire au Brésil, évolution du prix du pétrole, intensité du phénomène climatique El Niño (Australie).