La guerre en Ukraine a bouleversé le marché des céréales. Difficile, en 2022, pour les cargos de traverser une mer Noire minée, impossible pour les clients d’acheter à la Russie alors que ses banques faisaient l’objet de sanctions internationales. Cela a joué en faveur des grains français sur le second semestre de 2022. Le port de La Rochelle a chargé 75 % des grains stockés, contre 60 % habituellement sur cette période. Puis la donne a changé. La Russie a mis en place des circuits bancaires alternatifs avec ses pays alliés, l’Ukraine a déversé ses céréales sur les pays d’Europe de l’Est pour qu’elles sortent de la Pologne, de la Roumanie ou de la Bulgarie.
La Russie donne le tempo
Aujourd’hui, c’est à nouveau la Russie qui donne le tempo, avec un prix fixé par le Kremlin à 235 $/t. Les blés français, quant à eux, indexés sur les marchés à terme, plafonnent à 270 $/t. Même leurs clients traditionnels comme le Maroc ou les pays d’Afrique de l’Ouest, ou encore l’Espagne victime d’une sécheresse dévastatrice et aux récoltes dérisoires cette année, leur font des infidélités pour s’approvisionner auprès des pays de la mer Noire.
« Les ventes à l’international de blé sorti de la France se résument à quasi 0 », regrette Frédéric Guillemin, directeur du pôle des blés chez Soufflet Négoce-Invivo, présent à la Bourse des produits agricoles qu’organisait le port de La Rochelle le 23 juin 2023. Les récoltes ont démarré dans le sud de la France, elles seront lancées dans le Nord dans les trois prochaines semaines « et on n’a toujours pas de demande. On ne peut pas donner nos céréales à 230 $/t. Alors, on courbe l’échine et on attend des jours meilleurs. »
Une logistique compliquée
Du fait des rendements attendus, de l’ordre de 15 % au-dessus de la moyenne quinquennale, la logistique va devenir compliquée. « D’ici au 20 juillet, les silos seront pleins, cela va entraîner des difficultés pour faire les allotements, les sélections et les assemblages que demandent les clients. » La prochaine campagne sera probablement atypique, comme le souligne Vincent Poudevigne, directeur général du Groupe Sica Atlantique : « On s’attend à des sorties en accordéon, avec des arrivées massives et des sorties massives. »
Seul réconfort, le port de La Rochelle a des commandes pour des orges, très demandées notamment par la Chine dont les exigences qualitatives à l’importation sont telles que ses fournisseurs potentiels sont rares et que la France est très bien placée. Mais même là, le futur proche risque de s’assombrir. La Chine est en train de renouer avec un autre de ses fournisseurs, l’Australie, des relations commerciales qui avaient été stoppées lors des tensions commerciales avec les États-Unis dont l’Australie est l’alliée.